Il avait été cruellement déçu par le premier gouvernement qui avait suivi la chute du régime. Comme beaucoup de Hongrois, il s'était imaginé que la sortie du communisme signifierait la liberté, l'abondance et la joie. Il avait conservé pendant cinquante ans l'espoir que le changement amènerait la justice, c'est à dire pour le grand-père la condamnation en cour martiale de tous les soldats de l'Armée rouge et le dédommagement de leurs victimes. (p. 184)
Il pensa avec surprise que la nudité était toujours belle peut-être. C'était comme si les corps retrouvaient leur sens plein, débarrassés des obligations sociales des vêtements.
Ils n'étaient ni l'un ni l'autre amoureux quand ils se fiancèrent. Leur relation était pleine de la gêne et de la maladresse des corps qui ne sont pas habitués à marcher côte à côte.
Dans son esprit, se taper des Californiennes était la seule revanche valable sur l'histoire après plus de quarante ans d'occupation Russe.
Il y avait très peu de vrais salauds et de vrais saints. Il n’y avait que des hommes qui regardaient leur nombril, tremblaient pour leur nombril et protégeaient leur nombril sans jamais cesser d’être d’une banalité insoupçonnée. (p.254)
Même leurs nouveau-nés paraissent vieux. Ils sont vêtus d'un pyjama trop grand, comme s'ils étaient tous atteints de cachexie. Ils se débattent dans les vêtements des autres, taille "bonne santé", avec leur maigreur inadéquate.
Tu es un parfait petit communiste , tu ne sais pas réfléchir
Une ou deux grenades apparurent par surprise sous les voitures et dans les restaurants. La police ne trouvait rien. Elle recevait de nouvelles voitures et des talkies-walkies flambant neuf pour continuer à ne rien trouver. Quand les agents dénichaient malgré tout des informations, ils se suicidaient très vite (p.220)
Imre acheta sa première bouteille de palinka à l'abricot le 7 juin 2000. Il pensa aux jours de crise du grand-père. A sa promesse d'enfant de ne jamais boire. Il la vida dans la nuit et fut malade.
Imre tira longuement sur sa cigarette en se demandant si sa vie était normale. Il ne pensait pas à la maison dans laquelle il habitait ou aux membres étranges de sa famille, il pensait à la tristesse qu’il ressentait, à la colère que lui inspirait Kerstin. A son incapacité à être tout à fait heureux, même auprès des gens qui lui étaient les plus chers.
Il se demandait si c’était l’état normal des choses, si les autres étaient comme lui et si leur bonheur n’était qu’apparent ou bien si c’était lui qui avait raté quelque chose.
Est-ce que la vie pouvait n’être que ça ? cette succession d’espoirs et de dépressions, l’un faisant toujours oublier l’autre, malgré les années et le peu de sagesse qu’on pouvait en tirer ? Est-ce que c’était possible qu’il n’y ait pas plus ?