Dans un ciel couleur de métal…
Dans un ciel couleur de métal,
l’éclat froid d’une dynamo.
Oh silence de ma bonne étoile !
De mes dents, l’étincelle d’un mot –
En moi le passé comme une pierre
tombe dans l’infini silencieux.
Le temps s’enfuit, pâle et muet.
Lueur d’une lame : mes cheveux –
Ma moustache rampe, alourdie,
chenille sur ma bouche éteinte.
Mal au cœur, les mots ont tiédi.
Mais qui serait là pour entendre –
//Attila József (1905 - 1937)
/Traduit du hongrois par Alice Zeniter
- Quand ils arrêteront de nous faire chier avec la guerre froide, répétait Zsolt en boucle, on ira en Californie se taper des californiennes.
Le 27 juillet 1986, Queen donnait un concert à Budapest. C'était la première fois qu'un groupe occidental venait jouer en Europe de l'Est depuis 1965, l'année de la venue de Louis Armstrong.
- C'est trop gentil de la part de l'Amérique, nous envoyer un nègre et un pédé, merci bien ! disait à la radio un notable communiste raciste et homophobe.
- Pays de merde, grommela Imre en quittant la table de la cuisine.
Ildiko sursauta.
- En plus, ils sont anglais, pas américains.
- Quelle différence ? demanda le grand-père.
(p. 81)
Il pensa avec surprise que la nudité était toujours belle peut-être. C'était comme si les corps retrouvaient leur sens plein, débarrassés des obligations sociales des vêtements.
Le grand-père connu ainsi sa première grave déception patriotique. Il avait toujours pensé que seules les invasions successives avaient empêché la Hongrie de devenir le pays édénique dont il rêvait. Sans les Turcs, sans les Autrichiens, sans les Allemands, sans les Russes, le génie national s'épanouirait enfin, pensait-il. Les ratés du gouvernement Antall le plongèrent dans une amertume dangereuse.
La perte de la personne qui lui avait donné la vie avait englouti un peu de son existence à lui aussi.
À seize ans, chaque signe de vieillesse sur les autres est un pas vers la disparition.
- C'est l'époque, disait-il, tu es un parfait petit communiste, tu ne sais pas réfléchir.
Quand Imre était dans la boutique, rien n'existait plus au-dehors. Il aimait que le monde disparaisse, n'avoir à penser à rien d'autre.
Il se demandait ce qu'avaient les Allemandes avec leur quête de la vraie vie, du vrai alcool, des vraies histoires. Était-ce parce qu'elles avaient toujours vécu à l'Ouest que l'autre côté du rideau de fer, figé par les régimes communistes, leur paraissait avoir été préservé - comme dans la glace ou dans l'ambre - du pourrissement des civilisations ? [...] elles semblaient avoir développer un goût pour les endroits que les Hongrois évitaient avec mépris, pour ce qu'ils essayaient d'oublier. ELLES PLONGEAIENT LEURS DOIGTS DANS LA POUSSIÈRE.