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4,15

sur 5675 notes
Lecture imposée en classe de français de 1ère, je dois remercier l'enseignant de l'époque (dont j'ai oublié le nom, mais à ma décharge ça date...) de m'avoir fait découvrir cet auteur classique de la littérature française et d'accéder à l'univers des Rougon-Macquart. J'ai adoré le naturalisme de Zola, ses talents de conteur et l'esprit social et quasi-scientifique avec lequel est construit cette saga familiale de 20 tomes que j'ai tous lus par la suite.
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Lu lycéenne. Zola est sans doute le meilleur sociologue de son temps faute d'être le romancier du siècle...
Il a énormément marqué ma jeunesse et si Germinal et Au Bonheur des Dames restent mes livres favoris, j'avais néanmoins été marquée par L'assommoir et le destin funeste de Gervaise.
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Immense choc qu'a été pour moi L'Assommoir, lu au lycée, jamais oublié depuis. Quand on a compris où on avait mis les yeux, on n'est qu'au début de la descente aux enfers si injuste que subira Gervaise. Je ne bois jamais. Parfois je me demande si Zola n'y est pas pour quelque chose...
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On ne sort pas indemne après avoir lu ce roman et j'en suis encore bouleversée… Je l'ai lu presque d'une traite, ayant du mal à le lâcher tant les vies de Gervaise et d'Auguste Coupeau sont aussi déconcertantes que dramatiques.

Emile Zola utilise un vocabulaire populaire afin de restituer le plus fidèlement possible l'existence misérable et laborieuse du milieu ouvrier de son époque. Il met donc un point d'honneur à employer le langage du peuple dont le style prête parfois à sourire, égayant ainsi la trame mélo dramatique et la sombre noirceur de l'histoire. le lecteur assistera à une véritable descente aux enfers des deux protagonistes du livre, victimes de l'alcool et de la misère, ces deux fléaux qui précipiteront leur chute et leur fin funeste.
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(Ce titre, l'assommoir, fait référence à l'outil utilisé dans les abattoirs pour assommer les bovidés, et par extension nom donné aux tripots où l'on sert de l'eau de vie conçue sur place, produit si délétère qu'il rend fou et tue les hommes)


En fermant l'assommoir, on comprend mieux pourquoi Hugo s'est montré aussi agressif s'agissant de cette peinture sans concession et surtout ultra réaliste du monde des ouvriers  : l'assommoir, c'est la démonstration des limites du grand maître Hugo, ses ignorances de la réalité, de ce que « les mis érables », oeuvre romantique à la limite du conte fées, a de définitivement naïf et manichéen. Et surtout : un passage historique dans une ère de pensée plus moderne : Zola n'a pas juste écrit un roman, il a inauguré une nouvelle ère dont Hugo ne fait pas partie.
Hugo, grand écrivain et penseur, certainement sait-il déjà que l'histoire donnera raison à Zola.
Derrière un apparent combat idéologique, politique - la défense ce ce peuple qui serait malmené dans l'assommoir - il y a la part qui donne de l'intérêt à chaque grand homme : sa petitesse ; Hugo, oh combien homme orgueilleux, est jaloux . Lui qui se fait plaisir, à lui et à ses lecteurs, quand il écrit "les misérables", se retrouve face à un roman où l'auteur s'est départi de cette manie narcissique.
Participant d'une curée, un aveuglement des élites « humanistes » qui prétendent être « du côté du peuple », et qui s'explique par l'ignorance d'un monde qu'elles ne côtoient pas, de fait conçoivent dans leurs oeuvres ce peuple dans une iconographie simpliste : le peuple ne peut être alors qu'idéalisé, ne peut donc être tel que Zola le décrit : avec son parlé ordurier, ses comportements misérables, ses bassesses infinies, son alcoolisme, sa violence…
Posture, au passage, qui place ces « élites» d'office au dessus de ce peuple. En se basant sur une logique primitive : si l'on voit, décrit le peuple sans complaisance, alors on est du côté des oppresseurs. Nulle critique n'étant possible, nulle nuance.



Sur l'un plus particulièrement de ces nombreux reproches faits à l'assommoir : le langage du peuple, de ce coin de Paris du 19ème siècle, la Goutte D'or : comment ne pas y voir toute la poésie de cette grivoiserie, la créativité de ces insultes et obscénités ? Un remarquable travail journalistique, historique ? Là aussi l'histoire a donné raison à Zola : il existe des livres dédiés juste à ce langage utilisé dans l'assommoir.

Hugo ici me fait furieusement penser à Sartre : l'un et l'autre n'ont jamais compris ce "peuple" pour la simple et bonne raison qu'ils n'en ont jamais fait partie et n'ont pas cherché à partager (il n'y a qu'à entendre ce Sartre lamentable qui fait peine à voir face à des ouvriers en grève)
Comme en parallèle d'un Hugo, Sartre, fourvoyé jusqu'à l'aveuglement criminel, s'étrangle en découvrant le premier texte critique de son « ami » Camus, ce plus jeune, plus beau, plus talentueux, ce génie… Sartre est trop cultivé, intelligent pour ne pas déjà savoir lui aussi que l'histoire donnera raison à son cadet. Hugo est trop savant pour ne pas savoir que l'assommoir, ce travail quasi journalistique, sociologique, accule définitivement « les misérables » au rang de plaisanterie romantique.
Ces deux « grands hommes » n'ont pas su comprendre ce qu'un enfant de primaire peut appréhender sans effort : on peut mener un combat juste et se fourvoyer.
A trop vouloir plaire au peuple, on ne le respecte plus.



Le roman :
Le livre s'ouvre sur une scène d'anthologie dans un lavoir géant quelque part dans Paris. Encore du grand cinéma façon Zola ! Autre grand moment du même tonneau, plus loin, la scène de la forge. Ou de la blanchisserie (comme dans Nana la scène du repas, des coulisses du théâtre...)
Zola est fasciné par les humains au travail, la précision de leur savoir-faire, leurs gestes d'orfèvrerie, par leurs conditions de travail et d'existence, notamment face à la Machine dévorante.
Les gens meurent de gagner leur vie, crèvent dans ce monde où le malheur guette, prêt à se jeter sur la moindre timide parcelle de bonheur qui aurait l'audace de pointer le bout de son nez : chez Zola, on sait que le bonheur ne dure jamais bien longtemps.


Au départ, Étienne a 4 ans quand sa mère, Gervaise, est quittée par le père de l'enfant. Gervaise réussit à recréer une famille, à force de travail, ouvre sa propre boutique et met au monde une enfant auquel on donne le prénom de… Nana ! Je ne m'y attendais pas (pourtant, forcément en lisant Zola dans le désordre…) J'en ai eu un pincement au coeur en sachant qu'elle serait la destinée de ce bébé tout neuf et tout particulièrement sa fin (au passage, Nana n'est qu'un surnom)
D'ailleurs, chacun de ses passages, même court, est marquant : déjà tout bébé, Nana provoque ce qui sera la déchéance de sa famille alors heureuse, la première marche vers la flétrissure inéluctable en provoquant l'accident du haut des toits de Paris…
A six ans, dans un autre passage, Nana est à la tête d'un troupeau de gamins. Elle est celle qui dirige, déjà celle qui ordonne. Et sa prochaine vie tournant autour du sexe est susurrée (Ici Zola serait-il un tantinet moraliste?)

Balzac fait la même chose dans sa Comédie Humaine, on y suit année après année des personnages récurrents, mais je n'y ressens pas d'attachement pour ses créatures, aucune empathie. Et chez Hugo, cette empathie est « hors sol », inhumaine : on a de la peine pour des personnages de contes, on vibre avec eux comme on peut vibrer avec un autre superhéros que Valjean (Le conte de Monte Cristo) mais on est pas dans l'empathie pour un semblable : on ne peut se reconnaître dans ces monstres.
Quand Gervaise est touchante, profondément humaine, suscite cette empathie, dans sa maladresse, sa ténacité à se battre contre vent et marée ; Cosette est juste une pauvre fée ; Thénardier un personnage du théâtre de Guignol, drôle d'exagération. Difficile d'y croire, à moins d'être peu exigeant s'agissant de rêveries.


Sur cet autre sujet traité, le délitement de l'amour entre deux êtres unis, là c'est du côté d'un auteur russe que ma pensée va : Léon Tolstoï, notamment « le bonheur conjugal » : là où l'amour au départ si éthéré devient petit à petit putride.
Le sujet principal demeurant quand même cette alcoolisme et ses ravages racontés de façon clinique (mais pourquoi s'appesantir sur un sujet maintes et maintes fois déjà traité ?)

Voyons plutôt d'autres points de vue moins célébré : ce personnage marquant pour moi de l'assommoir, même si étoile filante au regard de la durée du roman : la petite Lalie (qui me rappelle une autre petite fille martyre dans « l'enfant » de Jules Vallés) Cette courageuse petite fille de 8 ans qui remplace sa mère tuée d'un coup de pied dans le ventre par son père, cet ogre à qui « il faut des femmes à massacrer ».
On pourrait penser que c'est le seul personnage « hors la réalité » du roman, surgit d'une oeuvre romantique : « Puis quand le père était lasse de l'amener promener à coups de souliers aux quatre coins de la pièce, elle attendait d'avoir les forces de se ramasser ; et elle se remettait au travail (…) Ca rentrait dans sa tâche de tous les jours d'être battue ».

Quand le père quitte la maison, il attache la fillette au lit, « lui ficelait les jambes et le ventre avec de la grosse corde ». Là ; attachée, elle se plaint seulement de ne pouvoir s'avancer dans le ménage de la maison et, de sa main libre, continue à s'occuper des petits de la famille…
Elle est aussi sadiquement torturée, comme quand le père chauffe le métal de pièces à blanc, et que lui, goguenard demande à la petite de prendre les pièces sur la cheminée pour aller acheter telle ou telle chose. Et quand l'enfant hurlant jette les pièces, il frappe l'enfant avec toujours cette même jouissance de papa.

Mais est-on si loin de la réalité du huis-clos de la famille ? N'a t-on pas mille preuves journalières que ces enfants ne sont que des banalités condensées de l'humanité ?
Zola lui même a des pudeurs (celles de son époque) à dire toute l'humanité ; il sait pourtant toute l'étendue de la merde humaine. Parce qu'il me semble évidente qu'une telle enfant esclave sert de vide-couilles dans la réalité de ce qu'est la famille humaine. Mais ce sujet-là est peut être le grand absent de tous ces chef d'oeuvre naturalistes du 19ème siècle (dans la limite de mes connaissances)
A une époque où il était pourtant aisé d'aller dans une maison close acheter pour une heure un jouet de 3, 5 ou 8 ans. Aujourd'hui l'effort demandé est souvent plus grand : il faut en plus prendre l'avion.

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Premier livre de 2024 et non des moindres puisqu'il s'agit du tome 7 des Rougon Macquart. Alors dans celui-ci nous suivons Gervaise Macquart arrivée à Paris avec son compagnon, Auguste Lantier et ses deux enfants, Claude et Etienne. Dès les premières pages, Auguste quitte (sans même un aurevoir) Gervaise pour papillonner à gauche et à droite. Gervaise fait la rencontre de Coupeau, un ouvrier zingueur qu'elle finira par épouser. de leur union naît la petite Anna que tout le monde appelle "nana". Dans les premières années de leur mariage, les choses se passent plutôt bien, on suit leur évolution : Coupeau travailleur et père de famille aimant et Gervaise dans sa boutique, la laverie. Un jour Coupeau est victime d'un accident de travail qui l'immobilisera pour longtemps ... A partir de ce moment là, on assiste à leur déchéance ... Les ravages de l'alcoolisme, la misère et les cancans du quartier de la Goutte d'or où ils sont installés. Zola nous narre ainsi l'extrême misérabilité ! Un excellent opus, par moments très difficile à lire ... le décès de Lalie (une petite voisine de 8 ans battue par son père) m'a crevé le coeur !! Sans doute le tome le plus lu et le plus étudié mais pour ma part, il n'est pas le plus intéressant ... Si je devais faire lire Zola à mes élèves, ce n'est sûrement pas celui que je choisirais mais je ne suis pas institutrice !!
Petit récapitulatif de mes préférences sur ces 7 premiers tomes ( de celui que j'ai le moins aimé jusqu'à celui que j'ai préféré ) : En 7 eme position, Son excellence Eugène Rougon. En 6eme position, La faute de l'abbé Mouret. En 5eme position, La curée. En 4ème position, l'assommoir. En 3ème position, la conquête de Plassans. En 2ème position, la fortune des Rougon et enfin en 1ère position, l'excellentissime et inoubliable ventre de Paris.... Il m'en reste 13 et donc ce classement peut évidemment évoluer !
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En 1990, j'avais vingt ans, je m'étais lancé dans la lecture des Rougon-Macquart. Je m'étais arrêté à l"Assommoir, dont je n'avais lu que la moitié, car je trouvai cette histoire trop triste, je ne supportai pas la dégradation lente comme inexorable des personnages..

Presque 30 ans plus tard, j'ai repris et terminé la lecture la lecture de l'Assommoir. Mon avis n'a pas changé. Les destins de Gervaise et de Coupeau sont trop inexorable, dans une lente décadence, marquée par l'alcoolisme, la fainéantise et la violence. Zola a une vision très pessimiste de l'humanité, les maris, les pères battent systématiquement leur femme, leurs enfants. C'est le règne des profiteurs et des avares. On laisse mourir de faim sa belle-soeur. Seul petit espoir, l'amitié entre Gervaise et le Forgeron, qui est impossible, par choix de l'auteur sans doute, les personnages doivent vivre leur destin de décadence.
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Voilà un tome surprenant. Si l'on retrouve parfaitement la patte et la rigueur documentaire de Zola (avec ses descriptions minutieuses et immersives, comme celle du lavoir ou de la blanchisserie, ainsi que pour la diversité de portraits et de métiers ouvriers présentés au fil du roman), la langue est empreinte d'expressions ouvrières. Quel régal, cette langue qui, au fil du roman, se déploie dans la narration même, sortant du cadre entendu des dialogues, et donne à lire ce parler argotique, cru et imagé des ouvriers. On comprend les critiques soulevées à l'époque de sa publication : « Ce n'est plus du réalisme, c'est de la malpropreté ; ce n'est plus de la crudité, c'est de la pornographie. », écrivait le journaliste Albert Millaud. Ce roman a une voix unique, aussi rude que ciselée, qui se détache des six tomes précédents.

L'histoire de Gervaise démoralise, frustre, excite espoirs et déceptions, attriste. On assiste à la destruction d'un ménage, de plusieurs vies, par un accident de travail, les mauvaises fréquentations, l'alcool, la paresse, et derrière tout cela, de mauvais choix. Avec les nouvelles habitudes de laisser-aller viennent l'abattement, la résignation, les violences familiales… Et, comme dans un cercle vicieux, tout cela s'alimente mutuellement, s'accentue, s'entraîne, empire au fil du roman.

« - Mon Dieu ! je ne suis pas ambitieuse, je ne demande pas grand'chose… Mon idéal, ce serait de travailler tranquille, de manger toujours du pain, d'avoir un trou un peu propre pour dormir, vous savez, un lit, une table et deux chaises, pas davantage… Ah ! je voudrais aussi élever mes enfants, en faire de bons sujets, si c'était possible… Il y a encore un idéal, ce serait de ne pas être battue, si je me remettais jamais en ménage ; non, ça ne me plairait pas d'être battue… Et c'est tout, vous voyez, c'est tout…
Elle cherchait, interrogeait ses désirs, ne trouvait plus rien de sérieux qui la tentât. Cependant, elle reprit :
- Oui, on peut à la fin avoir le désir de mourir dans son lit… Moi, après avoir bien trimé toute ma vie, je mourrais volontiers dans mon lit, chez moi. »
Ces désirs humbles, exprimés dans le deuxième chapitre, sont la prophétie de tout ce qui lui sera peu à peu retiré, toutes ces volontés simples qui lui seront refusées. Zola utilise à plusieurs reprises cet effet prémonitoire – même si l'on ne s'en rend pas forcément compte immédiatement – rendant le récit aussi prenant que terrible.
(De même, malgré sa fuite d'un foyer toxique, la chute future de la fille de Gervaise et Coupeau, Nana, est d'ores et déjà annoncée, héritage du déclin familial.)

J'ai parfois eu envie de secouer Gervaise, de lui faire prendre un autre chemin, de lui montrer que sa générosité, son plaisir de régaler les amis, de se mettre en frais pour eux, ne servaient qu'à gaver une bande de profiteurs hypocrites et que son désir de les épater était vain de fait de relations de toute manière superficielles. C'est parfois insupportable à lire : on aimerait être témoin d'un sursaut, la voir sauver sa peau, mais l'on ne peut que plonger avec elle, dans cet abandon, dans cette déchéance, dans ses hontes puis ses oublis de la honte.
Et en même temps, j'ai eu de l'empathie pour elle car Zola raconte, à travers elle, la condition des femmes. le harcèlement sexuel est monnaie courante, le harcèlement moral aussi – qui donne parfois l'impression qu'elles cèdent par lassitude mentale, pour avoir un peu de répit – et, à terme, les violences conjugales s'installent. Gervaise est une de ces travailleuses, dépouillées par leur mari, utilisées, parfois battues, ces fourmis dont le travail patient pour offrir à leur famille un certain confort est détruit avec négligence ou brutalité. Gervaise résiste, se bat autant qu'elle peut, mais arrive un temps où l'existence se fait un peu trop lourde et c'est le début d'une chute à effet boule de neige.

Le récit étouffe souvent, sous la décrépitude des logis, la déliquescence psychique et la dégénérescence des corps. L'abrutissement et l'effondrement physiques. Les chairs défigurées par la misère, grasses – devenues boucliers – ou maigres – peu à peu rongées. La crasse et les odeurs, que préfiguraient celles amenées par le linge sale du quartier. Une réalité physique qui devient répugnante. Un laisser-aller total quand plus rien ne motive.

Zola raconte également les liens sociaux à l'oeuvre dans ce quartier de la Goutte-d'Or. Derrière l'amitié de façade, la sympathie temporaire tant que durent l'aisance et la bonne réputation, l'hypocrisie semble être le maître-mot. L'immeuble apparaît comme un cloaque où prolifèrent la méchanceté, l'envie et la calomnie. Un microcosme dont il est difficile de s'extirper, où chacun souhaiterait rabaisser autrui pour ne pas être le plus malheureux. La promiscuité et la misère engendrent le mépris et, au sein des foyers, la violence, verbale et physique.
Heureusement, quelques personnages viennent apporter une bouffée de compassion, de gentillesse ou d'attention réelles : Goujet et sa mère, Lalie Bijard (on connait la triste enfance de Cosette, mais la pauvre Lalie offre des scènes absolument insoutenables), le père Bru (symbole du mépris envers un ouvrier âgé devenu inutile aux yeux de la société)…

L'Assommoir est un roman terrible, à la fois désespéré et désespérant. Marqué par des scènes sublimes ou, à l'inverse, inoubliables par leur horreur ou leur irréversibilité, ce récit d'une agonie psychique et physique due aux ravages de l'alcool et de la misère raconte ces mauvais choix, ce frôlement d'une vie humble et heureuse, rêvée (car tout n'est pas noir ou mauvais dans le tableau peint par Zola) et, une fois de plus, l'impossibilité de s'extraire de son milieu social. Un septième tome sombre et tragique, asphyxiant, porté par une langue étonnante.

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Septième tome de la série Les Rougon-Macquart, le roman est entièrement consacré au monde du travail. L'écrivain sauve la langue et les coutumes des travailleurs, en même temps qu'il décrit les dégâts causés par la pauvreté et l'alcoolisme. Point de repère du naturalisme littéraire, il fut controversé mais connut un grand succès, garantissant fortune et renommée à l'auteur.

Gervaise Macquart, le personnage principal, une Provençale de Plassans, assez belle, suivit son amant, Auguste Lantier, à Paris, avec ses deux enfants, Claude et Étienne. Très vite, Lantier, paresseux, infidèle et ne supportant pas de vivre dans la pauvreté, laisse Gervaise et ses enfants s'enfuir avec Adèle, dont la soeur Gervaise bat Virginie dans la buanderie. Gervaise, ouvrière, reprend alors le métier de blanchisseuse qu'elle avait appris à Plassans. Elle accepte d'épouser Coupeau, un zingueur à qui elle finit par céder. Bon coeur et faiblesse sont des traits de caractère forts de Gervaise. Ils auront une fille, Anna Coupeau, dite Nana, l'héroïne éponyme d'un autre roman des Rougon-Macquart.

Gervaise et Coupeau travaillent dur, gagnent de quoi vivre un peu plus facilement et économisent de l'argent. La blanchisseuse rêve d'ouvrir sa propre boutique, mais un accident l'oblige à reporter son projet : Coupeau tombe du toit où elle travaillait. Quitte à consacrer toutes les économies du ménage, Gervaise décide de s'occuper de son mari à la maison plutôt que de le laisser aller à l'hôpital Lariboisière, qui a une triste réputation.

La convalescence de Coupeau est longue. Il en veut au travail, prend l'habitude de ne rien faire et se met à boire
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Probablement le tome des Rougon Macquart que je préfère jusqu'ici, le premier que j'ai lu quand j'avais dix-huit ans et qui m'avait laissé un souvenir vif. le relire c'est découvrir à quel point le souvenir s'attache à une forte impression qui déforme parfois la longueur de tel passage ou sa puissance. Serais-je devenue une lectrice plus difficile à émouvoir ? Je me souviens de l'effroi ressenti à la première lecture quand Coupeau tombe du toit. J'y avais vu les tenants dramatiques de la tragédie. À la deuxième lecture, l'événement semblait moins prenant (évidemment moins surprenant) et la tension dramatique plus si forte que cela. de même avec le personnage de Coupeau en lui-même : à la première lecture il m'avait paru bien sympathique avant l'accident ce qui rendait sa transformation encore plus monstrueuse et qui faisait avoir autant de mépris que de pitié (mélange étrange et pourtant très commun) ; pourtant cette deuxième lecture le colorait dès le début sous un jour plus sombre, probablement une contamination de la suite, mais son insistance auprès de Gervaise pour qu'elle accepte de l'épouser me semblait terrible et prenait des aspects de tentation du diable, comme si Coupeau était déjà porteur du mal dans la vie de la si vertueuse Gervaise. C'est mon regard qui a changé aussi : fini le temps où l'amour était la valeur suprême (bien que dans les faits elle ne le soit plus parce qu'elle s'est concrétisée dans ma vie actuelle) et l'idée d'une Gervaise complètement indépendante, prenant le parti du célibat pour s'assurer la sérénité sinon le bonheur semblait être juste. Et Coupeau qui insiste et qui présente son avis comme la décision raisonnable, presque comme un acte de charité pour aider Gervaise qui femme ne peut décemment rester seule ainsi, voilà qui sonne comme une voix mielleuse et trompeuse. La suite le montre bien. Ce qui est pénible c'est la passivité de Gervaise qui a fait douloureusement écho à la mienne. Cette langueur qui prend la chair et qui embrume le cerveau jusqu'à faire devenir accommodante. Ce n'est pas être gentille mais être accommodante. Gervaise ne veut pas faire de peine mais surtout c'est le confort émotionnel qui lui dicte de céder. Car résister c'est être autodéterminée et cela donne parfois l'impression de s'égarer en dehors du monde des humains. Gervaise savait ce qui était bon pour elle, pourtant cela ne suffit pas ; encore faut-il la certitude qu'on n'aura pas la lâcheté de céder toujours aux autres pour conserver l'illusion de la sérénité. Alors quand elle voit la famille Coupeau, c'est une véritable catabase. Elle est déjà en train de mourir à elle-même car elle a fait le sacrifice de sa volonté pour faire plaisir.
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