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Citations sur Madeleine Férat (159)

La petite bibliothèque provenait d’un salon du rez-de-chaussée où Guillaume se souvenait de l’avoir vue dans son enfance ; elle était en bois des îles, garnie aux angles d’ornements de cuivre et marquetée très délicatement sur les côtés. Ce meuble précieux d’une exécution riche et merveilleuse, n’aurait pas déparé le boudoir d’une jolie femme. Le comte, de son doigt trempé dans l’encre avait écrit le mot : Poisons, sur chaque glace, en grosses lettres noires.

Chapitre V
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Ce qui glaçait surtout Guillaume, c’était l’idée des atroces journées que cet homme avait passées ensuite au fond de cette pièce, de cette tombe où dormaient sa vie, ses travaux, ses amours. Pendant des mois, il s’y était enfermé comme jadis ne touchant plus à rien, marchant de long en large, perdu dans le néant qu’il avait cru trouver.

Chapitre V
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Une heure, quelques minutes peut-être, avaient suffit pour anéantir les recherches âpres d’une existence entière.

Chapitre V
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Guillaume, à la vue d’un pareil délabrement, sentit son cœur se serrer. Il croyait comprendre. Son père lui avait jadis parlé de la science avec une jalousie sourde, une ironie amère. Il devait la considérer comme une maîtresse lubrique et cruelle qui le brisait de ses voluptés ; il ne voulait pas, par tendresse pour elle et par mépris pour la foule, qu’on la possédât après lui. Et le jeune homme s’imaginait douloureusement cette journée où le vieux savant, pris de rage, avait dévasté son laboratoire. Il le voyait jetant à coups de pied les appareils contre les murs, brisant les fioles sur le parquet, arrachant les planches, déchirant et brûlant ses manuscrits. Une heure, quelques minutes peut-être, avaient suffit pour anéantir les recherches âpres d’une existence entière. Puis, quand pas une de ses découvertes, pas une de ses observations n’avait subsisté ; quand il s’était trouvé seul debout au milieu de son laboratoire en ruine, il avait dû s’asseoir et s’essuyer le front avec un étrange et terrible sourire.

Chapitre V
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Guillaume, en pénétrant dans le laboratoire, s’attendait à retrouver à leur place les appareils et les planches, les livres et les manuscrits. Il entra dans une véritable ruine. Un vent d’orage semblait avoir traversé la pièce, souillant et brisant tout : le fourneau, noir de fumée, paraissait éteint depuis de longs mois, et l’amas de cendre froide qui l’emplissait avait coulé en partie sur le parquet ; le cuivre des appareils était tordu, la verrerie, brisée ; les fioles et les bocaux des planches, cassés en mille éclats, s’empilaient dans un coin, pareils à ces tessons de bouteilles que l’on voit au fond de certaines ruelles ; les planches elles-mêmes pendaient, comme arrachées de leurs tasseaux par une main furieuse ; quant aux livres et aux manuscrits, déchirés, à demi brûlés, ils faisaient un tas dans un autre coin. Et ces ruines ne dataient pas de la veille, depuis longtemps le laboratoire devait être ravagé, de grandes toiles d’araignées tombaient du plafond, une couche épaisse de poussière couvrait les débris qui traînaient partout.

Chapitre V
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Là dormaient les fruits d’une longue vie de labeur, les secrets précieux d’un savant qui avait interrogé la nature pendant plus d’un demi-siècle, sans vouloir confier à personne les résultats de son ardente curiosité.

Chapitre V
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Le jeune homme, placé par une pareille confidence, le remercia de son mensonge. Il ne pleurait plus, il regardait devant lui d’un regard terne et fixe ; il lui semblait qu’un abîme s’ouvrait à ses pieds, insondable.

Chapitre V
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Au retour de l’enterrement, Geneviève le fit monter dans sa chambre. Là, avec sa cruauté tranquille de fanatique, elle lui dit qu’elle s’était rendue coupable de sacrilège en laissant ensevelir son père en terre sainte. Brutalement, elle lui conta à sa façon l’histoire de cette mort qu’elle attribuait au diable. Elle ne lui aurait peut-être pas donné ces détails sur la tombe à peine fermée du comte, si elle n’avait désiré en tirer une morale ; elle sermonna le jeune homme, lui demandant de ne jamais conclure de pacte avec l’enfer. Guillaume jura tout ce qu’elle voulut. Il l’écoutait d’un air hébété, tout secoué par sa douleur, ne pouvant comprendre pourquoi elle lui parlait de Satan, se sentant devenir fou au récit que sa voix perçante lui faisait de la lutte de son père avec le démon. Il entendit simplement ce qu’elle lui dit des taches que le cadavre portait à la face et au cou. Il devint très pâle, n’osant encore accepter la pensée qui lui venait.

Chapitre V
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Il resta acquis à plusieurs lieues à la ronde que le comte était sorcier et que Satan l’avait emporté. Le médecin qui vint constater le décès, l’expliqua d’une autre façon ; il comprit à l’aspect des taches livides marbrant la peau, qu’il y avait eu empoisonnement, (...).

Chapitre V
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Le cri qu’elle venait de pousser, attira les domestiques. Ces gens que M. de Viargue avait soigneusement choisis parmi les paysans les plus illettrés de la contrée, furent persuadés comme elle que leur maître était mort en se battant contre le démon. Ils le descendirent et le couchèrent sur un lit, avec des frissons de peur, tremblant de voir sortir quelque animal immonde par la bouche ouverte et noire du cadavre. Il resta acquis à plusieurs lieues à la ronde que le comte était sorcier et que Satan l’avait emporté. Le médecin qui vint constater le décès, l’expliqua d’une autre façon ; il comprit à l’aspect des taches livides marbrant la peau, qu’il y avait eu empoisonnement, et sa curiosité de savant fut même singulièrement piquée par la nature étrange de ces plaques jaunâtres dont l’action d’aucun toxique connu n’avait pu déterminer l’apparition ; il pensa avec raison que le vieux chimiste avait dû s’empoisonner à l’aide d’un agent nouveau découvert par lui dans ses longues recherches. Ce médecin était un homme prudent : il dessina les taches par amour de la science, et garda pour lui le secret de cette mort violente. Il attribua le décès à un cas d’apoplexie foudroyante, voulant éviter le scandale que n’aurait pas manqué de soulever l’aveu du suicide de M. de Viargue. On a toujours intérêt à ménager la mémoire des riches et des puissants.

Chapitre V
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