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Citations sur Madeleine Férat (159)

Sa nature douce trouvait enfin une issue, ses tendresses longtemps contenues allaient toutes à ce dieu dont la main et le cœur l’avaient secouru. Son amitié était mêlée d’une reconnaissance si vive, qu’il considérait un peu Jacques comme un être supérieur. Il ne savait comment payer sa dette, il restait humble et caressant devant lui. Il l’admirait jusque dans ses moindres gestes ; ce grand garçon, énergique, bruyant, lui causait une sorte de respect, lorsqu’il le comparaît à sa nature chétive et timide. Ses allures dégagées, les récits qu’il lui faisait de sa vie à Paris, le persuadaient qu’il avait pour ami un homme extraordinaire auquel étaient réservées les destinées les plus hautes.

Chapitre III
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Jacques supporta gaiement son exil. Il avait le plus heureux caractère du monde. Sans grandes qualités, il était ce qu’on nomme un bon enfant. Il rachetait d’ailleurs ses légèretés de nature par un dévouement rude. Son entrée au collège fut un événement ; il venait de Paris, il parlait de la vie en garçon qui a déjà mordu au fruit défendu.

Chapitre III
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Sa grande douleur, dans ces années mauvaises, fut de n’être aimé par personne. La tendresse farouche de Geneviève l’effrayait presque, et il trouvait bien froide l’affection muette de son père. Il se disait qu’il était seul, que pas un être n’avait pitié de lui. Courbé sous les persécutions qu’il endurait, il se repliait dans des pensées ineffables de bonté ; sa nature douce qui éprouvait de cuisants besoins de caresses, cachait soigneusement, comme un secret ridicule dont on aurait ri, les trésors d’amour qu’elle ne pouvait répandre au-dehors. Il se perdait au fond du songe sans fin d’une passion imaginaire dans laquelle il se jetterait en entier, à jamais. Et il rêvait alors une solitude bénie, un coin de terre où il y avait des arbres et des eaux, où il était seul à seul en compagnie d’une chère passion, amante ou camarade, il ne distinguait pas bien, il avait simplement un immense désir de consolation et de paix. Quand on venait de le battre, encore tout meurtri, il évoquait son rêve, les mains jointes, avec une sorte de frémissement religieux et il demandait au ciel quand il pourrait se cacher et se reposer dans une affection suprême.

Chapitre III
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Ses désespoirs s’accrurent à mesure qu’il grandissait. Il arriva enfin à un âge où il sut quelle était sa faute. Ses camarades, avec leurs injures ignobles, lui firent son éducation du vice. Alors, il pleura des larmes de sang. On le frappa dans ses parents, en lui apprenant honteusement l’histoire de sa naissance Il connut l’existence de sa mère par les noms sales qu’on donnait autour de lui à cette femme. Les enfants, quand ils se jettent dans la boue, s’y vautrent avec une sorte de vanité, aussi les petits hommes du collège n’épargnèrent-ils au Bâtard aucune des infamies qu’ils purent inventer sur la liaison de la femme du notaire et de M. de Viargue. Guillaume fut pris parfois de rages folles ; sous les coups des bourreaux, le martyr se révoltait à la fin, tombait sur le premier venu, le mordait comme une bête fauve ; mais le plus souvent il restait mou sous l’injure, il se contentait de pleurer silencieusement.

Chapitre III
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« Tu es un fils du péché, tu expies la faute des coupables ! »

Chapitre III
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Il se plaignit seulement à Geneviève et lui demanda ce que signifiait ce surnom de Bâtard qui lui produisait la sensation brûlante d’un soufflet. La vieille femme l’écouta d’un air sombre Elle était irritée qu’on lui eût enlevé son élève. Elle savait que l’aumônier du collège avait amené M. de Viargue à laisser baptiser l’enfant, et elle le regardait comme voué définitivement aux flammes de l’enfer. Quand Guillaume lui eut confié ses chagrins, elle s’écria, sans lui répondre directement : « Tu es un fils du péché, tu expies la faute des coupables ! » Il ne put comprendre, mais le ton de la fanatique lui parut si plein de colère, qu’il ne la prit jamais plus pour confidente.

Chapitre III
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Dès la première récréation, Guillaume sentit à l’attitude goguenarde de ses nouveaux camarades qu’il se trouvait en pays hostile. Deux grands, des gamins de quinze ans, s’approchèrent et lui demandèrent son nom. Quand il eut répondu, d’une voix timide, qu’il se nommait Guillaume, toute la bande se moqua.

« Tu t’appelles Bâtard, entends-tu ! » cria un collégien au milieu des huées et des sales plaisanteries de ces jeunes drôles qui avaient déjà des vices d’hommes faits.

L’enfant ne comprit pas l’insulte, mais il se mit à pleurer d’angoisse et de terreur au milieu du cercle impitoyable qui l’entourait. Il reçut quelques bourrades, demanda pardon, ce qui amusa fort ces messieurs, et lui valut de nouveaux coups de poing.

Le pli était pris, la victime du collège était trouvée. À chaque récréation, il attrapa des taloches, il s’entendit appeler de ce surnom de Bâtard qui lui faisait monter le sang aux joues, sans qu’il sût pourquoi. La crainte des coups le rendit lâche ; il vécut dans les coins, n’osant bouger, en paria qui a un peuple contre lui et qui n’essaie plus de se révolter. Ses professeurs s’unirent secrètement à ses camarades ; ils sentirent qu’il serait habile de faire cause commune avec les fils de gros bonnets de Véteuil, et ils accablèrent l’enfant de punitions, goûtant eux-mêmes une volupté méchante à torturer un être faible. Guillaume s’abandonna ; il fut un élève détestable, abruti par les coups, par les gros mots et par les pensums. Lent, maladif, hébété, il sanglotait au dortoir pendant des nuits entières : c’était là sa seule protestation.

Chapitre III
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Les années qu’il passa en pension furent un long martyre, un de ces martyres d’enfant seul et abandonné que tout écrase et qui ne peut savoir ce dont il est coupable. Les habitants de Véteuil nourrissaient contre M. de Viargue une haine sourde, faite de jalousie et de pruderie ; ils ne lui pardonnaient pas d’être riche et d’agir à sa guise ; le scandale de la naissance de Guillaume servait de thème sans fin à leurs médisances Ils se vengèrent de l’indifférence méprisante du père qu’ils continuaient à saluer humblement, sur la faiblesse du fils dont ils pouvaient briser le cœur sans danger. Les enfants de la ville, ceux qui avaient douze et seize ans, connaissaient tous l’histoire de Guillaume pour l’avoir entendu raconter cent fois dans leur famille ; on parlait chez eux de cet enfant adultérin avec une telle indignation, qu’ils se firent un devoir, quand ils l’eurent pour camarade, de torturer le pauvre être honni de Véteuil entier. Leurs parents eux-mêmes les poussèrent à cette lâcheté, en riant sournoisement des persécutions dont ils le poursuivaient.

Chapitre III
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Guillaume vécut ainsi pendant ses huit premières années. Tout le poussa à la faiblesse, l’étrange éducation de la vieille protestante et la crainte que lui inspirait le comte. Il était condamné à garder pendant sa vie entière les frissons, la sensibilité maladive de son enfance. Quand il eut huit ans, M. de Viargue l’envoya comme pensionnaire au collège communal De Véteuil. Il s’était sans doute aperçu de la cruelle façon dont Geneviève l’élevait, il voulait le soustraire entièrement à l’influence de ce cerveau détraqué. Au collège, Guillaume commença dans la douleur l’apprentissage de la vie ; il devait fatalement être blessé à chaque pas.

Chapitre III
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Cet homme sévère qui parcourait la Noiraude, pareil une ombre roide et muette, lui causait plus d’épouvante que d’affection. Geneviève, à laquelle M. de Viargue avait donné l’ordre de l’élever ouvertement comme son fils, lui présentait toujours son père en maître terrible et tout puissant, et ce mot de père n’éveillait dans sa pensée qu’une idée de terreur respectueuse.

Chapitre III
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