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Derniers messages » rassemble des textes de conférences, des articles sur des sujets divers touchant à la littérature (
Lord Byron,
Nietzsche,
Tolstoï), à l'histoire de l'Europe au devenir de notre monde.
On pourra retenir une réflexion humaniste et nourrie quant au rôle de l'Histoire dans la construction de la pensée. « L'histoire de demain » rappelle l'Histoire de nos manuels, illustrant les guerres et les conquêtes, nourrie de héros et d'actes de bravoure, devenue par la suite, faute de nouvelles guerres, le lieu de la propagande fondée sur toutes les haines, raciale, religieuse, culturelle. Zweig oppose à cette histoire exaltante celle, ô combien plus tranquille mais plus édifiante des sages, des penseurs et des savants, tous inspirateurs de l'évolution de l'humanité contre les chauvinismes habituels. Il signale – surprise ! - que la biographie de
Marie Curie fut un grand succès aux États – Unis !
Dans « La Vienne d'hier », il évoque sa ville natale, qui jamais ne fut allemande malgré l'occupation , ville au riche passé culturel, lieu d'écriture pour
Marc-Aurèle et ses célèbres «
Pensées », il y a 1800ans ! Il rappelle le rôle capital des Habsbourg pour l'édification d'un joyau devenu capitale européenne, multiculturelle et polyglotte. Ville propice à la musique et à la danse, Vienne illustre bien sa devise « Vivre et laisser vivre » face à la raideur allemande illustrée par la devise de
Goethe : « Régner ou servir », à laquelle il répond « qu'un homme, ou un peuple, ne doit ni régner, ni servir. Il doit avant tout rester libre et laisser la liberté aux autres ». La jouissance est « un droit et même un devoir de l'homme aussi longtemps qu'elle ne l'abrutit pas ou ne l'affaiblit pas. »
« Le secret de la création artistique » nous invite à réfléchir sur l'acte de créer : d'où vient cette puissance qui aboutit à une oeuvre d'art ? Quelle sommation intérieure pousse l'artiste à s'emparer de son stylo, de ses pinceaux ? Inspiration, technique, puissance créatrice, Zweig aborde la question en nous nourrissant de ses réflexions. Il ne nous reste aucun texte de
Cervantès,
Dante,
Shakespeare,
Molière,
Confucius. Aucune esquisse ni travaux préliminaires non plus chez Franz Hals et
Van Gogh : comment saisir le cheminement créateur de leur pensée ? Sujet passionnant pour les lecteurs et amateurs...
Le portrait de
Tolstoï (déjà cité dans l'Histoire de demain) est passionnant et inattendu. Les grandes interrogations métaphysiques de Levine (dans
Anna Karénine) sont celles de l'auteur. Il tente de trouver des réponses dans l'étude des Evangiles – il devient alors une sorte de révolutionnaire-réformateur de la foi – puis dans l'analyse sociale. Excommunié, réputé anarchiste, ennemi de l'État et de la propriété, il va plus loin que Marx et Proudhon dans sa dénonciation : « L'État est le grand coupable », affirme-t-il, incitant à la non-violence, à la non-résistance, fût-elle pacifique, précurseur à sa façon des théories de Gandhi par l'apostolat de christianisme primitif et la thèse de la non-résistance au mal : son influence concernera aussi bien la révolution active russe que la révolution passive en Inde.
Textes qui méritent d'être lus et relus, à déguster doucement.