« C’est depuis cette seconde que je t’ai aimé. Je sais que les femmes t’ont souvent dit ce mot, à toi leur enfant gâté. Mais crois-moi, personne ne t’a aimé aussi fort – comme une esclave, comme un chien –, avec autant de dévouement que cet être que j’étais alors et que pour toi je suis restée. Rien sur la terre ne ressemble à l’amour inaperçu d’une enfant retirée dans l’ombre ; cet amour est si désintéressé, si humble, si soumis, si attentif et si passionné que jamais il ne pourra être égalé par l’amour, fait de désir, et, malgré tout, exigeant, d’une femme épanouie. »
"Rien n'existait pour moi que dans la mesure où cela se rapportait à toi; rien dans mon existence n'avait de sens si cela n'avait pas de lien avec toi".
Je parlais très peu, parce que c'était pour moi un infini bonheur de t'avoir près de moi et de t'entendre me parler.
Page 61
Rien sur la terre ne ressemble à l'amour inaperçu d'une enfant retirée dans l'ombre ; cet amour est si désintéressé, si humble, si soumis, si attentif et si passionné que jamais il ne pourra être égalé par l'amour fait de désir et malgré tout exigeant, d'une femme épanouie.
Je regardais là-haut, toujours là-haut : là il y avait de la lumière, là était la maison, là tu étais, toi mon univers.
...il n'est rien de pire que d'être seul parmi les humains.
C'est pour toi seul que j'ai vécu alors. J'achetais tous tes livres ; quand ton nom était dans le journal, c'était pour moi un jour de fête. Croiras-tu que je sais par coeur chaque ligne de tes livres, tant je les ai lus et relus ? Si pendant la nuit on m'éveillait dans mon sommeil, si l'on prononçait devant moi une ligne détachée de tes livres, je pourrais aujourd'hui encore, aujourd'hui encore au bout de treize ans, la continuer, comme en un rêve ; car chaque mot de toi était pour moi un évangile et une prière.
Je t’attendais, je t’attendais toujours, comme, pendant toute ma destinée, j’ai attendu devant ta vie qui m’était fermée.
Rien sur terre n'égale l'amour inaperçu d'une enfant depuis l'ombre, parce qu'il est sans espoir, empressé, humble, vigilant et passionné comme ne le sera jamais l'amour d'une femme faite, lequel désire, mais inconsciemment exige aussi. Seuls les enfant solitaires peuvent garder intacte toute leur passion : les autres l'éparpillent en bavardages, l'usent en confidences, ils en ont déjà beaucoup entendu et lu sur l'amour, il savent que c'est un destin commun. Ils s'en amusent comme d'un jouet, l'étalent avec autant d'ostentation qu'un garçon fumant sa première cigarette. Mais moi qui n'avais personne à qui me confier, je n'avais pas été instruite ni mise en garde, j'étais naïve et sans expérience : je me jetai dans mon destin comme dans un abîme.
Jamais je n’ai rencontré, chez un homme, trouvé dans ses caresses, un abandon aussi absolu du moment présent, une telle effusion et un tel rayonnement des profondeurs de l’être - à vrai dire pour s’éteindre ensuite dans un oubli infini et presque inhumain.