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EAN : 9782226045041
Albin Michel (01/01/2000)
3/5   2 notes
Résumé :
Essai sur quelques formes inférieures de la mystique. Phillippe de Félice, 1936
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
On nous explique que l'homme se trouvera éternellement sur Terre comme sur un lit de Procuste : il essayera de s'étendre à des dimensions infinies sans jamais s'avouer que ce n'est pas possible. Y a juste quand il se drogue qu'il parvient à devenir un peu content. C'est vrai, il devient moins con (moins stressé, avec moins d'habitudes médiocres et moins de petites frousses) et il se sent aussi, réellement, moins con. Sur le plan absolu et relatif, c'est donc une véritable réussite.


Les vieux emmerdeurs nous disent que la drogue c'est le mal. Comme certains qui disent que si on éliminait l'argent sur la terre, ce serait trop cool. Comme d'autres qui disent qu'on devrait arrêter la guerre, ou la religion, ne plus avoir de sentiment ou de sexe, etc. Alors que tout ça, ce ne sont que des manifestations extérieures de trucs qui sont tragiquement liés à la condition humaine. Si on enlevait tout ça, l'humain se tiendrait tranquille genre cinq minutes, le temps de se tourner les pouces, et puis il réinventerait le témesta ou les émissions de télé-réalité, les monnaies locales, le transhumanisme, et de nouvelles formes de rassemblements populaires plus ou moins violents, parce qu'il faut agir.


Donc, on nous rappelle dans ce bouquin que la drogue a toujours fait partie du quotidien de la vie des hommes. Virée ethnologique et historique autour de l'opium, de la cocaïne, du kava, de l'alcool, du tabac, du haschich, de la mescaline et de leurs formes mystiques dans le soma ou l'haoma. La drogue entrait alors dans le cadre d'une consommation collective et ritualisée. le bon côté, c'est qu'on s'amuse entre potes et en famille, hein. le mauvais côté, c'est que l'individu est prié de ne pas exister. Ainsi, s'entretient un cercle vicieux qui fait que les Incas avaient besoin de la cocaïne pour résister à un régime qui nous semble terriblement cruel pour l'entité individuelle, mais cette consommation exutoire continuait à entretenir les rituels des messes collectives. le biais ethnocentrique qui en résulte est double : 1) les Incas souffraient-ils réellement de cet écrasement et recouraient-ils consciemment à cette drogue pour s'apaiser ? 2) Ne projetons-nous pas plutôt la souffrance que nous ressentirions si nous étions à leur place, nous qui nous pâmons de notre individualité moderne ?


Il en découle une injustice cuisante puisque Felice dit que maintenant, on consomme de la drogue comme des veaux, de gros porcs qui se goinfrent de belle confiture sans savoir qu'ils mangent là l'essence divine du fruit pour en faire éclater des étrons sur le sol, dans l'insouciance, l'ignorance et la honte. Mais quoi ? Notre société n'est-elle pas aussi pourrie que celle des Incas, justement à cause de notre individualisme exalté, de notre matérialisme totalitaire, de notre absence totale de projets qui puissent nourrir un peu notre envie de faire des trucs dont on sera fiers dans notre vie ? Aujourd'hui encore on ne consomme pas de la drogue sans avoir une intention derrière la tête. Même si cette intention nous semble minable (kiffer la life, avoir un petit moment pour soi et pour les autres juste à notre portée), elle ne l'est que dans son apparente gratuité non ritualisée.


L'homme est avant tout homo mysticus. Ainsi en arrive-t-on à la conclusion :


« Les raisons profondes qui entraînent l'homme moderne vers la boisson n'ont pas changé. L'ivresse reste, pour lui, un moyen de satisfaire au besoin qu'il éprouve toujours de franchir ses propres limites et d'entrer en communion avec ce qui le dépasse. Elle s'est laïcisée à nos yeux, simplement parce qu'elle a cessé d'être associée aux pratiques et aux croyances d'une religion déterminée. Elle n'en a pas moins gardé sa fonction originelle, qui est d'ouvrir aux âmes l'accès d'un monde surhumain. »


L'apparente sévérité de Felice pour les drogués modernes ne visait en réalité qu'une chose : leur ignorance des raisons profondes qui les fait courir comme des cons vers les psychotropes.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
En revenant de jour en jour davantage à ces formes inférieures de la mystique [rassemblements populaires, drogues], qui sont fatalement une cause de régression, l’humanité civilisée travaille inconsciemment à son propre déclin. Les progrès qu’elle réalise dans le domaine technique ne sauraient compenser pour elle la décadence des âmes, à laquelle elle consent, quand elle n’y aide point. […]
Ceux dont les yeux se sont ouverts au péril qui nous guette, comprendront-ils que, pour le conjurer, il n’est qu’un retour à l’authentique spiritualité chrétienne qui puisse être efficace ? Car l’expérience de notre temps suffit à démontrer que, si l’on ne propose plus à l’homme un idéal surnaturel, qui exalte sa personnalité et qui l’entraîne aux vraies conquêtes morales, on le réduit à se jeter sur l’appât des toxiques et de toutes les ivresses, individuelles ou collectives, pour tâcher d’assouvir, mais en s’abaissant alors au-dessous de lui-même, son désir instinctif de s’évader de soi.
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[Notre civilisation] n’a eu en vue que les conquêtes matérielles et […], au lieu d’enrichir en même temps les âmes, semble, au contraire, s’être donné pour tâche de les laisser plus désespérément vides et inassouvies qu’elles ne l’ont jamais été.
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La libation résultait, elle aussi, d’un sacrifice. L’esprit qui résidait dans le breuvage enivrant s’était, pour ainsi dire, offert lui-même en oblation, afin de permettre aux buveurs de recevoir à travers lui une vie surnaturelle et de communier en celle-ci les uns avec les autres.
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Il semble donc que l’ingestion des toxiques ait chez le dément précoce des conséquences diamétralement opposées à celles qu’elle produit dans le psychisme de l’individu normal.
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Les Paléo-Asiates ont découvert que le principe actif du champignon passe dans l’urine. Aussi conservent-ils soigneusement celle-ci, soit pour la boire eux-mêmes, afin de renouveler leur propre griserie, soit pour l’offrir généreusement à ceux que hante le désir de goûter cette ivresse.
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