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EAN : 9782714427403
134 pages
Le Pré aux Clercs (25/07/2006)
3.43/5   7 notes
Résumé :
De l'islam en général et du monde moderne en particulier

Par Jean-Claude Barreau
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ecrit six mois après la Guerre du golfe (1990-1991), cet essai passionnant traite de l'incapacité de l'islam à entrer dans la modernité.
Cette guerre a été, selon l'auteur, la seconde grande humiliation vécue par les musulmans – après la campagne d'Egypte de 1798 – à cause de l'irruption en terre d'islam de la puissance occidentale, avec en plus, pour la première fois, la célébration de messes (pour les soldats).

L'écriture est celle d'une autre époque, ferme et franche, sans ambages ni euphémismes, et le livre serait certainement vertement critiqué s'il sortait aujourd'hui.

Il a le grand mérite de poser clairement les principes qui structurent l'islam, les cultures romaines, bédouines et barbares et de montrer comment se sont articulé leurs oppositions au fil des siècles en mobilisant les notions de force/faiblesse, ouverture/fermeture, évolution/immobilisme.
Il oppose ainsi :
- un islam fort (au sens de la science physique) et fermé, qui ne s'assimile pas à ses conquêtes byzantine et perse,
- aux barbares européens aux religions faibles et ouvertes, culturellement fascinés par l'Empire romain et assimilés par lui (p.103),
- et à un christianisme fort et ouvert,

- un islam immobile à un Occident en évolution.

Il oppose enfin un islam né de l'alliance des commerçants citadins et des bédouins nomades, qui valorise le commerce, la politique et la guerre mais méprise le travail manuel et celui de la terre (réservé aux fellahs, indignes d'être musulmans) et qui enferme les femmes,
à un christianisme qui exalte le travail manuel et l'agriculture et où les femmes sont libres.

Ce qui conduit l'auteur à lever le voile sur une « vérité cachée » :
huit siècles de déferlement musulman (641-1453) ont conduit à l'anéantissement des terres cultivées comme en Cyrénaïque, à la réduction d'Alexandrie et Antioche à l'état de villages, la Mésopotamie à celle de désert, à la disparition des dernières villes hellénistiques… « Religion née du désert et créatrice de déserts » (p.110)
« L'âge d'or » d'al-Andalus apparaît alors au Xe siècle comme une phase de transition « où la religion nouvelle conjugue sa force vitale avec les dernier feux de l'Antiquité. » Mais avec l'arrivée des berbères almoravides (1086) et almohades (1147), la bédouinisation se généralise, la guerre civile s'installe, l'agriculture recule, l'étude de la philosophie est interdite, la dhimmitude se fait plus implacable et finalement la civilisation s'affaiblit.

L'auteur montre aussi de façon intéressante comment la géographie conditionne les formes de la religion.
L'extension de l'islam terrestre, du Maroc au Pakistan, conséquence du djihad, s'oppose ainsi à l'islam maritime, de Zanzibar à Djakarta, conséquence du commerce. le premier s'étend par la violence, le second par la coopération.
Ce qui explique que des quatre écoles de droit islamique sunnite : les écoles malikite et hanbalite (les plus rigoristes) dominent sur terre, et les écoles hanafite et shâfi'ite (les plus tolérantes) sur mer.
Les premières, issues de l'islam guerrier, interdisent d'interpréter le Coran ; les secondes, issues de l'islam pacifique, l'autorisent.
L'auteur voit dans cette « mentalité nautique » opposée à celle des tribus bédouines du désert « une exception prometteuse » car elle montre que « les textes fondamentaux musulmans ne sont pas complètement fermés à l'évolution et à l'ouverture. » (p.125) le développement industriel et moderne de l'Indonésie en montre déjà les résultats.

Le livre est une démonstration de l'incompatibilité de l'islam avec les valeurs de l'Occident et de la République française :
« Les valeurs de la modernité : changement, esprit critique et culte de l'individu, sont à l'opposé de celles de l'islam. » (p.53)
« La notion de laïcité est inconcevable pour les musulmans. Ils ne disposent pas de catégories conceptuelles qui leur permettent de s'y référer. » (p.57)
Mais cette incompatibilité n'est un problème qu'à cause du nombre. Monarchistes, Hare Krishna et autres groupes marginaux sont eux aussi incompatibles avec la République mais ne font l'objet d'aucun débat car ils sont peu nombreux.

Datant d'il y a déjà 32 ans, le livre pêche ainsi par optimisme, écrit seulement 15 ans après le regroupement familial, à une époque où – malgré les affaires de voile de 1989 – on peut espérer intégrer les musulmans sans trop de difficulté. L'orientaliste André Miquel écrivait la même année un article « l'islam religion tolérante ».
Barreau pense que « l'intégration serait une chance pour la France qui, en raison de sa faible démographie, a constamment besoin de sang neuf » (p.128), et seulement pour cela.
Il se situe dans un entre-deux, comme si leur nombre était trop important pour imposer une assimilation (puisqu'il n'en parle pas) mais assez faible pour que ce volume de sang neuf ne pose pas un problème identitaire (puisqu'il n'évoque pas le nombre).
Une phrase illustre le changement d'époque : Avec les progrès de l'intégration, « contraints de respecter les lois républicaines, les musulmans de France seraient bien obligés de se livrer à une réinterprétation des lois islamiques. » (p.129) Or c'est tout le contraire qui s'est produit depuis – malgré la loi de 2004 sur les signes religieux, d'ailleurs de faible portée et mal appliquée – et on mesure alors à quel point le problème s'est aggravé en une génération.
L'auteur voit bien que « la République a déjà trop accepté de hallal, de cacherout, de ramadan ou de censure catholique » (p.132), mais il n'imagine pas qu'elle continuerait à s'affaiblir par ses hésitations et ses accommodements, tout comme par sa complaisance avec le wokisme qui la font mépriser par les musulmans.

Il propose même « l'organisation d'une faculté de théologie moderniste » pour faire émerger une « théologie musulmane progressiste » dont « les docteurs trouveraient des justifications théologiques à l'abandon du voile ». (?!) Qui peut croire aujourd'hui à une telle évolution ? le « conseil représentatif de l'islam en France » qu'il appelle de ses voeux deviendra bien le CFCM en 2003 mais il s'auto-dissoudra en 2022…

Le livre décrit ainsi une société à la croisée des chemins, où il semble encore possible de raisonner l'islam, de renforcer la République et de maîtriser la démographie, mais les évolutions dans ces domaines lui donnent tort.

On aimerait savoir s'il écrirait la même chose aujourd'hui alors que – du fait du nombre (le % de prénoms musulmans a triplé entre 1991 et 2020 passant de 7 à 22%, il était de 3% en 1970) – une intégration satisfaisante semble hors de portée et que la relève démographique par l'immigration fait prendre des risques graves de tensions de toutes sortes, communautarisation, voire partition ou changement rampant de civilisation. Il ignorait sans doute que la « diversité » sera majoritaire en France vers 2060 et que ce pays ne sera plus celui dont il parle.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Colonisé un siècle, l'Islam a été colonisateur et impérial pendant dix siècles, sans en éprouver, à l'inverse de l'Européen moderne, aucune mauvaise conscience.
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Si la Sunna divise les musulmans, la Charia les unit.
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Les autres religion sont sphériques, l'islam est vertical.
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