5 prix Goncourt à lire absolument
Quels sont les romans incontournables de ce millénaire débutant ?
Article publié le 03/11/2022 par Nicolas Hecht, mis à jour le 07/11/2023
Réussir son Goncourt…
Goncourt 2004 : Laurent Gaudé, Le Soleil des Scorta (Actes Sud)
Ventes cumulées au 18/10/2023 : Près d’1 million d’exemplaires
Note moyenne Babelio : 4,2 sur 5 pour 6004 notes
En 2004, Laurent Gaudé n'était pas tout à fait inconnu des lecteurs. Prix Goncourt des Lycéens en 2002 pour son deuxième roman La Mort du roi Tsongor, il avait en outre écrit huit pièces de théâtre, tous textes publiés chez Actes Sud. Mais c'est bien son troisième roman Le Soleil des Scorta qui va le révéler au plus grand public. Avec ce destin des membres de la famille Scorta, l'auteur alors âgé de 34 ans vise juste et nous fait voyager dans les Pouilles au sud de l'Italie, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Depuis, la passion de Laurent Gaudé pour l'écriture ne s'est pas érodée puisqu'il a publié des nouvelles, de la poésie, un livre de photo, un livre jeunesse, ou encore neuf pièces de théatre et neuf romans, dont le dernier de science-fiction Chien 51 a beaucoup fait parler à la rentrée d'automne. Un auteur bûcheur et discret donc, qui avouait en 2015 au micro de France Info avoir refusé de voir ses livres adaptés au cinéma : « J'ai un problème avec l'idée que ce serait le Saint-Graal de voir son roman adapté. [...] Moi j'ai écrit ces romans pour que ce soit des romans : ils sont aux lecteurs. »
Goncourt 2006 : Jonathan Littell, Les Bienveillantes (Gallimard)
Ventes cumulées au 18/10/2023 : 905 000 exemplaires
Note moyenne Babelio : 3,94 sur 5 pour 2369 notes
Voilà probablement l'un des prix Goncourt les plus emblématiques et les plus polémiques de ces dernières décennies. Emblématique car il consacre un épais pavé signé par un jeune auteur (n'en déplaise à ceux qui pensent que le Goncourt ne récompense que des célébrités), dont le père Robert Littell est alors mieux connu. Polémique car Jonathan Littell choisit de nous raconter à la première personne les mémoires d'un officier SS : Maximilien Aue. Ou comment plonger le lecteur dans le malaise de la Seconde Guerre mondiale, vécue du côté des bourreaux. Si la démarche rappelle celle de Robert Merle avec La mort est mon métier (1952), voilà une entreprise qui ne manque pas d'interroger le public et les intellectuels : peut-on, doit-on faire cela ? Un prix Goncourt qui aura donc fait couler beaucoup d'encre (un livre d'études lui est même consacré), dont la lecture est réputée très éprouvante mais qui a pourtant su intéresser de nombreux lecteurs. Il a également remporté le Grand prix du roman de l'Académie française en 2006. L'écrivain Jorge Semprún, lui-même ancien déporté, l'a tout simplement qualifié d'« événement du siècle ».
Goncourt 2013 : Pierre Lemaitre, Au revoir là–haut (Albin Michel)
Ventes cumulées au 18/10/2023 : 1 438 000 exemplaires
Note moyenne Babelio : 4,37 pour 12015 notes
L'autre roman historique de cette sélection - que l'auteur décrit plus volontiers comme un roman picaresque - est aussi l'un des Goncourt les plus appréciés et vendus depuis ce début de siècle. Primé en 2013, il a connu une seconde vague de succès grâce à son adaptation au cinéma en 2017 par Albert Dupontel (qui reçoit d'ailleurs les César du Meilleur réalisateur et de la Meilleure adaptation). Le premier tome de la trilogie Les Enfants du désastre se concentre sur les aventures de deux anciens soldats au sortir de la Première Guerre mondiale. Démobilisés, les deux Poilus montent une arnaque en vendant des monuments aux morts fictifs, avant d'être découverts. Si ce trafic est inventé, Pierre Lemaitre fonde le récit sur de véritables activités illicites observées dans les années 1919-1920, durant lesquelles des familles missionnent des croque-mort improvisés pour rapatrier le cadavre d'un proche. La réalité dépasse visiblement toujours la fiction, et les lecteurs aiment visiblement que les romans le leur rappellent.
Goncourt 2016 : Leïla Slimani, Chanson douce (Gallimard)
Ventes cumulées au 18/10/2023 : 1 142 000 exemplaires
Note moyenne Babelio : 3,92 pour 9000 notes
Avec des « si », on refait le monde. Avec des « si », on fait ou défait des carrières d'écrivains, aussi. En 2013, le premier manuscrit de Leïla Slimani est refusé par toutes les maisons d'édition auxquelles elle l'envoie. Trois ans plus tard, elle obtient le prix Goncourt pour son troisième livre Chanson douce, après un passage par l'atelier d'écriture de Jean-Marie Laclavetine. Derrière son titre angélique, ce roman cache en fait le terrible récit des conditions qui amènent Louise, une nourrice, à assassiner les deux enfants qu'elle garde. Un livre qui commence par ce meurtre et sa découverte, mettant le lecteur face à l'angoisse du quotidien d'une mère et à la place des femmes dans notre société, mais rappelle aussi la confrontation entre deux milieux sociaux : celui modeste de la nourrice, et le milieu bourgeois des parents. Transposé au grand écran en 2019 par Lucie Borleteau, avec Karin Viard dans le rôle de Louise. Leïla Slimani a depuis écrit quelques essais (sur le sexe au Maroc, sur Simone Veil et sur l'écriture), et entamé une trilogie romanesque racontant l'histoire de sa famille au Maroc : Le Pays des autres (voir ici notre interview vidéo sur le deuxième tome Regardez-nous danser).
Goncourt 2020 : Hervé Le Tellier, L’Anomalie (Gallimard)
Ventes cumulées au 18/10/2023 : 1 456 000 exemplaires
Note moyenne Babelio : 3,62 pour 9147 notes
L'Anomalie a tout d'une… anomalie dans l'histoire du prix Goncourt. Président de l'Oulipo, Hervé Le Tellier a déjà une bibliographie très fournie quand il devient lauréat, à l'âge de 63 ans. Une œuvre largement publiée chez de petits éditeurs (notamment Le Castor Astral), avant quelques livres pour JC Lattès dans les années 2000, et ce roman en 2020 pour Gallimard, dans la collection blanche de littérature générale. Autre fait étonnant : L'Anomalie est un roman de science-fiction, racontant les deux futurs alternatifs d'un même vol en avion. Un vol Paris-New York qui atterrit deux fois avec les mêmes passagers, à 106 jours d'écart. Un livre de genre qui remporte le plus prestigieux des prix littéraires français ? Une décision qui fait écho au lointain et premier lauréat John-Antoine Nau, et qui divise les commentateurs : mais est-ce vraiment de la SF ? Où commence la littérature blanche ? Pour certains, voilà une cuvée du Goncourt qui consacre l'imaginaire comme une littérature de premier plan. Pour d'autres, il s'agit simplement d'un roman, même si la question de l'imbrication réel/fiction est largement au centre du livre. Toujours est-il que le livre intrigue beaucoup les lecteurs, qui se précipitent pour l'acheter et le lire, totalisant plus d'1 million de ventes rapidement. Si la réception critique est plus mitigée que sur d'autres Goncourt de cette sélection, gageons que L'Anomalie touchera un public encore plus large après son adaptation en série dont la diffusion est prévue pour 2023.
Et vous, les avez-vous lus ? Quel est votre prix Goncourt préféré ? Dites-le nous en commentaire…