Avec Christophe Granger & Chloé Pathé, éditrice
Lecture par David Sidibé
Rencontre proposée & animée par Jean-Luc d'Asciano
En 2020, le Prix Femina Essai a été attribué à Christophe Granger pour Joseph Kabris ou les possibilités d'une vie 1780-1822, publié aux éditions Anamosa, que nous avons déjà invitées dans ce cycle. Ne boudant pas notre plaisir, nous invitons ce soir et l'auteur et son éditrice, Chloé Pathé, à nous parler de ce livre.
Né à Bordeaux vers 1780, embarqué sur un baleinier anglais, Joseph Kabris a vécu durant sept années sur une petite île du Pacifique. Il s'est intégré à la société des « sauvages », a appris leur monde, leur langue, a été tatoué de la tête aux pieds. En 1804, une expédition scientifique russe l'arrache à son île ; il devient russe, avant de regagner la France. Là, il donne à sa vie les traits d'une épopée et fascine les foules, avant de mourir à l'âge de 42 ans. L'historien et sociologue Christophe Granger signe une enquête fascinante et troublante sur ce qui fait une vie.
À lire Christophe Granger, Joseph Kabris ou les possibilités d'une vie 1780-1822, Prix Femina Essai 2020, éd. Anamosa, 2020.
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Je suis convaincu [...] qu'il n'y a rien dans une vie d'individu, pas même la possibilité de s'apparaître à soi-même comme une personne capable de choix personnels, qui ne soit déjà structuré, par des institutions sociales, c'est-à-dire par un ensemble d'attentes, de possibilités, de situations et même de gestes que chacun trouve déjà fait avant soi.
Comprendre ce combat ne consiste pas à expliquer ce qui a lieu: c'est en acquérir l'usage, apprendre tout ce qui nous manquait au départ pour agir comme eux.
Comprendre les corps d'été, comprendre autrement dit ce qu'ils sont et ce qui fait qu'ils sont ce qu'ils sont, réclame de se mettre en chasse d'autre chose : ce qu'il faut, c'est décrire le façonnement d'un dérangement saisonnier des expériences, où se rénovent le dedans et le dehors des corps, où se renverse cul par-dessus tête la grammaire des gestes et celle des goûts, où se retrempe toute la complexité du social, et s'incarnent, à même la chair qui se fait voir, les valeurs de déconstruction de naturel et de bien-être. Ce qu'il faut, c'est écrire l'histoire de cet aparté annuel des manières d'être et de faire où tout, en somme, dans la levée des accoutumances et le relâchement des surveillances, paraît devoir se recommencer à partir du corps, des façons de le porter, de l'habiter et de lui trouver du sens. C'est ce pli estival des corps qui m'intéresse. Ou plutôt, on l'aura compris l'histoire dont il est la trace.
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S'il est difficile de reconstruire des dispositions, c'est que l'opération suppose une théorie des dispositions et qu'il est difficile de faire une théorie des dispositions parce que cela suppose des dispositions qui ne peuvent être acquises que par des gens qui sont en position de faire des théories.
Il demande comment ce que les boxeurs ont l'habitude de faire intervient dans ce qu'on les voit faire ce jour là, mais aussi jusqu' à quel point ces tendances à agir sont agissantes dans ce qui a lieu, et bien sûr ce qu'il peut bien y avoir aux endroits où elles ne sont pas.
Le recroquevillement disciplinaire et la spécialisation des chapelles entravent l'étude du comportement humain qui forme pourtant l'horizon de nos savoirs.
Par une interaction, on entend l'ensemble de l'interaction qui se produit en une occasion quelconque quand les membres d'un ensemble donné se trouvent en présence continue les uns des autres.
Elle a par conséquent la forme d'un cycle potentiellement infini de deux acteurs prenant en considération la considération qu'ils prêtent à la considération que l'autre leur prête.
Elle suppose de renoncer à admettre qu'il y aurait toujours de la réflexivité dans une action; mais elle ne vise pas à démontrer qu'il n'y en a jamais.
Ils ne sont pas en train de se donner des coups de poing en se déplaçant bizarrement dans un espace encadré de cordes; ils boxent.