Avec « Crier son nom », Alessio Forgione vous invite à découvrir un roman d'amour et de violence qui raconte la fièvre adolescente dans un Naples électrique.
Elle ne comprenait pas le fait qu'aimer quelqu'un est un malheur, parce qu'on se met entre ses mains et on devient comme les nuages : de petites formes délicates et faciles à détruire.
Alors je pensai que dans le premier salut échangé il y a aussi un adieu et que le début est juste le début de la fin et que chaque rencontre n'est autre qu'un long abandon, distillé goutte à goutte, lentement.
Pendant que je l'embrassais, je pensais que c'était sans doute ça la pauvreté :être heureux , tout en sachant que ce bonheur ne durerait pas, car alors qu'il existait et durait il y avait déjà quelque chose de néfaste , dans le reste du monde , dans le reste de sa propre vie, dans l'air et jusque dans le bonheur , une chose qui minait le bonheur même .
Il me répondit que j'avais raison de me foutre de tout, de ne pas souffrir. "Parce que si tu souffres, ça ne se voit pas, et si ça ne se voit pas, c'est comme si tu ne souffrais pas".
Je ne le corrigeai pas.
Je n lui dis pas qu'en réalité j'étais fou de douleur à chaque instant et qu'à cet instant aussi, même quand il me voyait normal, j'étais en réalité fou de douleur. Je ne lui dis pas que c'était comme un cancer, qu'à l'extérieur je me sentais normal mais que je pourrissais de l'intérieur. Je ne lui dis pas qu'une main s'était introduite dans ma poitrine et avait emporté mon cœur. Je ne lui dis pas que je mourais. Je ne lui dis pas que je voulais mourir, que je l'avais peut-être toujours voulu et que Nina avait aggravé la situation. Je ne lui dis rien et restai muet, puis je pensai que ce silence pouvait être mal interprété, perçu comme une preuve ultérieure de ma désinvolture, et lui mis une main sur l'épaule.
"Tu bois quoi?" lui demandai-je.
L'amour n'est autre qu'une grosse hémorragie. Quelqu'un arrive, nous donne un coup de couteau et puis on se traîne dégoulinant.
Fouettés par le vent, les gros pins bruissaient comme s'ils étaient vêtus de jupes en satin vaporeuses. Je le remarquais surtout la nuit, en les observant de mon lit, car si les journées à l'hôpital sont longues, les nuits le sont beaucoup plus. Une alarme qui sonne, un gémissement, les sabots traînants des infirmières, et difficile de se rendormir ensuite en sachant que quelqu'un est en train de mourir ou une chose de ce genre.
La vie n’est rien d’autre qu’une attente inconsciente.puis elle arrive et ça fait mal
Nous parlâmes d'Anacapri, de combien elle était belle et de combien Capri était minable à côté, avec ses gros riches, riches jusqu'à exploser, et comme la nature d'Anacapri semblait hostile. La nuit, si le vent soufflait fort, on n'entendait que le bruit des feuilles et des branches qui se heurtaient. La journée, on n'était jamais très loin des pics hauts et fris des montagnes acérées, visibles depuis toute l'île. Et la mer aussi était compliquée. Des rochers partout.
Je me dis que l'amour est une maison joyeuse.
Je pensai enfin qu'elle m'aimait peut-être de cette manière moderne selon laquelle chaque membre du couple doit être heureux et professionnellement accompli, afin d'aimer sa propre vie, soi-même et, par conséquent, l'autre.