Citations de Coco (II) (35)
Fallait-il toutes ces vies arrachées pour se rendre compte à quel point elles étaient précieuses?
Seule dans le cabinet du psycho-thérapeute, j'essaie de mettre des mots sur l'indicible. L'attentat terroriste du 7 janvier 2015 tourne en boucle dans ma tête. La prise d'otage.
Les tirs. Le silence. Les images. Comment expliquer l'effroi ?
Pourquoi est-ce que je me sens si coupable ?
Qui pourra comprendre l'extrême solitude qui m'a traversée ce jour-là ? J'explore un brouillard épais de sensations, d'émotions, de doutes.
Les souvenirs, parfois, sont rendus flous par le choc traumatique. Je rencontre des morceaux de mémoire abîmés, incomplets. Tout est épars. Je tente de reconstituer l'après. Retrouver les vivants. Trouver la force de continuer malgré le traumatisme. Faire le journal dans le chaos et le deuil. Et dessiner...
Je ne suis pas morte. Je ne suis pas blessée. Et pourtant quelque chose s'est fracturé. Je vis avec. Avec ce « 7 », lourd à porter, aussi écrasant que mon sentiment d'impuissance face aux deux djihadistes surarmés.
Je dessine pour ne plus penser au « 7 ». Tout fout le camp en moi mais le dessin résiste. Alors je dessine et je dessine encore.
Les terroristes le savaient, ils ont tiré sur de vrais journalistes, des gens qui avaient le courage de leurs opinions et qui usaient de leur droit à la critique sans tabou. C'est le talent qu'on a assassiné.
Je me rappelle le courage de Charb dans ses positions. Je ne sentais pas la peur : défendre notre liberté de dérision et d'opinion, c'était le plus important.
Si vous me cherchez, je suis dans les abysses de mes pensées.
Impasse de la grande solitude.
Carrefour de la honte.
Rue des remords et des regrets...
Pas sûre que vous me trouveriez, et c'est tant mieux.
... De toute façon, vous n'oseriez pas.
Je vous mets mal à l'aise, je le sens bien.
Ou alors que c'est moi qui le suis...?
Je vis l'expérience d'une mort en moi : celle de l'insouciance.
Le bonheur, c'est pire.
Comment vivre à présent sans me sentir coupable d'être en vie ?
C’était le 7 janvier 2015. L’attentat de Charlie Hebdo. Coco nous raconte son insouciance,avant, puis l’horreur. L’angoisse, la culpabilité. La vague est au centre de ses dessins, comme une immense vague d’Hokusai qui la submerge. Après deux thérapies, dont une sans succès, elle continue tant bien que mal de vivre.
Les dessins sont directs, bruts et très expressifs, pour dessiner l’indicible.« Je n’oublierais jamais… je dois dessiner, dessiner encore. »
On voulait que ce soit un beau numéro et surtout pas une rubrique nécro. Un numéro avec des articles et des dessins de ceux qui ne sont plus là, un numéro qui nous ressemble où l’on se moquait de tout et de nous-mêmes : un numéro (presque…) normal. « Charlie », ça a toujours été un journal libre, avec des esprits libres, des dessinateurs et des rédacteurs qui expriment leurs opinions dans 16 pages, publiées chaque mercredi. Un journal d’idées, d’humour et de conviction. Engagé et déconnant…
C'est le talent qu'on a assassiné.
Défendre sa liberté d'expression, c'est simplement en user.
Il y a dans la beauté quelque chose d’insoutenable.
Le bonheur est pire.
Comment vivre à présent sans me sentir coupable d’être en vie.
( page 277 )
Les terroristes le savaient, ils ont tiré sur de vrais journalistes, des gens qui avaient le courage de leurs opinions et qui usaient de leur droit à la critique sans tabou. C'est le talent qu'on a assassiné.
Elle a jonché d'or et de jade ma routine
Elle a jonché de sopalin des torrents de larmes
Mais l'ampleur m'a fait me fissurer...
Ode à la vie, A Bashung / J Fauque
Ils ont tiré sur de vrais journalistes, des gens qui avaient le courage de leurs opinions et qui usaient de leur droit à la critique sans tabou. C’est le talent qu’on a assassiné.
Pour nous, la seule limite, c'est la loi française (...)
La seule chose qui menace la presse, c'est l'autocensure.
Je me perds dans des si, comme s'ils avaient le pouvoir de me faire revenir en arrière...
Mais ils ne me renvoient qu'à l'implacable sentiment d'impuissance. Et cette paralysie...
Celle là même qui vous murmure de ne surtout pas bouger, que la mort est là, qu'elle vous frôle. Elle tournoie autour de vous, et vous savez qu'elle peut frapper à tout moment.
Je lutte.
je veux dessiner encore.
Que suis-je ? Illégitime ou nécessaire ?
Arrête de te torturer.
Tais-toi et dessine (p.282)
Il y a dans la beauté quelque chose d’insoutenable.
Le bonheur est pire.
Comment vivre à présent sans me sentir coupable d’être en vie.
Pour nous, la seule limite, c'est la loi française.
La seule chose qui menace la presse, c'est l'autocensure.