Citations de Lindsey T. (98)
J’ai tout essayé avec lui : la bonne volonté, l’indignation, la promesse de coopérer, la menace de saisir la police des polices pour harcèlement. Tout glisse sur lui comme sur les plumes d’un canard. En réalité, il s’en fiche.
J’avais dit que les policiers s’étaient contentés de ma version confuse et balbutiante quand ils m’ont interrogée le soir même ? Je m’étais trompée. En réalité, je suis devenue leur seul os à ronger.
Je dévore des yeux les traits de cet homme, enregistre et analyse, compare avec mes souvenirs, pars à la recherche de mes sensations.
Son sourire s’évanouit à mesure que je le dévisage ouvertement, au mépris de toutes les règles de politesse. Ses yeux sont bleus. Pas verts ou marron. Non, d’un bleu vif, tranchant. Donc, ça ne peut pas…
Ce mec est juste… sexy. Le genre de mecs avec qui j’aurais accompli des tonnes de bêtises… Avant. Avant ma plus grosse bêtise. Pardon. Mes plus grosses bêtises. Car s’il n’y en avait eu qu’une…
Si elle savait… Sans pouvoir me l’expliquer, je n’éprouve aucun des symptômes traditionnels d’un syndrome post-traumatique. Je ne suis pas effrayée à l’idée de sortir de chez moi, ou de me retrouver seule dans ma chambre. Je ne sursaute pas à la vue d’un type dissimulant son visage. Et je devrais rêver chaque soir que je me noie, non ? Pourtant, ce ne sont pas des cauchemars qui agitent mes nuits…
À quelque chose malheur est bon, se plaisait à me répéter à l’envi mamie No quand sa mémoire n’avait pas encore décidé de se désagréger, idée par idée et souvenir par souvenir.
Ma conscience s’est carapatée pour laisser la première place aux seuls ressentis de mon corps. Ma raison a grillé, léchée par les flammes du désir, attisées par l’interdit.
La sensation qui monte dans mon ventre est inédite. Jamais je n’ai vécu quelque chose de si intense. Le plaisir déferle en moi avec la violence d’un raz-de-marée imprévisible et destructeur. Un instant, je ne suis plus que cette onde dévastatrice qui foudroie mon corps. Je le sens se tendre à son tour, puis se retirer sans douceur. Sa jouissance inonde ma cuisse encore tremblante, je crois entendre un cri assourdi.
Il ne me retire pas ma culotte. Il l’écarte pour laisser la place à ses doigts qui me frôlent, me découvrent, avant de me pénétrer sans hésitation. Je suffoque alors qu’il entame un va-et-vient furieusement efficace. Quelques secondes suffisent à m’amener au bord du précipice. Son corps pressé contre le mien, le bruit de son souffle accentué par la cagoule, sa main entre mes cuisses… Un plaisir sombre et terrible monte en moi.
Ses doigts auraient dû se reposer sur ma joue. Au lieu de cela, ils échouent sur la ceinture de ma jupe, sans aucune équivoque. Mon bas-ventre s’embrase dans la seconde, ma poitrine va exploser. Et ma raison ? Elle se cogne contre les parois de mon crâne comme un oiseau que l’on vient de mettre en cage. Je pourrais fuir. Je devrais fuir par l’issue qu’il a laissée ouverte. Au lieu de cela, je reste immobile.
Il est mon agresseur, je suis son otage. Il a la force et je n’ai rien. Je n’ai jamais vu son visage. Pourquoi je le voudrais ?
Mon univers s’est réduit à cet homme qui est d’autant plus immense qu’il occupe dorénavant tout mon champ de vision. Sa main droite se lève en direction de mon visage et mes yeux se fixent sur le tatouage qui se dévoile à nouveau. Un symbole chinois, c’est un symbole chinois, ai-je le temps de penser à la seconde où il me touche.
Je frémis lorsque nos peaux entrent en contact. Ses doigts s’attardent sur ma joue, descendent le long de ma mâchoire et déposent une traînée de feu sur mon épiderme. Son geste n’a rien de violent, et pourtant, ma respiration est bloquée comme s’il m’avait porté un coup au plexus.
Il se penche vers moi, et par réflexe, je ferme les yeux. Comme lorsque le garçon de vos rêves va vous embrasser. Ou comme pour vous protéger d’un choc à venir.
Rythme cardiaque au bord de l’implosion, souffle gagné par une anarchie totale, je demeure immobile, jusqu’à ce qu’il s’arrête, si proche de moi que je crois sentir sa chaleur irradier sur ma peau. Sensation qui ne peut qu’être sortie de mon imagination, car des couches de vêtements et un bon mètre nous séparent encore.
Ma bouche est toujours en pilote automatique, car mon cerveau ouvre de grands yeux en entendant cette sentence absurde, échappée d’on ne sait où et surtout parfaitement infondée.
Cette cagoule est une torture. Je sens, je devine, je crois voir ses yeux posés sur moi, caresser mon visage, descendre sur mon corps, puis remonter pour parcourir un chemin identique. J’ai l’impression qu’il me dépouille de mes atours, un par un, qu’il me dénude pour atteindre les tréfonds de mon âme.
Je délire.
Car en réalité, l’ombre créée par la capuche rabattue sur son front ne me permet même pas de discerner ses pupilles ni la couleur de ses iris. Sombres. Je présume que ses yeux sont sombres. Noirs ou marron.
Le temps s’étire effroyablement et pourtant, nous avons tous ralenti notre respiration comme si cela pouvait encore freiner la course des événements.
La tension n’est pas retombée, bien au contraire. Je sais que chacun égrène les secondes, puis les minutes, dans sa tête. Quant à ma tension, elle est au maximum depuis que Quatre a repris son poste d’observation, sur son fauteuil, à nous dominer avec cette impassibilité troublante.
Tel un militaire sur un théâtre d’opérations, là où Numéro Un semble tout droit échappé d’un monde où les instincts brutaux dominent, où la légalité n’a jamais eu sa place.
J’aurais préféré que vous soyez plus matheux que littéraire, que vous deveniez expert-comptable et qu’à cette heure, vous soyez en train de préparer le dîner à votre famille plutôt que de me réciter de la poésie tout en agitant une arme sous mon nez !
Je joue avec le feu, mais j’aime de plus en plus ça. J’aime les battements précipités de mon cœur chaque fois que je cherche à anticiper ses réactions. J’aime ce jeu malsain, j’aime flirter avec les limites, avec ses limites. J’aime qu’il me surprenne. J’aime me sentir vivante parce que je sais qu’il peut me donner la mort.
Non, c’est un rire franc, vraiment amusé. Le genre de rires qui me fait craquer. Il me bouleverse tant il est inattendu, ici, dans ce casino, dans ces circonstances. Quelques secondes d’humanité dans un monde de chaos.