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Critiques de Syllepse (13)
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Permis de tuer, chronique de l'impunité policière

Les crimes policiers et leur signification politique

« Si les familles ont choisi de prendre la parole dans cet ouvrage, de raconter comment elles ont transformé leur douleur en action politique, c’est qu’elles savent, preuves historiques à l’appui, que les procédures débouchent rarement sur des sanctions effectives, que les policiers seront certainement blanchis – et la mémoire de leurs défunts destinée à l’oubli après avoir été salie. Leurs actions politiques sont autant de points de suture sur des plaies qui ne cicatriseront jamais complètement ».



Dans le premier texte, le collectif Angles morts revient sur le rôle du racisme structurel dans les affaires qui seront décrites et analysées, la protection systématique des policiers, l’asymétrie construite entre les victimes et les policiers, « Ainsi, à la présomption d’innocence des policiers impliqués vient s’ajouter la présomption de culpabilité des personnes tuées », la durée longue des procédures, les inventions de causes « officielles » de la mort, le rôle des expertises médico-légales et psychiatriques…



Les auteur-e-s parlent aussi de sur-contextualisation pour les uns et de décontextualisation pour les autres, des peines le plus souvent symboliques prononcées contre les policiers…



« Face à cela, faire un travail d’information est indispensable. Ce livre, tout comme les comptes-rendus d’audience, les concerts, les compilations rap, les reportages et les mobilisations y contribuent. Au-delà de l’information, l’enjeu réside dans la structuration d’un réseau de familles et de soutiens, dans la constitution d’un réseau d’avocats prêts à s’impliquer et à se mettre au service des familles et des comités ».



Les auteur-e analysent aussi les différences de traitements, la signification de l’insécurité policière, le caractère systémique de la violence d’Etat, les pratiques quotidiennes et leurs significations politiques…



Le collectif Angles mort termine sur la suppression effective de la peine de mort : « Pour que l’abolition de la peine de mort soit enfin une réalité partout, dans les rues et les prisons, pour que l’Etat et ses services rendent des comptes une bonnes pour toutes ».



Les différents textes reviennent sur six histoires récentes, les recherches pour établir la vérité contre les versions policières, pour obtenir justice, les mobilisations, les refus de laisser en silence…



Je ne souligne que quelques éléments : la nécessité que les policiers « rendent compte de leurs délits et crimes », la confrontation quotidienne à la discrimination et à l’arbitraire, l’inversion des rôles dans les présentations policières, « Criminaliser la personne décédée et innocenter les forces de l’ordre avant toute enquête constitue la stratégie médiatique classique dans ce genre d’affaires », l’interdiction de « la clé d’étranglement », des dispositifs de paralysie et de brutalisation, le refus de la « présomption de légitime défense » revendiquée par certaines organisations syndicales de policiers et soutenue par le Front national…



Des analyses et des témoignages à faire connaître.



L’abolition réelle de la peine de mort, nécessite de prendre en compte la violence systémique dans les rapports sociaux, le caractère politique de cette violence. Ici, pour les crimes policiers, sur les lieux de travail pour les crimes patronaux, dans les espaces publics ou « privés » pour les crimes commis par les hommes envers les femmes…



« L’alliance des combats contre toutes les formes de domination détermine les conditions de nos libérations respectives ».



Du collectif Angles morts, lire aussi : Collectif angles morts : Vengeance d’État. Villiers-le-bel des révoltes aux procès, Editions Syllepse 2011.
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Métropolisation, villes et territoires

Pas de démocratie possible sans auto-administration



Comme pour les précédents numéros, je n’aborde, choix très subjectif, que certains articles et certains points traités.



La ville et le développement d’aires métropolitaines, la concurrence (la mise en compétition des très grandes villes) entre métropoles, l’accroissement de l’urbanisation, l’extension des lieux et l’usage des transports individualisés, le développement du « secteur informel », la recrudescence de la pollution, le chevauchement de compétences administratives, le territoire comme « dentelle irrégulière et discontinue », la production de l’espace et les possibles espaces alternatifs, l’appropriation privée du sol et/ou du bâti, les partenariats « privé-public » et l’appropriation privée des richesses (sans oublier les surcoûts pour les villes utilisatrices), l’alliance libérale entre les élu·es et les grandes sociétés du BTP, la mise en « location » des biens communs, la mise à l’écart des débats et des choix démocratiques…



Plus discutables me semblent les notions d’« unité nationale », de la ville comme « organisme vivant », la « ville comptutationnelle », le manque d’interrogation sur le sens politique des cohabitations familiales et les contraintes de l’habitat induites…

Des oublis aussi sur les luttes, le problème particulier des déchets (Naples, Beyrouth, etc.) (en complément possible, Pierre Godard, André Donzel : Eboueurs de Marseille. Entre luttes syndicales et pratiques municipales, le travail du Perou : Atlas d’une ville potentielle, les investissements en aménagements urbains pour les jeunes… réduits de fait aux jeunes hommes…

Makan Rafatdjou aborde, entre autres, le territoire, l’ère de l’anthropocène, l’espace, « L’espace, réalité première de notre territorialité, n’est ni une pure abstraction géométrique, ni un simple contenant », la notion d’« habiter », l’imbrication et la hiérarchisation des espaces et de leurs fonctions, les inégalités et les antagonismes de classe (quid des rapports sociaux de sexe dans les lieux de la ville ?). Il parle de rapports sociaux d’habiter, « notre habiter… n’a jamais été le simple produit mécaniste des modes économiques de production et d’organisation politique et institutionnelle dominants dans les sociétés, ainsi que des contradictions parfois violentes qui les constituaient », de la singularité « des cultures, sociétés et civilisations », de « génie du lieux » (sur ce point, je rappelle les très beaux livres de Michel Butor), de division sociale du travail, de disjonction et de rupture, des façonnages des espaces « partout la même chose », de la marchandisation lucrative du territoire, des projets « hors contexte et transposables », des logiques techno-bureaucratiques, des approches spécifiques pouvant ouvrir de nouvelles perspectives émancipatrices…

Gus Massiah décline une approche altermondialiste de la ville et de la question urbaine. Il insiste, entre autres, sur la question foncière, le logement, les effets de la scolarisation de masse, les liens entre le local et le global, le nouveau du municipalisme, les réseaux de villes (en complément possible, Rencontre municipaliste des Fearless Cities à Barcelone : vers un maillage international de « villes rebelles » ?), les « droits dans les villes » et « les droits à la ville », le droit au logement comme droit d’existence, la ségrégation spatiale et sociale, l’injonction permanente de circuler, les nouvelle approches théoriques et pratiques (dont celles de David Harvey, par exemple : Le capitalisme contre le droit à la ville. Néolibéralisme, urbanisation, résistances).

Corinne Luxembourg analyse l’espace urbain au prisme du genre. Cela est en effet indispensable, mais cela n’aurait pas du dispenser les autres auteurs (tous masculins)… Une des manifestations de la domination est que le « dominant » ne se définit pas (le masculin serait neutre, comme hors des rapports sociaux !) mais définit l’« autre » par différence avec lui-référence et institue cette altérité comme naturelle.



L’autrice souligne l’illusion de neutralité de l’espace « elle concerne les classes sociales, le genre ou l’ethnicisation », l’injonction d’avoir peur dans et de l’espace public (elle rappelle à très juste titre que les violences sexuées ont majoritairement lieu dans la sphère privée – ce qui devrait interroger aussi sur les lieux d’habitat).



Elle discute, entre autres, des espaces clos appartenant à la puissance publique, des espaces publics en fait espaces privés, du rétrécissement « plus ou moins temporaire de leur accessibilité », du contrôle spécifique des femmes, des injonctions à la conformation aux normes sociales, de l’espace-temps des femmes, des empêchements des corps à se déplacer ou à stationner, de mobilité et d’arrêt…



Bruno Della Sudda et Richard Neuville rendent compte de la IIIème rencontre euro-méditerranéenne de l’« Economie des travailleurs et des travailleuses ». . Ils évoquent, entre autres, des alternatives qui ne se limitent pas à la sphère économique, « Elles concernent également des sphères qui permettent de percevoir une imbrication avec des processus culturels basés sur des relations non capitalistes préfigurant des espaces où les relations internes de pouvoir et de genre sont susceptibles d’être rediscutées, tout comme la relation avec la communauté »… Cet article est suivi d’un entretien avec deux camarades italiens « En dehors du marché ! », qui parlent du réseau Fuori Mercato, de mutualisme, de structures matérielles de la solidarité, de coopératives, d’autogestion…



Patrick Silberstein dresse un aperçu historique de la question nationale, « cette question qui nous percute ici et maintenant », dans la « tradition » marxiste.

Catalogne, Ecosse, Corse, Kanaky, Crimée, apprentissage des langues (arabe, chinois, etc.) à l’école, montée des nationalismes d’exclusion ou fascistes, minorités nationales et groupes dits ethniques, minorité comme groupe dépossédé, absurdes catégories de l’apartheid en Afrique du Sud et positions défendues par l’ANC… Le peuple est « processus social curieux dont les traits principaux sont la réalité de l’instabilité et le destin de cette instabilité » (Immanuel Wallerstein) cité par l’auteur qui revient en détail sur les positions exprimées par Otto Bauer, « Bauer s’oppose donc à l’idée, commune à son époque, d’un substantialisme de la nation, puisque celle-ci ne s’identifie ni à la langue ni à la communauté économique, ni au territoire, ni à fortiori, à l’Etat. Il développe une conception d’auto-administration de ce qu’il appelle des « corporations nationales » en envisageant les cas où celles-ci occupent de manière homogène une ville ou un territoire et les cas où il en va différemment ».



Je souligne aussi la place des « domien·nes » qui sont des citoyen ·nes français·es et « qui semblent bien constituer des groupes nationaux (au sens yougoslave) » ; des phénomènes migratoires et les processus de constitution de « minorités », de « communautés nationales » ou « bi-nationales »/ « multi-nationales » au cœur des métropoles capitalises ; le sens de l’« autonomie culturelle interne » ; la distinction impérative entre nations dominantes et nations dominées (ce qui n’exclut pas des phénomènes d’inversion de position).



L’auteur aborde aussi les communautés comme processus, l’imbrication entre les rapports sociaux de classe et les questions nationales, le principe d’égalité et d’universalisme, le pluriversel contre les lectures excluantes de l’universel, le droit à l’autodétermination, « Il nous faut construire le cadre de cette mosaïque et composer le ciment qui la lie »…



J’ai particulièrement été intéressé par l’article de Bruno Della Sudda, Daniel Desmé : Corse, question nationale, processus d’autodétermination et stratégie autogestionnaire. Les auteurs abordent les nations comme des produits socio-historiques, l’internationalisme et les mouvements de décolonisation, le « sentiment national », l’histoire du peuple corse, l’acte fondateur « une Constitution votée en 1755 par la Consulta de Casabianca », les positions des révolutionnaires français en 1789, l’histoire coloniale de la Corse à partir de 1769…



Se référant aux complexités et aux contradictions développées, entre autres, par Rosa Luxembourg et Lénine, ils indiquent : « En effet, ce qui caractérise la situation en Corse et la différencie radicalement des formes classiques de colonisation et d’impérialisme, c’est un point essentiel et en apparence déroutant : une inversion des flux financiers propres à la domination coloniale puisque la Corse coûte plus qu’elle ne rapporte à la France (on est donc à l’opposé de l’exploitation de la main-d’oeuvre et des richesses du pillage colonial dit classique). Et le fait que les Corses bénéficient des mêmes droits que les métropolitains brouille encore la représentation que l’on en a » et souligne la dépendance accentuée (et institutionnalisée) vis-à-vis de la France, la dimension de colonisation de peuplement, la francisation, l’histoire spécifique de cette colonisation…



Bruno Della Sudda et Daniel Desmé reviennent sur l’orientation vers le fascisme de dirigeants corses dans les années 30, l’histoire durant la seconde guerre mondiale jusqu’à Alméria (1975), les pratiques électorales et les fraudes clanistes, la mise en « porte-à-faux de la gauche traditionnelle de l’île »…



Ils insistent, entre autres, sur les contre-pouvoirs et l’auto-détermination (processus et décision institutionnelle), les structures « associatives, culturelles, syndicales », le Syndicat des travailleurs corses (STC), « organiser les salariés pour la défense de leurs droits, et leurs espérances sociales afin de na pas laisser la bourgeoisie régner en maître dans le mouvement national », les négociations avec le pouvoir central hors de la participation des populations, la reconnaissance du peuple corse en droit « c’est-à-dire comme un sujet politique de droit », la question linguistique (en complément possible : Mobilisation Générale Pour Que Vivent Nos Langues) et l’exigence de co-officialité, le soutien sans faille au tout-tourisme, le rapprochement des détenus politiques, les alternatives basées sur l’auto-détermination et l’autogestion…



Reste encore une fois la question, que je pose maintenant à toustes les auteurs et autrices, pourquoi ne pas utiliser une écriture plus inclusive ? – le point médian, l’accord de proximité, les habitant·es, les acteurs et les actrices, les militant·es, les salarié·es pour rendre visibles les unes et les autres, les iels et toustes. Peut-on réellement lever le drapeau des émancipations, en continuant à porter les haillons ou les treillis de lois grammaticales et orthographiques imposées par les académiciens masculinistes (et par ailleurs incompétents). Ces normes « ordinaires » faisant primer le masculin sur le féminin contribuent à invisibiliser les femmes. La volonté affirmée de « résister » à un nouvel usage plus égalitaire du langage, comme indiqué dans une lettre au comité de rédaction de deux membres, me semble plus que discutable. A quand la publication de cette lettre dans la revue et l’ouverture d’un débat ?




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Le médicament, un bien commun !

Pour les Big Pharma, la santé n’est qu’une affaire de brevet, de marchandise et de profit



Comme pour les précédents numéros, je n’aborde, choix très subjectif, que certains articles et certains points traités.



Les médicaments, le droit d’être soigné·e, l’égalité d’accès aux médicaments, le médicament comme bien commun, la mise en cause de la notion de propriété privée et du monopole des droits de propriété intellectuelle (les brevets), la santé publique et environnementale à l’échelle planétaire, la production des médicaments en relation avec les besoins des populations, l’industrie pharmaceutique (l’accaparement de molécules, les profits, le pouvoir discrétionnaire lié au système juridique des brevets)…



Les auteurs et autrices du Manifeste Pour une appropriation sociale du médicament revendiquent, entre autres, l’accessibilité universelle aux soins de santé et aux médicaments, le refus de la marchandisation des médicaments et plus généralement des soins de santé, une autre politique de recherche et développement (R&D), de production et de distribution, la liberté de recherche, la primauté de la santé publique.



Maitrise sociale, brevet, recherche, pharmacovigilance, tests cliniques…



Pour les Big Pharma, « le brevet est un outil », un support de bénéfices et de spéculations. Pourquoi leur laisser la maitrise – période d’exclusivité liée au brevet – des prix et des marges ? Les avancées « scientifiques » ne pourraient-elles pas être considérées comme des communs ? Les pouvoirs publics ont préféré « les droits de la propriété intellectuelle » dont la pertinence en regard des droits humains est plus que discutable.



Daniel Vergnaud aborde, entre autres, les dividendes versés et les politiques d’acquisition, la faiblesse des investissements scientifiques et productifs, les recherches indispensables freinées ou empêchées, le choix privilégié du traitement plutôt que la guérison, l’abaissement des normes sanitaires, les nouveaux débouchés et les « nouvelles maladies ». Il insiste sur l’« abrogation des brevets ».



De nouvelles thérapies ne peuvent être simplement issues de la recherche appliquée, la recherche fondamentale – et son temps long et parfois peu fructueux – est indispensable. Éliane Mandine et Thierry Bodin discutent de la dangereuse liaison entre « recherche et finance », la prime donnée à certaines thérapies et aux molécules appelées blockbusters pour les milliards de chiffre d’affaires générés. « Entre 1975 et 1999, sur 1 400 nouveaux médicaments commercialisés, 13 seulement concernent les maladies tropicales infectieuses alors que celles-ci constituaient la première cause de mortalité mondiale ». A ce point il conviendrait d’ajouter une réflexion sur le sexe des pathologies.



Elle et il (iels) abordent, entre autres, les opérations de fusions, les politiques de génériques, les pertes d’expertises, la sérendipité (découverte scientifique ou une invention technique inattendue à la suite de circonstances fortuites et très souvent dans le cadre d’une recherche concernant un autre sujet), l’utilisation de travaux de recherche publics dans le cadre privé, les biotechnologies, la place de l’oncologie…



Il faudrait prendre en compte la part de la recherche et développement financée par la collectivité publique grâce aux avantages comptables et fiscaux – charges directement déductibles et dotations aux amortissements et provisions (lorsque la R&D est dite « activée ») venant en déduction du résultat comptable et du résultat fiscal. Il faudrait aussi étudier l’impact des normes comptables IFRS appliquées en Europe sur les pratiques d’externalisation – les contrats pour l’usage « activés » comme des biens propres, les sur-valeurs d’acquisition (goodwills) amorties, la notion de « juste valeur » et ses effets sur la variation des fonds propres…



Autorisation de mise sur le marché, mesures de privatisation des systèmes de santé, augmentation des prix des médicaments, prix libre pour les médicaments non remboursables, nuisance à la santé de certains traitements… J’ajoute le conditionnement qui nous fait acheter des quantités bien au-delà des prescriptions médicales.



Éliane Mandine et Thierry Bodin soulignent l’inflation des prix, en particulier pour des médicaments dits innovants et issus des biotechnologies. Iels parlent de l’inclusion des frais de marketing et de lobbying dans le poste recherche et développement, des investissements publics dans la recherche biomédicale, des bénéfices liés aux nouvelles thérapies, de l’appropriation de résultats de la recherche par la prise de brevets, du rachat de petites start-up qui ont développé certains médicaments, du pouvoir de lobbying, de la fixation des prix, « De fait, les prix du médicament peut être déterminé, non plus en fonction des coûts de développement et de fabrication, mais du prix maximal au-delà duquel il risquerait de provoquer une révolte », de la logique de « monétarisation » de la vie humaine. Se soigner ne relève pas d’un choix mais d’une nécessité. « Le médicament doit être libre de droits exclusifs, pensé comme un bien commun, c’est-dire accessible au plus grand nombre ».



Un article traite plus particulièrement des génériques et des transformations du secteur pharmaceutique, de l’externalisation de la production. Le suivant des essais cliniques et de la pharmacovigilance.



Je souligne l’article de Thierry Bodin et Bernard Dubois sur les ruptures d’approvisionnement en médicaments et en vaccins, les impacts des choix financiers et industriels.

Je signale les analyses de Manolis Kosadinos sur le neuro-positivisme, la psychiatrisation de l’enfance, l’utilisation des opiacés et ses conséquences (sur ce sujet, lire par exemple, Patrick Radden Keefe : Addiction sur ordonnance. La crise des antidouleurs) , la marchandisation des psychotropes, la souffrance psychique…



Pascale Brudon aborde, entre autres, le médicament dans la mondialisation, les luttes pour l’accès aux soins, la notion de « médicaments essentiels », le rôle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le boycott de Nestlé sur la question du lait en poudre, le Health Action International (HAI), les programmes d’ajustement structurel, « Avec souvent des conditionnalités qui limitent l’extension des services de santé et des politiques publiques de médicaments », les débats autour « de la mise à disposition de médicaments efficaces pour les maladies spécifiques et celui de la protection de la propriété intellectuelle », la fabrication de médicaments antirétroviraux dans certains pays à des coûts moindre, les règles d’octroi des brevets en vue de protéger la santé publique, le déclin de la capacité d’innovation de l’industrie pharmaceutique, les « mee too » et les génériques de marque, les politiques d’acquisition, l’escalade des prix, « Il est temps d’admettre que la forme de la recherche, de la production, de la distribution telle qu’organisée par l’industrie pharmaceutique ne permet pas d’atteindre les buts de santé publique et de disponibilité d’un médicament efficace, de qualité et accessible ». Comme pour l’alimentation, il me semble indispensable de parler de souveraineté et de sécurité…



Je regrette l’absence d’articles critiques sur les biotechnologies, les réductions de comportements sociaux à la génétique, les assimilations du cerveau à une simple machine informationnelle, les fantasmes de transhumanisme…



J’ai notamment été intéressé par entretien avec Philippe Descola sur l’Amazonie et les « zones à défendre », l’extractivisme, la déforestation, la culture du soja ou du palmier à huile, les plantes, « les plantes cultivées n’existent donc que par l’intermédiaire des humains », les relations « matérielles et idéelles très originales qui se sont crées entre humains et non humains », les formes d’autonomie, les droits conférés aux milieux de vie, les droits des populations « indiennes », les communs, l’imagination « des expériences de vie que les gens peuvent faire et développer », les rapports de pouvoir, « la capacité de mettre en rapport des mondes qui divergent, y compris jusqu’au conflit, pour produire des situations nouvelles susceptibles de déboucher sur un degré supérieur d’émancipation », les utopies en partie réalisées…







Kanaky. Je souligne les articles forts intéressants de Jean-Pierre Martin et d’Isabelle Merle. L’histoire d’une colonie de peuplement, le mouvement indépendantiste kanak, les accords Oudinot-Matignon puis de Nouméa, le « référendum », les inscriptions et les non inscriptions de Kanak sur les listes électorales, les élections provinciales, la défense des « intérêts coloniaux, économiques et stratégiques » de l’Etat français, la majorité des Kanaks favorable à l’idée indépendantiste, la colonisation permanente du marché du travail par des « métros », la décolonisation et la société indépendante à construire, le rapport aux ancêtres et à la terre, la reconnaissance des droits « communs », la reconnaissance d’un monde kanak et les luttes d’émancipation…



« Comment se dessinent les rapports de force entre forces dites loyalistes et forces indépendantistes, et comment peuvent-ils être interprétés à l’aune d’une longue durée historique profondément marquée par la colonisation et ses effets d’héritages ? », les résultats des dernières élections, la représentation des « Wallisiens et Futumizens », les terres coutumières…



Reste encore une fois la question, que je pose maintenant à toustes les auteurs et autrices, pourquoi ne pas utiliser une écriture plus inclusive ? – le point médian, l’accord de proximité, les patient es, les habitant·es, les acteurs et les actrices, les militant·es, les employées et les employés pour rendre visibles les unes et les autres, les iels et toustes. Peut-on réellement lever le drapeau des émancipations, en continuant à porter les haillons ou les treillis de lois grammaticales et orthographiques imposées par les académiciens masculinistes (et par ailleurs incompétents). Ces normes « ordinaires » faisant primer le masculin sur le féminin contribuent à invisibiliser les femmes. La volonté affirmée de « résister » à un nouvel usage plus égalitaire du langage, comme indiqué dans une lettre au comité de rédaction, me semble plus que discutable. A quand la publication de cette lettre dans la revue et l’ouverture d’un débat ? Et, je n’oublie pas la censure des mots « autrices » et « iels » dans ma note de lecture publiée dans le précédent numéro.



Mais donner à voir des femmes ne suffit pas, il faut aussi développer des analyses au prisme du genre, des points de vue féministes ou pro-féministes. Ainsi, s’il est bien souligné dans le dossier que sont délaissées « les maladies sévissant dans les pays du Sud », qu’en est-il des maladies touchant particulièrement les femmes ? qu’en est-il des effets sexués de médicaments ? qu’en est-il de la recherche sur la contraception (y compris la contraception masculine) ?
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Face à la gauche de gouvernement n16

Les relocalisations ici sont des délocalisations ailleurs



Au sujet de quelques articles qui m’ont intéressé, et en particulier sur celui de Jean-Claude Vessilier : « L’automobile de crise en crise ».



L’auteur aborde nombre de problématiques qui sont souvent séparées, ou opposées. La restructuration mondialisée de cette industrie sert de « laboratoire à une nouvelle phase de la contre-réforme qui frappe toutes les industries européennes ». Les « délocalisations » suivent en premier lieu la modification des débouchés « Cette production a principalement des débouchés en Chine : c’est pourquoi celle-ci n’est pas »l’atelier du monde » de l’industrie automobile ». En regard des luttes de salarié-e-s sur les salaires et le droit d’organisation autonome, l’auteur souligne « La mondialisation de l’industrie automobile est aussi une mondialisation objective des conditions de travail, n’en déplaise aux enfermements nationaux des mouvements ouvriers européens ». L’auteur nous rappelle les conditions de la restructuration des firmes automobiles américaines sur le territoire des USA. Il souligne que la restauration des profits ne s’est pas faite par la relance de la production, « mais par le redimensionnement à la baisse des capacités de production, et un immense saccage social ». En Europe, aussi, cette industrie est en crise « classique » de surproduction, se résolvant, en absence d’alternatives crédibles, par la destruction des moyens de production. « L’heure est maintenant eu Europe occidentales aux fermetures d’usines et aux attaques frontales contre les secteurs du mouvement ouvrier refusant encore l’adaptation en cours ». Fermetures d’usines, intensification du travail, extension du travail posté, utilisation de plus en plus continue des équipements pour garantir la rentabilité capitaliste. Contre ces situations et contre l’utopie productiviste, Jean-Claude Vessilier indique « C’est pourquoi la réduction du temps de travail et le partage du travail disponible entre tous devraient constituer la réponse du mouvement ouvrier à cette affirmation patronale de surcapacités de production ».



Puis l’auteur analyse les discours sur la compétitivité, les réponses différentes de Renault (internationalisation euro-méditerranéenne) et de PSA (fuite des rentiers propriétaires) à la crise automobile. Il souligne que la stratégie de Renault « crée une situation non réversible, à moins d’activer les sirènes du chauvinisme pour revendiquer les relocalisations ». Le titre de cette note est tirée de cette argumentation.



Jean-Claude Vessilier termine son article sur les résistances aux restructurations dans l’automobile. Il constate que pour l’instant, face à la fermeture de l’usine d’Aulnay « les voies d’une action coordonnée à toutes les usines n’ont pas été ouvertes ». Plus généralement la complexité des formes d’organisation et de réorganisations des entreprises mondialisées implique « la désignation d’objectifs unifiants et jugés légitimes ».



Il ne faudrait cependant pas oublier que « Le toujours plus de production de voitures individuelles est une impasse », et l’auteur constate les écarts entre les mobilisations des mouvements sociaux porteurs d’une critique de l’automobile individuelle du point de vue social et environnemental et les mobilisations des salarié-e-s du secteur pour la défense de leurs emplois. Si les alternatives à « cette société dévorée par le profit et l’individualisme » sont peu partagées, des aménagements pratiques (interdiction des automobiles en centre ville, mise en cause du diesel) se développent, sans pourtant déboucher sur « la primauté », et j’ajouterai la gratuité, « aux transports collectifs ». La question est « bien de créer les conditions du dépérissement de l’usage contraint de la voiture individuelle ».



En attendant, l’auteur insiste : « Reconversion et transition écologique ne saurait être des alibis de nouvelles restructurations décidées par un patronat toujours seul à décider des conditions de travail des salariés et des meilleures productions lui garantissant le meilleur retour sur investissement. Les nécessaires reconversions sont inséparables des formes d’appropriation collective et de contrôle à inventer, ainsi que des empiétements à opérer sur la propriété du capital » et termine son article en revenant sur un point déjà souligné « Choisir la réduction du temps de travail, c’est assumer la rupture avec les logiques productivistes et les contraintes de la concurrence mondialisé entre les firmes ». J’ajoute que c’est aussi un moyen de combattre la division sexuelle et sexuée des taches.



J’ai aussi apprécié les argumentations du Collectifs de militants de SANOFI et de l’Omos sur « Sanofi et l’industrie de la santé, entre finance et bien commun » et en particulier le traitement de la double question « Le médicament, une marchandise comme une autre ? » et « Le patient, un client parmi d’autres ? », ou des brevets, des maladies « rentables ». Les axes de luttes avancés : « déprivatiser les connaissances », « affirmer le refus de breveter tout ce qui touche à la vie », dégager les connaissances « d’un type de rationalité scientifique très déterministe », « démarchandiser le médicament », « avancer vers une Sécurité sociale pour tous en France et mondialisée » et les rappels « La biologie est une science plus complexe qu’il semblait » et « Ces processus d’appropriation posent la question de la propriété, de la forme d’organisation sociale nécessaire à son efficacité ».



Je signale aussi, parmi les autres articles : l’entretien avec Alberto Acosta « Équateur : »la révolution citoyenne »… », l’article de Michaël Lowy « Révoltes paysannes, millénarisme et anarchisme dans l’œuvre d’Éric Hobsbawm », la réédition de l’entretien entre Daniel Bensaïd et Antoine Artous à propos du livre de Daniel Bensaïd « Moi, la Révolution » et l’article d’Ody Saban « Centenaire du »Palais Idéal » du Facteur Cheval à la Galerie Miyawaki de Kyoto ».
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Quelle justice fiscale pour le Sud ?

Place de la fiscalité dans les processus régressifs ou émancipateurs



« L’injustice fiscale a atteint des niveaux record à l’échelle de la planète. Dans les pays du Sud, les conséquences de l’évasion et de la concurrence fiscales se doublent de fiscalités nationales particulièrement régressives. Le constat semble aujourd’hui largement partagé, mais les solutions, elles, continuent de diviser. »



Dans son éditorial, Pour une fiscalité juste… et transformatrice ?, Cédric Leterme aborde, entre autres, la baisse des impôts pour les riches et les entreprises, l’évasion et l’optimisation fiscale, les paradis fiscaux, le positionnement néolibéral qui considère que l’« impôt comme injuste et inefficace », le mythe du ruissellement, la concentration des richesses et des patrimoines…



L’auteur détaille la « Double injustice pour le Sud », l’évasion fiscale, les besoins d’investissements, « les pays en développement voient s’échapper chaque année vers les paradis fiscaux l’équivalent de trois à seize fois ce qu’ils reçoivent en aide au développement ou en investissements directs étrangers », les fiscalités nationales régressives, le faible poids des impôts en termes de pourcentage du PIB, la structure des impôts avec la prépondérance des impôts indirects, la sous-utilisation des impôts au potentiel plus redistributif, les avantages et les cadeaux fiscaux aux entreprises et aux investisseurs étrangers…



Cédric Leterme fournit des explications, tant internes qu’externes, aux différents pays ; indique des « avancées symboliques enregistrées dans la lutte contre l’injustice fiscale, dont témoigne notamment la fréquence avec laquelle le sujet s’invite dans les médias et les grandes rencontres internationales » et trace des perspectives « Pour un ordre fiscal mondial plus juste ».



Il insiste aussi sur le caractère multidimensionnel d’une « justice fiscale », les articulation entre les dimensions « écologique, économique, sociale, de genre », les effets de la fiscalité – sa non-neutralité – en termes de genre, les limites de la « justice fiscale » comme outil d’émancipation, « il faut se garder de la fétichiser et de la voir comme une fin en soi »…







Sommaire



Editorial :Cédric Leterme : Pour une fiscalité juste… et transformatrice ?



Points de vue du Sud



Monde



Tarcisio Diniz Magalhaes : Réparer la gouvernance fiscale mondiale



Ronen Palan : Paradis fiscaux : histoire, techniques et critiques



Afrique, Amérique latine, Afrique



Neeti Biyani : Asie : politiques fiscales régressives et hausse des inégalités



Claire Kumar : Afrique : combattre les inégalités par la fiscalité



Rodolfo Bejarano, Jorge Coronado, Adrian Falco, Luis Moreno : Amérique latine : stop à l’évasion et aux injustices fiscales



Genre



Mae Buenaventura, Claire Miranda, Mae Buenaventura : Fiscalité et égalité de genre selon le fonds monétaire international



Caroline Othim : Justice fiscale pour les droits des femmes : une campagne mondiale



Environnement



Sergio Martín Carrillo, Alfredo Serrano Mancilla, Ana Rivadeneira Alava, Nicolás Oliva Pérez, Sergio Martín Carrillo : Une politique latino-américaine d’écotaxes ?



Antonio Elio Brailovsky : Payer pour polluer ? Débat fiscal éthique et politique







Je laisse de coté les questions de vocabulaire, les mots importés du néo-libéralisme comme gouvernance, équité… sans oublier la confusion entretenue entre la souveraineté étatique et la souveraineté populaire.



Les normes fiscales prônées par l’OCDE ou le FMI ont été élaborées, hors de l’avis et des intérêts des Etats du Sud global, sans prise en compte des rapports de pouvoir (il faut souligner qu’il en est de même pour les règles fiscales dans les Etats du Nord global). Et si je trouve discutables les termes de justice fiscale, (c’est justement parce qu’il y des rapports d’inégalité que la fiscalité est nécessaire), d’autodétermination fiscale (sans dire qui décide), de souveraineté fiscale (qui ne saurait être totale, car rien n’empêcherait alors un Etat de décider d’une fiscalité plus faible que celle des autres Etats), la « coopération internationale » implique que les intérêts du plus grand nombre soient discutés et pris en compte, que la fiscalité ne soit pas pensée comme seulement « technique » et hors du champ du pouvoir.



Les paradis fiscaux, leurs axes de développement : « l’imposition faible ou nulle pour les non-résidents, la facilité de constitution de sociétés et le secret bancaire », leurs pôles de développement – il ne s’agit pas de pratiques « exotiques » -, les transactions offshore, les résidences virtuelles, le droit bancaire, les effets de la mondialisation et des techniques informatiques, la difficulté de tracer les véritables propriétaires…



Au delà des différences par pays, régions ou sous-continent, les auteurs et autrices analysent les systèmes fiscaux régressifs, les faibles ratios impots-taxes par rapport au PIB, le poids de la fiscalité indirecte, les exonérations fiscales, la concurrence fiscale, les flux financiers illicites (FFI), l’optimisation fiscale et l’évitement fiscal, la dégradation fiscale, les pratiques « de pots-de-vin, de corruption ou de blanchiment d’argent », la manipulation des prix, la composante criminelle des flux financiers liés aux « trafics d’être humains, de drogue, d’armes et de contrefaçons », le rôle central joué par les paradis fiscaux, la très faible place de la fiscalité sur le patrimoine, l’imposition de conditionnalités fiscales lors de l’octroi de prêts internationaux, le choix de la TVA plutôt que l’impôt progressif, les zones franches, la non-prise en compte des différentes formes de propriétés et de la concentration de celles-ci, le développement du travail informel, la fiscalité sur les industries extractives et la non publicité des accords miniers…



Les réformes mises en place « ont contribué à réduire significativement la capacité de l’Etat à accroire et à mobiliser ses recettes publiques, avec comme horizon la réalisation des droits humains ». Il faut en effet étudier le déficit provoqué par l’absence de recettes et les effets sur les possibles dépenses.



J’ai notamment été intéressé par les travaux du Réseau pour la justice fiscale en Amérique latine (terminologie invisibilisant les amériques indiennes, afro-américaines, etc.), son agenda de lutte reposant sur quatre piliers : un contrôle fiscal des multinationales, un cadastre des bénéficiaires finaux des profits, l’échange automatique d’informations, un combat contre l’opacité fiscale mondiale.



Règle de progressivité de l’imposition, fin des privilèges fiscaux à l’investissement, agenda pour la justice fiscale, visages de la fraude, monde offshore et ses outils servant « à cacher, évader, fuir et blanchir », situation des « non-résidents », opacité du réseau mondial des services financiers, dollarisation des excédents, flux financiers illicites.



Une partie de la revue est consacrée aux effets genrés des politiques fiscales, tant du coté des recettes que des dépenses, les effets sociaux inéquitables de la TVA, les effets du désengagent des Etats sur la santé des femmes ou sur la lutte contre les violences, le genre des politiques et leurs effets discriminatoires, les études d’impact et leur cécité au genre, « Il y a lieu de tenir compte des biais de genre explicites et implicites qui amènent les femmes à contribuer davantage à l’impôt que les hommes », le fantasme de négociations entre partenaires égaux au sein des familles, les taxes sur la consommation qui pèsent particulièrement sur les femmes, les coûts sexués des pratiques fiscales, les effets de la dette et du sous-investissement, les activités criminelles dont la traite des êtres humains…



La dernière partie est consacré à des discutions autour de la fiscalité écologique, écotaxes, réglementations administratives, coûts privés et coûts sociaux, taxation et interdiction, gestion régionale des bassins hydrographiques et de la protection des écosystèmes, contradiction entre intérêt individuel et interêt collectif, amende et impôt, principe du pollueur payeur….



De manière surprenante, les normes comptables internationales ne sont pas interrogées, ni la possibilité de cumuler les déficits et les bénéfices fiscaux au sein d’un bénéfice monde, ni les outils de transactions financières. Quoiqu’il en soit, les travaux sur une autre fiscalité se développent. Celle-ci doit faire l’objet de débats publics, débats politiques et non « techniques ». Les différents choix devront être soumis aux décisions démocratiques afin que les citoyen·es puissent en être à la fois partie prenante et partie décidante. Ni les asymétries entre pays, ni les différentiels de « développement » et de « besoins », ni les rapports de pouvoir – dont le système de genre – ne peuvent être écartés au nom d’une équité qui est bien le nom néolibéral des inégalités.



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La classe ouvrière c'est pas du cinéma

Un recueil d'articles et d'entretiens souvent passionnants consacrés aux Rencontres Espaces Marx de Bordeaux, qui témoignent de la place encore trop limitée, mais néanmoins en progrès, du monde ouvrier dans les films. Un ouvrage exaltant qui me ferait presque regretter de ne pas habiter à Bordeaux!
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Elles ont fait reculer l'industrie du sexe ..

Le plus grand groupe lié à la prostitution : les prostitueurs

Dans sa préface, publiée avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse (publiée sur le blog : entre les lignes entre les mots), Claudine Legardinier parle de l’inversion de la charge pénale « en libérant les personnes prostituées des poursuites pour les transférer sur les véritables auteurs de la violence prostitutionnelle, les clients prostitueurs ». Cela en effet contribue à ébranler « l’un des piliers les plus résistants du pouvoir masculin ».La préfacière parle, entre autres, de la parole des « survivantes », du devoir de répondre de ses actes, de sexualité aux ordres des dominants et du profit, de « consommateur » masculin, de service public proxénète, d’explosion de la traite…



Claudine Legardinier utilise le mot abolition dans un sens socio-historique fort. « Les abolitionnistes, accusé·es de vouloir « éradiquer » la prostitution, n’abandonneront pas. Éradiquer ? Non, abolir. L’esclavage n’a pas été éradiqué mais il a bel et bien été aboli. Aucun État n’oserait plus le justifier, l’organiser ou le laisser prospérer. Le même choix pour la prostitution serait une avancée de civilisation ».



Dans leur introduction, Trine Rogg Korsvik et Ane Stø reviennent sur les mouvements féministes et leurs revendications et combats depuis le XIXème siècle sur la prostitution. J’indique, sans plus y revenir, qu’il serait plus adéquat de parler de « rapport prostitutionnel », ou de « rapport de prostitution » pour souligner qu’il y a toujours plusieurs individu-e-s à chaque fois concerné-e-s : le client prostitueur (dans la très grande majorité des cas un homme), la personne prostituée (dans la majorité des cas une femme) et le plus souvent le/la proxénète, sans oublier les industriels du sexe, les industriels du crime…



Elles parlent de la Convention pour la répression de la traite des personnes et de l’exploitation de la prostitution pour autrui (ONU 2 décembre 1949), de la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (ONU 1979), de la Déclaration et le programme d’action de Beijing (1995), de la Convention dite de Palerme (2000).



Violence envers les femmes, envers toutes les femmes, rapports de pouvoirs et de subordination, « L’analyse féministe de la subordination des femmes aux hommes comme effets de structures patriarcales et économiques – plutôt qu’en raison de la nature ou d’un destin inévitable – a justifié le sentiment que cette subordination pouvait être vaincue politiquement ».



Modèle nordique, loi interdisant l’achat de « services sexuels » : « Ce qu’on appelle aujourd’hui le modèle nordique énonce clairement que la catégorie la plus nombreuse dans l’industrie de la prostitution, à savoir celle des prostitueurs, est responsable d’actes criminels d’exploitation », loi visant à transformer les attitudes et à réduire la demande.



Les auteures avertissent : « On ne trouvera pas ici un ouvrage universitaire visant à présenter une vision impartiale du débat sur la prostitution. Bien au contraire, en donnant la parole aux militantes elles-mêmes et à leurs récits personnels et hautement subjectifs, nous cherchons à documenter les actions féministes menées sur cette question depuis quelques décennies ». Cela vaut bien plus que l’indigence de nombreux textes sociologiques qui omettent les rapports sociaux, les rapports de pouvoir, les clients-prostitueurs, parlent de choix ou de consentement, de sexualité et de travail, au nom d’une soit-disant vision « impartiale » ou « scientifique ».



Trine Rogg Korsvik et Ane Stø présentent succinctement les différentes problématiques traitées dans cette anthologie de textes pouvant être lus comme des comptes rendus de luttes sociales. Elles soulignent le lien entre lutte contre l’achat de « services sexuels », lutte contre le viol, mesures contre le harcèlement sexuel, dénonciation de la pornographie..



Elles parlent des mouvements féministes, des refuges pour les femmes, des analyses « concurrentes » de la prostitution. Elles soulignent que parler de victimes de la violence ne suggère « aucune passivité intrinsèque » de la part des personnes concernées mais une énonciation « qui tient l’agresseur et non la victime responsable de l’abus ». Au soit-disant choix martelé par le lobby des proxénètes et des industriels du sexe, elles indiquent que « C’est l’éventuel prostitueur qui a un véritable choix – celui d’acheter ou non un acte sexuel ». J’ajoute que si cet acte a quelque chose à voir avec la sexualité des prostitueurs, il resterait à démontrer que cela puisse être éventuellement le cas pour les personnes prostituées. Je partage l’idée défendue par Christine Delphy : « Il n’y a pas un « acte sexuel », que l’on se procurerait de diverses façons, dans diverses relations : dans le partage, ou dans la prostitution, ou dans le viol, et qui resterait cependant identique à lui même ; il n’y a pas d’essence de l’acte sexuel. »



Trine Rogg Korsvik et Ane Stø décryptent les méthodes et arguments du lobby pro-prostitution, prônent le refus du sectarisme par le mouvement féministe et des alliances larges pour lutter contre la prostitution.



Je ne saurai rendre compte de l’ensemble des analyses de cette anthologie de textes. Je me contente d’indiquer juste quelques éléments.



Suède et la loi Kvinnofrid. Violence conjugale, en fait violences d’hommes à l’égard de femmes, relations prostitutionnelles achetées par des hommes ordinaires de tous les milieux sociaux, liens et interdépendance entre prostitution et traite des personnes. Débat autour des « besoins » sexuels des hommes, « service sexuel » au profit des hommes et désir des femmes, responsabilité de la société…



Norvège. Des feux de joie anti-porno aux luttes populaires contre la prostitution, divisions du mouvement féministe, « approche féministe mettant en évidence les rapports de pouvoir entre les sexes » contre des perspectives individualistes, commerce frontalier et nouvelles alliances, les objets des débats, les acrobaties verbales et les confusions volontairement entretenues, la réalité des victimes décédées de l’industrie de la pornographie et de la prostitution, les migrations et l’industrie du sexe, la chape de silence imposé…



Mouvement féministe, violence, « La définition de la prostitution comme violence infligée aux femmes recèle un potentiel d’action et, par conséquent, de changement », sortir des relations marquées par la violence et l’oppression, témoignages de « survivantes », on meurt dans la prostitution mais comme l’écrit un auteur cité « Aucun homme n’a encore trépassé pour cause d’érection ! », rapports de pouvoir, actes des hommes et refus de savoir, « Tout le monde en avait ras le bol d’une définition étriquée de la sexualité humaine et du mythe d’une prostitution essentielle à la sexualité masculine et au livre choix des femmes », l’égalité par encore là…



Islande. Danemark. « Prends position, mec ! », les échec des politiques réglementaristes aux Pays-Bas et en Allemagne, la prolifération de l’industrie du sexe, la valeur commerciale des jeunes (Lire le chapitre écrit par Rachel Moran : « La prostitution et la valeur commerciale des jeunes » sur l’excellent blog Scènes de l’avis quotidien), le lobby pro-prositution…Comme l’écrit Rebecca Mott : « En criminalisant l’offre proxénète et la demande masculine, la société enverrait enfin aux personnes prostituées le message qu’elles n’ont jamais été les responsables de la violence qu’elles ont subie – elles étaient piégées dans un monde qui leur dérobait tout accès à une liberté de choix »



De nombreux débats sont détaillés, des arguments couramment employés sont analysés, « les choses ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent » et remis en perspective, la rhétorique pro-prostitution est décryptée…



« A chaque occasion, nous avons souligné que le mot « victime » était un concept qui exprime un déséquilibre de pouvoir entre des gens, plutôt qu’une déficience personnelle ».



En mettant l’accent sur les luttes des femmes et plus généralement les luttes de solidarité et de respect, cet ouvrage souligne à la fois ce qu’il est possible, les contradictions et les difficultés des luttes, les limites des législations…



« Avec sa loi contre l’achat de services sexuels, la Suède a montré que la prolifération de l’industrie du sexe n’est en aucune façon inévitable, que la société peut bel et bien intervenir et reprendre le contrôle, et que la prostitution concerne aussi bien notre conception de la situation des femmes que le développement de la société. En deux mots, l’égalité des sexes ».



La pénalisation des clients-prostitueurs est une mesure d’intervention politique. Elle dit quelque chose sur les rapports sociaux de sexe dans leur combinaison avec les autres rapports sociaux de domination, sur la marchandisation des corps et des relations entre individu-e-s, sur l’égalité à construire.



Mais pour être opérante, elle doit être associée à d’autres politiques : la libre circulation et la libre installation des personnes (donc l’attribution automatique de papiers de résidence et le droit au travail), le droit au travail pour toutes les femmes (travail reconnaissant leurs qualifications et correctement rémunéré, à temps plein et non au mystificateur « temps partiel choisi »), des équipements publics et gratuits permettant la socialisation de certaines charges effectuées principalement par les femmes, le souci et le partage des tâches domestiques par les hommes, la lutte spécifique contre les assignations de genre ou la réduction significative du temps de travail pour toutes et tous. Des propositions à articuler avec des mesures d’égalité des droits et d’égalité réelle pour toutes les femmes et des mesures spécifiques de protection pour sortir du système prostitutionnel…
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Sanofi big pharma

Se réapproprier et rendre solidaire la chaîne de santé



Notre santé est prise en otage, entre autres, par les politiques des grandes firmes pharmaceutiques, dont SANOFI.



Danielle Montel, Daniel Vergnaud, Danielle Sanchez, Thierry Bodin analysent le monde du médicament, bien essentiel à la vie, les besoins immenses non ou mal couverts, les scandales sanitaires, la recherche en panne, etc.



Elles et ils montrent que le médicament est malade du profit, de la course à la rentabilité, des politiques institutionnelles de brevet, des monopoles de production, de l’entrave à la diffusion mondiale des connaissances… Les auteur-e-s s’attardent aussi sur la distribution des médicaments, la (non)-transparence des prix.



Elles et ils considèrent, à juste titre que « Un médicament jugé et éprouvé comme utile doit être reconnu comme un impératif social de santé publique ».Elles et ils démontent la machinerie de « Big Pharma », suppressions d’emploi, externalisations, fermetures des capacité de recherches et de productions, déréglementation, priorité à la rentabilité, etc.



Une partie est consacrée à l’auto-médication et à la « télésanté » et la « télémédecine », aux patient-e-s devenu-e-s client-e-s, et leurs multiples dangers.



Mais les auteur-e-s n’en reste pas à l’analyse, aux constats. Elles et ils interrogent les possibles, la maîtrise sociale des médicaments, les maillons d’une santé publique affranchie des mécanismes de la rentabilité financière. « La riposte vise à déconstruire concrètement ce discours qui parodie l’intérêt général. Déconstruire, c’est aussi prendre appui sur les valeurs qui aujourd’hui résistent pour faire du commun, comme par exemple l’exigence portée dans les luttes de sortir le médicament de la logique du marché et de redonner sens au travail ».



Elles ils proposent des pistes, entre autres, autour de l’appropriation et l’orientation par la société de la recherche-production-distribution des médicaments, de l’orientation de l’économie « selon les réponses diversifiées à apporter aux exigences humaines et écologiques », de la conquête d’espaces non marchands, de la dé-privatisation des connaissances, du refus de breveter tout ce qui touche à la vie, etc.



Danielle Montel, Daniel Vergnaud, Danielle Sanchez, Thierry Bodinconsidèrent à la fois que « la chaîne de la santé, qui inclut le médicament, doit être considéré comme un service public accessible à tous » et que « les biens communs ne doivent pas être soumis à la loi du profit ». Les auteur-e-ssoulignent les différences entre étatisation, et appropriation sociale ou appropriation par la société.



La préface de Pierre Zarka, « Tout n’a pas été essayé » approfondit les questionnements sur l’appropriation sociale. (Voir aussi la préface à Karl Marx /Friedrich Engels : Propriété et expropriations. Des coopératives à l’autogestion généralisée).

A commencer par « Afin de ne pas demeurer fragmentées et réduites à l’impuissance, les colères ont besoin d’affronter la question de la propriété et du pouvoir qui lui est lié, la cascade des comportements de dominations, de discriminations, de harcèlements et de machisme, qui caractérisent ce que l’on appelle pudiquement le management » ou « Aborder la nécessité d’appropriation collective est un levier pour toute prétention à poser en termes immédiats la question du pouvoir ». Le préfacier insiste aussi sur la coopération, la capacité des individu-e-s « de produire leur propre devenir commun », la richesse comme valorisation de « l’apport social de chacun à travers son activité ». Il s’agit de maîtriser ensemble/collectivement les processus productifs, d’en faire une « question politique rassembleuse » et de chercher des solutions « au-delà de ce qui est trop vite considéré comme évident et enferme le possible dans un carcan mental ».



Délibérations collectives des citoyen-ne-s, éclairées par les connaissances accumulées, dégagement des intérêts communs aux salarié-e-s et aux usager-e-s, prise en compte des contradictions, des tensions entre intérêts possiblement divergents, choix démocratiques et solidaires…



Par ailleurs, contre la prétention des experts de toutes sortes, à dire le savoir et de confisquer les débats politiques et/ou démocratiques, le préfacier et les auteur-e-s, dont trois salarié-e-s d’entreprises pharmaceutiques, soulignent « nous considérons le savoir comme un puzzle, qu’il n’y a pas de pratique sociale qui ne produise de la connaissance » ou « L’expertise a néanmoins besoin de changer de statut. Elle doit elle-même accepter la confrontation et la critique. Car ce qui le plus souvent fait défaut est la connaissance du travail d’élaboration des salariés et des citoyens organisés comme un élément essentiel à prendre en compte dans cette confrontation ».



Et pour finir deux citations :



« Construire du nouveau, c’est désobéir à l’ordre actuel »



« Il ne s’agit pas seulement de résister mais aussi de commencer à tracer les voies du futur »



Un livre qui n’en reste pas aux luttes ou aux dénonciations, mais qui trace des perspectives. Non vraiment, tout n’a pas été essayé.
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Les contre-cultures : Genèses, circulations, ..

Des engagements sociaux ancrés dans l’idéal d’un mode de vie plus juste





Je ne discuterai pas ici de ce qui relève de la « contre-culture », de pratiques ou de luttes sociales, de protestations ou d’alternatives socio-politiques en train de se faire, d’utopies concrètes…



Par ailleurs, il n’est pas besoin de partager les choix analytiques des auteur-e-s pour lire telle ou telle analyse, apprécier tel ou tel article, être sensible à ces « pointes » émancipatrices du social, ces circulations « transnationales de la protestation », ces futurs possibles au présent…



Et si les textes parlent essentiellement d’expériences dans certains pays capitalistes développés, d’autres pratiques « contre-culturelles » ont aussi existé dans le reste du monde…



Contre les « récits factices », les réécritures lisses des passés proches, le souci de ne pas oublier, et donc de prendre leçon, des « faire » aux portées potentiellement « transgressives » de l’ordre/désordre existant, de la place de la liberté, l’égalité ou la gratuité…



J’ai notamment été intéressé par des articles sur Semina, la presse « parallèle », les squats, les scènes théâtrales berlinoises, la critique féministe de l’utilisation du « sexe » dans les Comix underground, le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) et les Groupes de libération homosexuel (GLH), la campagne pour inscrire l’égalité dans la constitution suisse, le Verlag der Autoren, les luttes dans l’institution religieuse, « Faites labour pas la guerre ! », le mouvement anti-sweatshop, le label BYG…



« il reste encore beaucoup à faire pour écrire l’histoire de la contre-culture comme une histoire de la production et des vies vécues, sur le long terme, en rébellion et dédiées à une ré-imagination créative d’une durabilité économique vertueuse »
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Nos finances publiques

Le collectif des auteur-e-s soulignent que les ressources et les dépenses publiques traduisent des choix politiques. Elles et ils présentent les deux piliers des « finances publiques » : la politique budgétaire et l’organisation administrative des finances publiques.



Dans un premier temps, les auteur-e-s reviennent sur la place des impôts dans notre société. Je fais remarquer, sans le discuter ici, que la notion employée de « prélèvements obligatoires » agglomérant les impôts et les cotisations sociales, qui sont du salaire socialisé, me semble inadéquate. Il en est de même de la juxtaposition des finances publiques et de la Sécurité sociale.



Les auteur-e-s présentent les rôles sociaux des impôts, la réduction des inégalités de revenus et de patrimoine, le financement des investissements et services publics. Elles et ils soulignent que « la structure du système fiscal est instable, injuste et complexe »



Elles et ils analysent les réalités du déficit et de la dette, le peu de pertinence des comparaisons internationales qui n’intègrent pas « les coûts privés à l’obtention d’une couverture maladie similaire ou l’accès au même niveau de services (comme l’éducation) par exemple ».



Les auteur-e-s expliquent les notions d’assiette, de taux d’imposition dont le taux marginal, parlent de la fraude fiscale (entre 60 et 80 milliards d’euros par an).



Le second chapitre est consacré à l’administration des finances publiques, le faible coût de gestion des missions fiscales et financières, les raisons de la dégradation de la qualité des missions et des conditions de travail des agent-e-s des finances publiques. Les auteur-e-s discutent de la retenue à la source, « qui n’est pas une réforme fiscale ».



Dans la seconde partie du livre, le collectif des auteur-e-s présentent en détail, cette réalité méconnue, l’administration fiscale, l’accueil des citoyen-ne-s/usager-e-s et sa fragilisation, la gestion des dossiers fiscaux, le rôle des trésoreries et des services de proximité, les relations avec les collectivités locales, le contrôle fiscal, le recouvrement (impôts, recettes non fiscales, amendes), le contrôle de la dépense publique, le traitement des réclamations, le cadastre et les hypothèques, les conditions de travail et la qualité du service.



Les auteur-e-s n’en restent pas aux analyses et aux constats, mais font aussi des propositions, comme par exemple le « droit au compte tour tous, sans frais, qui pourrait être ouvert dans les trésoreries de proximité dans le cadre d’un pôle bancaire public »…



Dans la troisième partie, les auteur-e-s regardent vers l’avenir, le besoin de justice fiscale et sociale, la nécessaire réhabilitation du sens de l’impôt et une vraie réforme fiscale, les valeurs du service public (neutralité et égalité) et les moyens nécessaires à allouer, la présence territoriale, l’égalité des citoyen-ne-s/usager-e-s , y compris dans sa dimension territoriale. Elles et ils préconisent, entre autres, la mise en place d’un « observatoire public de l’immobilier »



Elles et ils concluent sur la nécessaire ouverture d’un large et vrai débat citoyen sur les finances publiques.



Reste à discuter de la place de l’État et ses fonctions bureaucratiques, qui ne sauraient être neutres dans le combat pour l’émancipation, de la gestion non étatique du salaire socialisé (Sécurité sociale), des individu-e-s pour l’imposition sur le revenu et non des ménages (et donc du quotient familial), la place de la transition énergétique (et dans ce cadre d’éventuelles utilisations de taxe), les détails d’une réforme fiscale radicale, les processus démocratiques pour que les citoyen-ne-s puissent déterminer et les taux d’imposition et l’utilisation des recettes dégagées, etc.
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La classe ouvrière c'est pas du cinéma

Contribuer au réveil de chacun-e dans les domaines cinématographique, social ou culturel



Sans partager une vision, qui me semble réductrice, de ce que serait « la classe ouvrière », je ne peux que constater, comme les auteur-e-s, la faible visibilité des salarié-e-s au cinéma, la faible visibilité de toutes et tous les dominé-e-s et de leurs luttes. Sans oublier que bien des films, qui rompent avec ce silence, sont souvent inaccessibles.



Regretter cela, ne signifie pas pour moi, rechercher un hypothétique « courant social du cinéma français » ou amalgamer des succès cinématographiques populaires avec des imaginaires « progressistes ». Les débats sur ces sujets mériteraient d’être développés.



Pour en finir avec les « critiques », je ne partage pas ce que Michel Cadé écrit sur le film de Xavier Beauvois « Selon Mathieu », ni sur l’éventuelle complicité amoureuse versus l’appartenance de classe, ni sur le partage des habitus des couches moyennes (jamais définies).



Quoiqu’il en soit, si la présence de travailleuses ou de travailleurs dans un film ne fait pas toujours sens, elle fait néanmoins « signe ». Et loin des réductions politico-idéologiques, certains films « militants » peuvent être intéressants, non à cause des seules idées développées mais « parce qu’ils sont des œuvres, avec une construction et des images qui leur sont propres, des sons, des voix qui nous touchent, un montage et une atmosphère particuliers ».



J’ai notamment apprécié les articles d’Amal Bou Hachem « Regards de cinéastes sur l’étranger », d’Alain Brossat « Faire peuple de tout bois », de Laurence H. Mullaly « Femmes et cinéastes au Chili » ou l’entretien avec Christian Rouaud « Une façon de dire »je » ».



Non limité au cinéma, le livre nous parle aussi de « la fermeture des camps d’étrangers », des « mères et pères au travail » dans les livres pour enfants…



Pour réfléchir sur notre mode, ses images ou leur absence…
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En marche contre le chômage et la précarité

Nous avons la rage au cœur, parce que nous avons le goût du bonheur



« Il y a vingt ans, les Marches contre le chômage, la précarité et les exclusions sillonnaient toute la France. Chô-meur·ses, précaires, sans domicile, salarié·es, Immigré·es et Français·es, se retrouvaient ensemble dans une action unitaire qui rassemblait la plupart des associations de lutte contre le chômage et de nombreux syndicalistes : les Marches d’Agir ensemble contre le chômage ! (AC !).



Exigence d’un droit à l’emploi pour toutes et tous au travers d’une réduction du temps de travail massive (à 32 heures dans un premier temps) avec maintien du pouvoir d’achat, exigence d’un droit au revenu et de transports gratuits, telles étaient les principales revendications des marcheurs. L’unité entre les salariés et les chômeurs était une préoccupation centrale. Les occupations d’ANPE, d’Assedic, les réquisitions de richesses dans des supermarchés, les réquisitions d’emplois dans des entreprises et des services publics, les occupations de logements ou de locaux vacants, ont été les modalités d’action les plus médiatisées et spectaculaires. Dans le prolongement des Marches de 1994, des Marches européennes ont été lancées, à partir de 1996, dans différents pays de l’Union européenne… Des formes de lutte, des perspectives nouvelles ont alors émergé, qui restent toujours d’une grande actualité ».



Les différent-e-s auteur-e-s reviennent sur la création d’AC (Agir contre le chômage), à laquelle participaient toutes les associations de chômeurs et de lutte contre les exclusions, des syndicalistes de la gauche syndicale, issus principalement des oppositionnels au sein de la CFDT, de la FSU, de Sud-PTT, du SNUI (devenu par la suite Solidaires Finances publiques), de la CNT. Elles et ils parlent des Marches, tirent des bilans, soulignent des acquis de ces expériences et en analysent les insuffisances.



Fédération des initiatives, recherche d’unification des chômeurs/chômeuses et des salarié-e-s, assumer une dimension d’utopie avec « un projet « politique » au sens fort »…



Les auteur-e-s insistent, entre autres, sur le rapport au temps, « Le rapport au temps dans le quotidien, cela paraît comme non politique, alors qu’en fait c’est très politique », la réduction du temps de travail, « C’est d’abord une logique : mettre tout le travail en commun et le partager » ou « Nous revendiquions les 32 heures, et c’était il y a près de vingt ans », la mobilisation des chômeurs et des chômeuses, le smic au minimum pour toutes et tous, l’indemnisation « correcte » de tou-te-s les chômeurs/chômeuses, le droit à l’emploi et à un revenu décent, « Un emploi c’est un droit, un revenu c’est un dû », les subventions à l’innovation sociales la richesse de l’en dehors du travail, le potentiel d’unité des couches sociales, l’endiguement de « la montée du Front national et de ses idées xénophobes »…



Rôle de la revue Collectif, des coordinations, « mouvement pluraliste, coordinateur, ouvert », des Marches… « réunifier toutes les catégories de salariés, chômeurs, employés, retraités, jeunes, et de nous retrouver tous ensemble dans un même espace de réflexion et d’action »



Des débats, des bilans, et l’actualité de la garantie de revenu et de la continuité des droits sociaux pour toutes et tous.
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ContreTemps, N° 20 :

Éclairer l’avenir, c’est aussi dissiper les brumes d’un passé encore si présent



Premier numéro d’une nouvelle formule en collaboration avec les « Cahiers de l’émancipation » et les « Cahiers de l’OMOS ». Mettre du commun dans les capacités d’élaboration, d’échanges. « Ce rapprochement entre nos équipes et nos lectorats nous voulons en faire le signe de la capacité à surmonter, à notre modeste échelle, des divisions nées du passé et qui n’ont plus de justifications réelles au regard du futur dans lequel nous voulons nous projeter, que nous voudrions aider à construire autour de la défense des valeurs et projets qui sont les nôtres, ceux de l’émancipation humaine ». Le comité de rédaction est élargi, la pagination augmentée…



Sommaire :

Édito de Francis Sitel : Rien de va plus !

Dossier Révolutions arabes :

Gilbert Achcar : le monde arabe entre nouvelle étape révolutionnaire et risque de régression

Farouk Mardam Bey : Révolution et contre-révolution en Syrie

Salah Mosbah : La révolution tunisienne dans l’horizon de la mondialisation capitaliste

Francis Sitel : La gauche française confrontée à la crise syrienne

Laurence Pecqueux-Binet : Lettres du camp Al Zaatari

Dossier : Penser la création d’emploi :

Jacques Rigaudiat : Emploi : pour des « mesures de transition et de compromis »

Michel Husson et Stéphanie Treillet : La réduction du temps de travail. Un combat central et d’actualité

Louis Marie Barnier : Création d’emploi : sous contrôle des salariés !

Laurent Garrouste : Des activités nouvelles pour de l’emploi utile socialement et écologiquement

Actualité :

Alain Rebours : Les « bonnets rouges ». Un mouvement ! Quel mouvement ?

Marxisme :

Antoine Artous : A propos du livre de Nikos Poulantzas « L’État, le pouvoir, le socialisme »

Jacques Bidet : Objections adressées à Jean-Marie Harribey

Culture :

Gilles Bounoure : Surréalisme à l’affiche ou non

Commentaires/Livres :

Thomas Mordant : Surréalisme, révolution et civilisation

Mohamed Moulfi : Robespierre. Une politique de la philosophie de Georges Labica

CAHIER OMOS : AlternativeS alternative

Bénédicte Goussault : Alternative(S) au pluriel ou au singulier ?

Christian Vermeulin : AlternativeS, cela veut-il seulement dire plusieurs alternatives ?

Pierre Zarka : Alternative : Comment faire système ?

Samy Johsua : Alternatives locales et État central

Maurice Decaillot : Activer l’émergence de l’économie solidaire et démocratique

Benoit Borrits : Dividendes capitalistes contre coopération ouvrière

Josiane Zarka : Alternative et vision d’ensemble

Bruno Della Sudda, Arthur Leduc et Romain Testoris : Alternative(s), autogestion et émancipation(s)

Patrick Le Tréhondat et Patrick Silberstein : Alternatives et Autogestion

Gustave Massiah : Sortir du néolibéralisme



Sans aborder tous les articles, quelques éléments sur le dossier « Révolutions arabes ».



Il me semble important de revenir sur les révolutions arabes, confronter les situations aux analyses précédemment émises et comprendre en quoi les évolutions éclairent les coordonnées générales ou les possibles émancipateurs. D’autant qu’un certain « campisme » imprègne certain-ne-s et les conduit à relativiser la guerre contre les populations menée par le pouvoir dictatorial, comme en Syrie, à « préférer » les dictatures militaires comme « moindre mal » face aux forces « islamiques ». Il y a parfois oubli des réalités politiques, sociales et économiques passées et présentes et de leurs contradictions, sous-estimation des raisons des soulèvements, voir incompréhension des processus révolutionnaires, confrontés à des réactions contre-révolutionnaires, dans des situations de grande complexité. Comme le rappelle, Gilbert Achcar, dans un processus somme toute classique : « Ce qui l’est moins et qui fait la complexité, c’est que, dans le processus révolutionnaire régional lui-même, se sont engouffrées des forces réactionnaires qui se sont construites, des décennies durant, dans l’opposition aux régimes en place, et qui ont occupé l’espace vacant par la faillite des courants progressistes ».



Les courants réactionnaires en question, dont ceux qui ont accédé au pouvoir par des élections, « adhérent à des perspectives de même nature que celles des régimes antérieurs ». Les courants progressistes ont tout à perdre à chercher des alliances avec les uns ou les autres, ou à osciller entre les deux. Gilbert Achcar précise : « Une situation qui peut s’avérer fatale si n’émergent pas à terme une stratégie et des forces politiques capables de rejeter les deux contre-révolutions, qui en fait partagent les mêmes réponses à la question sociale et ne se distinguent que par des modalités différentes de mainmise sur l’État ».



L’entretien de Farouk Mardam Bey sur la Syrie est très instructif. Celui-ci resitue le présent dans l’histoire, la Syrie dans la région et détaille les différentes forces intervenantes. Il souligne, entre autres, l’absence d’armement lourds nécessaires pour résister aux bombardements des avions et des canons à longue portée, pour protéger les zones hors de contrôle de la dictature. Sans partager son opinion sur la possible intervention militaire des « grandes » puissances, je souligne sa conclusion qui devrait faire large accord : « face à toutes les manœuvres de la contre-révolution et plus que jamais, il incombe aux démocrates syriens, par fidélité aux souffrances et aux espérances de leur peuple, de s’unir sur des bases claires et de faire entendre leur voix sans la moindre concession à quiconque ».



Je partage ce qu’écrit Francis Sitel sur la gauche française. Nous n’avons ni droit à l’indifférence ni à partager la désespérance sur le futur de la révolution syrienne. J’ajoute que l’incapacité à créer des cadres unitaires pour porter secours, pour aider les populations laisse le champ libre aux forces réactionnaires qui combattent, à leur façon, la dictature de Bachar al-Assad. « Ne faut-il pas s’interroger sur notre part de responsabilité dans le fait que les composantes démocratiques de la rébellion n’ont pas reçu l’aide financière et en armes qui leur aurait permis d’équilibrer celle dont profitent les groupes djihadistes ? »

Un dossier de très bonne qualité.



Quelques indications sur le dossier « Emploi ». « Les textes présentés ici partent d’un présupposé commun : l’emploi est une question de volonté, et d’abord volonté politique de remettre en cause le partage actuel ds richesses. Le renoncement à propos de l’emploi trouve ses racines dans l’idée qu’on ne pourrait réduire les profits des entreprises ni toucher à la rémunération des actionnaires. Créer de l’emploi oblige à repenser les équilibres (ou plutôt les déséquilibres) de la société et à les remettre en cause ». Les différent-e-s auteur-e-s parlent de la satisfaction des besoins sociaux, de la finitude de la planète, de l’exploitation, de l’émancipation, « La possibilité de s’émanciper du travail contraint ne peut-être dissociée de la possibilité de faire reculer l’exploitation dans le travail contraint », des coopérations productives, de la réduction du temps de travail, « la durée du travail est un enjeu central dans l’affrontement entre le capital et le travail », « nous travaillons à mi-temps par rapport à nos arrière-grands-parents », de autogestion, des droits individuels, « la permanence et le caractère irréfragable des droits individuels doivent permettre de dépasser la précarité et les aléas du contrat de travail », de la prise en compte des reculs et les défaites des trente dernières années, de l’unité du salariat à construire, de la nécessité d’obtenir des résultats tangibles, crédibles, pour conforter les possibles, des liens entre évolution des gains de productivité et chômage, du partage libéral et inégalitaire du travail et en particulier du temps partiel imposé aux femmes, de la division sexuelle du travail, du lien entre réduction du temps de travail et répartition des revenus, du contrôle des créations d’emploi par les salarié-e-s, des transformations écologiques de la production de biens et de services, de l’appropriation publique et sociale des secteurs de l’énergie, des tensions entre logiques de la planification écologique et de l’autogestion…



Des débats à poursuivre autour de choix politiques émancipateurs. Ne pas perdre sa vie à la gagner…



Et toujours sans aborder la totalité des analyses et des articles, quelques éléments sur le « Cahier de l’OMOS ».



Christian Vermeulin souligne, entre autres, le « bassin d’attraction énorme » du système capitaliste. Il faudrait approfondir et en particulier essayer de tirer des pistes de réflexion et d’action sur/contre le fétichisme de la marchandise (voir Antoine Artous : Le fétichisme chez Marx – Le marxisme comme théorie critique, Editions Syllepse 2006). L’auteur propose de rechercher des solutions « permettant une bifurcation radicale ».

La question soulevée par Pierre Zarka me semble incontournable « Alternative : Comment faire système ? ». En effet, au delà des nécessaires expérimentations (indispensables pour asseoir la crédibilité des propositions et se construire comme force sociale hégémonique), des alternatives en défense des licenciements, des fermetures d’usines par exemple, reste toujours la question de l’État, du pouvoir politique cristallisé. Comme le rappelle l’auteur, les conquêtes, mêmes les plus fortes, ne font pas automatiquement système. Il critique aussi le « concret » : « Idéologiquement, le règne de ce qu’on appelle le « concret », entendez ce qui est perçu mais pas interprété, va de pair avec la dictature de l’urgence et la culture du bref, du simple ». L’urgent enferme « la pensée dans le sauvetage plus que dans l’alternative ». Pierre Zarka pose aussi la question de l’échec du « soviétisme » en soulignant la nécessité de questionner « échec de quoi précisément ».



De nombreuses indications sur l’économie solidaire et démocratique dans le texte de Maurice Decaillot, des propositions sur le financement d’un secteur socialisé par Benoît Borrits, sur la nécessité de prendre en compte la logique même du système et non d’en rester à ses excès ou « la responsabilité des forces alternatives est de savoir entendre ce qui ne parvient à s’expliciter et à se formuler une proposition d’interprétations et de débouchés » dans celui de Josiane Zarka.



Bruno Della Sudda, Arthur Leduc et Romain Testoris élargissent les questionnements à la lutte contre la domination masculine, contre toutes les discriminations et pour l’égalité des droits. Ils parlent d’autogestion, de l’apport des mouvements altermondialistes, des pratiques d’autonomie vis à vis de l’État, de parti-mouvement.



Patrick Le Tréhondat et Patrick Silberstein insistent sur un « possible inscrit dans les faits », la notion de dualité de pouvoir, la transition se manifestant « déjà dans les pores mêmes de la dynamique révolutionnaire », le poids toujours existant du passé stalinien (voir le titre de cette note), les éléments d’une critique pratique du capitalisme… « Contre-pouvoirs et démarche propositionnelle permettent de construire certaine des conditions matérielles, organisationnelles et politiques de la rupture »



Un cahier soulevant de multiples questions, proposant des analyses en partie contradictoires, ou au moins en tension, comme invitation aux débats approfondis.



Au total un numéro et une nouvelle formule de très bonne tenue. Un regret cependant, une place toujours aussi restreinte aux rapports sociaux de genre, aux processus de racialisation et plus généralement à l’ensemble des dominations, qui ne sont pas réductibles au système capitaliste.
Lien : http://entreleslignesentrele..
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