Citations de Abul-Alâ Al Maari (14)
Si on me demande quelle est ma doctrine,
Elle est claire :
Ne suis-je pas, comme les autres,
Un imbécile ?
Deux sortes de gens sur la terre :
Ceux qui ont la raison sans religion,
Et ceux qui ont la religion et manquent de raison.
Les hommes ont travesti la vérité,
A telle enseigne que l'ignorant a pris pour prophétie
Fraude et feinte.
Les musulmans trébuchent, les chrétiens sont égarés
Les juifs sont dévoyés, les mages sont dans l’erreur
Nous les mortels nous répartissons en deux catégories
Les crapules initiées et les dévots stupides
Nous sommes dans un monde dont les fondements
Reposent sur la pourriture.
Nous aurions tort, donc, de nous dire pourris.
Peut-être dans le temple se trouverait-il des gens
Qui procurent la terreur à l’aide de versets
Comme d’autres dans les tavernes
Procurent le plaisir
L’homme peut-il s’enfuir
Du domaine de son Seigneur ?
S’échapper de Sa terre et de Son ciel ?
Les os sont-ils rien d’autre
Que frondaison des branches ?
La sève est-elle autre
Que sang fraîchement versé ?
Comment passer une heure dans la joie,
Sachant que la mort est mon créancier ? (p. 24)
Je déplore mon insuffisance,
Mais ce qui m'apparaît des autres
Me console.
Si on me demande quelle est ma doctrine,
Elle est très claire :
Ne suis-je pas, comme les autres,
Un imbécile ?
Et ma tâche est semblable au corbeau noir de plumes,
A l'aile d'une nuit qui n'en finirait pas.
Que si quelque poète écrivait mes tracas,
Noire serait l'aurore au contact de sa plume.
Peut-être dans les temples se trouvent-ils des gens
Qui procurent la terreur à l'aide de versets,
Comme d'autres dans les tavernes
Procurent le plaisir.
Les musulmans ont commis des fautes,
Les chrétiens se sont écartés du droit chemin,
Les Juifs errent dans la perplexité
Et les mages ont été égarés.
Deux sortes de gens sur la terre :
Ceux qui ont la raison sans religion,
Et ceux qui ont la religion et manquent de raison.
Vis dans l'avarice,
Comme les gens de ce siècle qui est tien,
Et sois stupide,
Car stupide est le temps, de toute éternité.
L'Ici-bas n'est coupable de rien, comment le blâmer ?
Le blâme nous incombe, à moi et à mes congénères
Raisin, vin dans la coupe et buveur
Lequel est à blâmer : qui presse le raisin ou qui boit le vin ?
Mais c'est la mort pour qui le riche est comme le pauvre
Celui qui s'engage sur le chemin comme celui qui s'en écarte
Le bouclier du guerrier comme la robe de la belle
Et les palais des rois de Perse comme les toiles d'araignée
Qui veut laver le corbeau
Pour voir la blancheur de l'aile
Se condamne à l'échec.
Il est doux de voir les fils d'Adam.
A y goûter, pourtant, aucun n'est bon.
Ni l'homme pieux ni l'ascète ne sont attirés
Par autre chose que leur profit.
Meilleur que le meilleur d'entre eux,
Un rocher qui n'opprime pas l'homme et ne ment pas.