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Citations de Agnès Vannouvong (40)


On fait l'amour dans un creux, en liberté conditionnelle. Dans quelques heures, tu entreras dans le temps des aéroports. Tu arriveras à JFK. Après la douane, Samuel t'ouvrira ses bras. Il hèlera un taxi, claquera la portière, t'embrassera, I love you New York. Tu retrouveras ta vie. Notre parenthèse se refermera. Nous disparaîtrons dans l'odeur de pancake, de bacon et d’œufs brouillés. En prévision de cette disparition, je m'abreuve du parfum qui vient du creux de ton cou. Si je connais très bien les effets du manque, j'ai peur, car j'ignore le remède contre la puissance de l'étreinte. Jusqu'aux derniers instants, avant la douche, avant le taxi qui t'emmène à Roissy, on jouit en se regardant. On ne jouit qu'en se regardant. Je sais que nous n'allons plus nous revoir. Je refuse la mélancolie, j'exècre les larmes qui troublent pourtant mon regard. Tu vois un sanglot monter dans ma gorge. Tu me demandes de te regarder. Je continue de te baiser sans soutenir ton regard. J'avale l'océan qui me sépare déjà de toi. Je hais le romantisme, les dépressifs, les sentiments dégoulinants. Je veux garder un souvenir net de toi. La force de ton sourire, la blancheur de tes dents, la douceur dans tes yeux. Pour me consoler, je garde en mémoire ton appartement dont les murs secrets portent encore notre souffle.
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Elle était un peu folle et se cherchait. Elle était tout ce que je n’aimais pas. Trop aguicheuse. Trop frontale. Trop vulgaire. Elle ne savait pas se tenir. Je pense à sa classe sociale. Sa sexualité débridée, n’en parlons pas. À part le sexe et l’art, rien ne l’intéressait. Bien sûr, je connais un certain nombre d’anecdotes.
Alex fait mention d’un club a Paris, Cris et chuchotements, Victoria était une habituée. Le week-end qui précéda sa disparition, on l’a vue danser et s’éclipser dans l’arrière-salle. Entourée de types. Il y a beaucoup de clients, des habitués, des curieux, tous milieux confondus. Des femmes et des hommes célibataires, mariés, des acteurs, des producteurs et même des politiques. Je connais très bien ce lieu, j’y suis allé avec Victoria. Elle ne passait jamais inaperçue, imaginez, une femme sublime qui portait une valise de torture et de plaisir. Elle fouettait, tapait, claquait, buvait, et rentrait dormir tranquillement. p. 51
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Ça se passe très vite. Paola me quitte. Je bascule hors d'une zone de sécurité. Je glisse et, déjà, je construis ma défaite. D'avance, je connais le prix de la séparation. L'absence de la peau, du rire, du parfum. Alors j'anticipe et accomplis les gestes de premiers secours. Vite, je me relève, je respire dans la vague, je me rassemble.
Tu claques la porte, tu me regardes comme si c'était la dernière fois. [...] Tu construis un espace vide où l'air se raréfie. Les meubles seront bientôt trop grands pour nos deux petits appartements de solitude. Ils disparaissent les uns après les autres et déposent sur le parquet une légère trace de poussière. C'est bien connu, la séparation fait fondre les graisses et appauvrit économiquement. Elle dépossède des biens acquis et déprogramme la mémoire affective. Elle laisse sur le carreau, avec une boule d'angoisse plantée bien droit, dans chaque muscle. Tu ne tergiverses pas. Je ne résiste pas. Je suis surprise par la force de ta détermination.
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La solitude, c'est les noces barbares de soi à soi.
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« Elle arrive à destination, le quartier de Thewet. Elle ne se cache plus, elle pleure dans la rue. May croise une vieille femme qui vend des oiseaux dans une cage en osier. Elle a l'illusion de revoir sa grand-mère, le visage ridé, la peau caramel, dorée, le sourire édenté, la taille maigre ceinte d'un tissu, un mélange de soie et de coton. May ne voit que ça, l'attente de cette femme, son désir de vendre sa cargaison d'oiseaux porte-bonheur. May les achète tous, ouvre les cages minuscules, libère les oiseaux. Le choc de l'exil, c'est un sentiment qui ne vous quitte jamais, c'est la puissance de la mémoire, un non-lieu étranger sur une carte, l'éloignement subi d'une terre, d'une langue, d'une communauté, la confrontation de deux mondes, celui d'où l'on vient, celui où l'on vit, l'ici et le présent, le passé et l'ailleurs, le croisement de l'Orient et de l'Occident. »
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Depuis peu, j’ai décidé de ne plus nommer les gens. A toutes les femmes, je dis ma belle, ma chérie, mon cœur. A quoi bon, nous sommes tous interchangeables. Et puis ça m’évite les maladresses. Je deviens une cynique de l’amour, une Dom Juan en jupon, amoureuse de l’amour.
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Je couche avec des filles, des nuits de baise, des visages, n’importe qui, juste des corps. De la présence à l’état de chair. Des parfums, pas toujours délicats, des doigts dans mon sexe et mes mains qui flottent, des timbres de voix différents. Je rencontre ces femmes à des soirées, dans des cafés, au théâtre, sur le Net, à la boulangerie, je me spécialise dans la fermeture des bars. On commence à me connaître. L’aptitude à dire oui rend célèbre. Je suis celle qui couche et qui prépare le petit-déjeuner.
-Votre activité, le samedi soir ?
-Prédatrice sexuelle.
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C’est la même blessure, l’hémorragie qui inonde l’intérieur de la tête. Les gens vous rassurent, ça va aller, ça va passer, tu es jeune, tu vas rencontrer quelqu’un d’autre, tu es belle. Les gens ne savent pas. Ils devraient se taire, se garder de ramener votre souffrance à leur expérience. Je me fous de leur avis, j’ai envie de distribuer à la cantonade des paires de claques.
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Le sexe n’y change rien. La désintoxication amoureuse a pour amis l’absence et la perception du temps. Mon corps vit trop de ruptures, il m’arrive de pleurer le matin, lorsque mon cerveau réalise avant mon corps la force du vide, le lit froid. Je sanglote comme l’enfant que je ne suis plus. Je me sens abandonnée. Mes crises durent quelques heures, en général. J’en sors épuisée, déprimée. Je ne sais plus qui pleurer exactement, Paola ou une autre.
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Il est toujours minuit. Je ressemble à une créature cyborg, reliée à son
ordinateur, le téléphone dans une main, un verre de vin dans l’autre. Tout à
coup, écrasée de solitude, j’ai un doute, une angoisse nocturne. L’amour se
rencontre-t-il encore au coin de la rue ? La vraie vie est-elle virtuelle, dans
la Toile, sur les réseaux sociaux ? Les mails à la place des lettres, les SMS
pour les télégrammes. L’immédiateté. On claque des doigts. On peut tout
avoir. Des vêtements plein les armoires, à peine essayés, des billets d’avion
électroniques. Tout est à disposition. Quand commence l’histoire ? Que se
joue-t-il derrière l’écran ? Les doigts basculent en azerty ou en qwerty.
L’imagination s’emballe. Et souvent, la déception du corps réel.
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"Je voulais un enfant. On voulait tous des enfants. On quittait doucement les rives de la trentaine, médusés, un peu abîmés. On avait fait des choix de vie, et la liberté avait un prix. Il suffisait de se regarder, là, de près, pas besoin de loupe, l’effet de réel agrandissait les blessures, les rides aux coins des yeux, le pli sur le front, les mèches blanches, à l’œil nu. On avait nos vies égoïstes et confortables, nos sorties, les bistrots, les verres, les concerts, le théâtre, le cinéma. De la culture et de l’émotion sans limite. Il nous manquait pourtant quelque chose. On voulait transmettre, procréer, vivre une aventure hors de soi, donner la vie, éduquer des enfants."
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Croire en une idéologie empêche de mourir. Ma foi à moi, c'était toi.
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- Mon cœur laisse passer trop d'affect.
- Alors méfie-toi de ton cœur.
- Je n'ai jamais suivi ma raison, alors je me mets dans des nœuds impossibles.
- Et toi, comment y arrives-tu, avec ton double amour ?
- Mon double amour me rend schizophrène. Mon double amour me déchire. Je veux redevenir une.
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« La lumière est ocre sur l'île. Elle caresse le pilier oriental, la colonne dorée, nette, glisse sur l'ovale, le motif floral, le règne du soleil. Le regard flotte dans les arbres. Toute sa vie, l'Asie fut pour May une ligne de fuite. Enfant, l'évocation de cet ailleurs la transportait. Les récits de sa mère, et la boîte à fantasmes s'ouvrait. Elle s'embarquait dans un ciel sans nuage, l'oeil des statuaires divines, l'exaltation d'un territoire inconnu, l'immersion, la perte des sens, le temps dilaté, la joie, la stupeur, la langue, les faciès et la douceur de là-bas. Sa mère lui racontait la vie de Bouddha, les statues rayonnantes, le stupa, les stands de soupe, les chaises en plastique rouges, bleues, vertes, jaunes, les ronds-points où ça vélote, les motos trafiquées, le silence des temples zen, l'odeur du jasmin, le pont rouge où l'on se promène main dans la main, le père et la mère, l'amour des grands débuts, les enseignes technicolor qui clignotent quand le soleil se fait la malle, les fleurs roses, les baguettes en teck, les feuilles de bambous. »
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Durant ces deux jours, je ne peux me résoudre à offrir quoi
que ce soit à mon père. Je lui garde une solide rancœur. Celle d’avoir laissé
ma mère nous élever seule. Lui menait grand train à Bangkok et à Paris. Je
suis incapable de rester chez lui plus de deux jours.
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« Cette enquête est démesurée, les lieux, les gens, les événements. À cet instant précis, il comprend que l’art attire le pouvoir et que le monde a besoin de la spiritualité des artistes pour vivre. Il se demande à quel point l’art est une puissance monnayable qui permet de dominer l’autre. »
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Le souvenir disparaît au rythme de la nuit. Seule, dans la ville, je suis debout, je marche, saisie par une pulsion, une puissance de vie, une joie. Peu importe le nombre, les femmes, les sexes. Je réalise que je dois me me retrouver, me rencontrer de nouveau. Aucun chagrin d'amour n'empêchera ces retrouvailles avec moi-même. Pour la première fois, je suis hors de toi, hors d'atteinte.
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Prenez vos agendas, s'il vous plaît, et recopiez le sujet de dissertation qui est à me rendre dans trois semaines : "A quelle distance dois-je me tenir des autres pour construire avec eux une sociabilité sans aliénation ?" Vous commenterez cette citation de Roland Barthes, extrait de son texte "Comment vivre ensemble".
-Mais m'sieur, on comprend même pas la phrase !
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J'attire et je suis attirée par les femmes en partance, car le voyage soude les êtres, répare les fissures, colmate les naissances, édifie les secrets.
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Collée à la baie vitrée du bar, je guette Paola. Elle finit par passer, mais elle n’est pas seule. Ses bras enlacent une fille que je ne connais pas. Elles ne me voient pas, elles s’embrassent, pleines de sève. Mon corps réclame les mêmes caresses. Mon corps se dévitalise. Je suis en mort cérébrale. Je veux effacer tes empreintes, la mémoire que j’ai de toi. Paola.
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