Aïda Mady Diallo

Kouty, mémoire de sang, d’abord publié en 1998 à Bamako, fut présenté en 2002 par Gallimard dans la collection Série noire comme « le premier roman noir écrit pas une jeune femme africaine ». Ce qui méritait d’être précisé mais n’en fait pas un roman impérissable. Cette « tragédie de vengeance », genre littéraire et dramatique très prisé à la fin de la période élisabéthaine (Revenge tragedy) et qui a depuis inspiré quantité de films policiers et de westerns, est en effet un peu simpliste et s’articule autour d’un manichéisme classique, soit la jeune, belle et intelligente Kouty contre les innommables qui ont massacré sa famille (pour cause de mésalliance ethnique) et qui doivent être punis de manière appropriés pour les crimes qu’ils ont commis. Première question : faut-il donner raison à Kouty ? Non car nul ne peut exercer sa propre justice, oui si l’on garde à l’esprit les règles du genre (dont Sergio Leone et Clint Eastwood, entre autres, ont usé et abusé).



Il est par contre difficile de croire qu’une pure et innocente jeune fille puisse à ce point cacher à son entourage les événements dramatiques dont elle a été témoin (l’assassinat de toute sa famille) et se révéler une tueuse de sang froid sans états d’âme. Car si le désir de vengeance est une chose, le passage à l’acte en est une autre. Mais après tout, on peut l’accepter si l’on adhère une fois de plus aux codes du genre. Reconnaissons toutefois que, si les premiers assassinats perpétrés par Kouty sont peu crédibles (quand aux rapports de force physique notamment), l’élimination du dernier tortionnaire relève d’une machination et d’une organisation sans failles.



Ce qui m’a le plus gêné est le ton général besogneux et horripilant dans sa naïveté (on est souvent proche de l’eau de rose) ainsi qu’une construction assez primaire alternant sans trop de cohérence la relation des faits propres à l’intrigue (repérage, préparation et exécution de la vengeance) et des développements sur la réalité économique, politique et sociale du Mali. Exception faite pour un bon passage sur l’élimination d’un des assassins sur fond des événements de 1991 à Bamako.



Kouty, mémoire de sang n’est pas un très grand roman policier et n’est certainement pas à la hauteur de la Série noire. Mais il apporte un bon éclairage sur les relations et les violences interethniques au Mali, malheureusement toujours d’actualité au moment où j’écris ces lignes. C’est ce que l’on en retiendra, le personnage de Kouty ne parvenant pas vraiment à s’imposer, ni comme victime ni comme ange vengeur et exterminateur crédible.


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