Alain Gouttman

La gloire de Sébastopol fut éphémère. La honte de Sedan s’étend toujours sur l’héritage du Second Empire et sur la mémoire de Napoléon III.

Il ne saurait y avoir de doute sur un point : la guerre que Français et Russes se sont faite en Crimée fut la dernière guerre chevaleresque de l'histoire européenne.

Et la Turquie, si elle se tire « honorablement » de cette nouvelle guerre russo-turque, quelles illusions pourrait-elle entretenir ? Elle compte des siècles d'impossibles cohabitation avec son ombrageux voisin du Nord, et ne dispose d'aucun remède contre les cancers qui la rongent depuis toujours.

Le poète (Adam Mickiewicz)fondait sa conviction sur un constat: les plus doctes d’entre les Français ne ressentent ni patriotisme, ni enthousiasme pour la liberté: ils se bornent à en raisonner

La guerre civile , écrit encore Jean Claude Caron , n’est pas que la négation de la démocratie : elle est la preuve de l’anéantissement de la politique.

Regardez ce qui se passe au sein des classes ouvrières, qui je le reconnais, sont tranquilles . Mais ne voyez vous pas que leurs passions ,de politiques sont devenues sociales? Ne voyez vous pas qu’il se répand peu à peu dans leur sein des opinions, des idées, qui ne visent pas seulement à renverser telle loi , tel ministère, tel gouvernement, mais la société même, à ébranler des bases sur lesquelles elle repose aujourd’hui ? Tocqueville

Il ne faut pas oublier pour autant qu’une alliée,pourtant non sollicitée, aura grandement favorisé les desseins de Bismarck :la déchirure historique française de 1789.
Tantôt sourdement, tantôt violemment, celle-ci n’aura cessé - jusqu’à quand ?-de dresser les Français les uns contre les autres; d’une part, ceux de l’ancienne société, rurale, paysanne et religieuse et, d’autre part, ceux de la société moderne, citadine, industrielle et laïque .

En moins d'une quarantaine d'années, le pays connaîtrait une quarantaine de régimes, six formes de gouvernement, et pas moins de... deux cent quarante pronunciamientos. Conservateurs ou libéraux, les pouvoirs en place ne seraient jamais, jusqu'à la révolution de 1910, que des dictatures aux horizons limités.

Si, à droite, c’est la guerre des chefs qui compromet la réussite, à gauche, c’est la guerre des idées et la division entre factions rivales.

Pourtant , c'est bien le rôle que jouera la France qui inquiète tout le monde, ou presque. N'est-elle pas , tout à la fois ,vainqueur et arbitre , triomphante à Sébastopol et pays hôte du Congrès, courtisée par tous, crainte de tous , et , surtout, n'ayant aucune revendication à présenter pour elle-même?

"Armée de lions commandée par des ânes" comme disait le prince Napoléon? Certainement pas. Mais il est clair qu'on note déjà, dès les débuts de l'Empire,et chez trop de chefs militaires,une certaine médiocrité d'esprit, une pensée sans envergures,un défaut de caractère,et une tendance qui ne fera que s'aggraver à la courtisanerie et à la recherche des honneurs.

Proverbe arabe : Tant que ta parole est dans ta bouche, elle est ton esclave. Dès qu'elle en est sortie, elle est ton tyran.

l'avertissement de Machiavel : "il ne faut jamais se fier aux promesses des émigrés"

Mais la médecine de l'époque n'en pouvait pas plus.