Ce roman part d’une base extrêmement intéressante, à savoir que la guerre de 14 n’a pas eu lieu. En effet, Gavrilo Princip, le fameux étudiant nationaliste serbe qui a tué l’archiduc François-Ferdinand dans notre monde actuel, n’a pas réussi son dessein dans ce monde alternatif. Il se fait intercepté avant, ainsi l’attentat de Sarajevo est évité et la guerre n’éclate pas, mais ce n’est pas pour le mieux.
Une guerre froide s’installe dès lors entre la France et l’Allemagne. Deux murs sont érigés pour séparer ces deux pays. La ligne Maginot fait office de frontière française tandis que la ligne Siegfried délimite l’Allemagne. Entre ces deux murs, se trouve le no man’s land où des soldats peuvent perdre la vie à tout moment, en allant réparer les défaillances des murs.
Ce roman s’apparente au genre de l’uchronie, que j’aime beaucoup. On dit toujours qu’avec des « si » on pourrait refaire le monde et c’est ce qui est intéressant dans les romans qui le prennent au pied de la lettre. J’aime rêver de ce qui aurait pu être fait si on n’avait pas fait telle ou telle chose auparavant et ce genre de livre permet de concrétiser ces pensées.
Tout au long de l’histoire nous suivons Constance, alsacienne de naissance, habitant en France et parlant Allemand. En bref, une jeune femme polyglotte, féministe qui se veut se battre pour ses idées et faire évoluer la condition des femmes. En effet, dans ce monde parallèle, les femmes n’ont pas le droit de vote (à part pour les élections locales), elles ne portent pas de pantalons, n’ont pas le droit de travailler ou d’ouvrir un compte à leur nom sans l’accord de leur mari et j’en passe. Lorsque je parle des femmes ici, ce sont uniquement les Allemandes et les Françaises car en réalité dans ce roman, nous n’avons guère d’informations sur le reste du monde. Quelques références à l’Angleterre sont présentes car elle joue un rôle infime dans ce roman mais l’auteur s’en tient à l’Allemagne et la France, ce qui est dommage car on parle bien ici de la première guerre mondiale et pas « bi-nationale ». C’est un regret que j’exprime ici quant à l’occultation des autres nations qui ont participé à cette guerre.
Constance donc est un personnage assez ambivalent et sa psychologie n’est pas très aboutie à mon sens. Je suis entrée en empathie avec elle au début mais au fur et à mesure de l’histoire, je l’ai trouvée pleine de contradictions et je ne comprenais pas ou plus ses choix, elle m’a complètement déroutée. Il se trouve donc qu’elle est féministe, très bien, à sa place je le serai aussi étant donné la place misérable qu’ont les femmes dans la France de ce monde. Seulement, elle fait plusieurs choses qui vont à l’encontre du féminisme et qui discréditent sa volonté de faire avancer les mentalités. Je n’ai pas non plus aimé son côté frivole-mièvre. Elle tombe amoureuse deux fois en très peu de temps, sachant que la première fois se termine par une mort dramatique mais on a le sentiment qu’elle s’en fiche complètement. Le réalisme des émotions n’est certainement pas le point fort de ce roman.
J’ai aimé le fait que dans chacun des deux pays, une organisation que l’on pourrait qualifier de « résistants », soit active. Cela montre, même si c’est une fiction, que les gens ne sont pas tous près à suivre corps et âme ce que leur gouvernement leur dictera et j’aime cet esprit de rébellion.
J’ai aimé aussi ce petit côté humoristique qui traverse le roman avec quelques références à notre monde actuel, comme le TGV qui signifie à l’époque du roman « Train à Grande Vapeur ». Cela m’a fait sourire.
On se rend compte que dans ce monde où la guerre n’a pas éclaté, les deux pays que sont l’Allemagne et la France sont vraiment peu avancés technologiquement et que les frontières murales qui les séparent du reste du monde sont une entrave à la croissance. A travers ce roman, subsiste le sentiment que l’ouverture des frontières et l’Union Européenne sont des éléments capitaux à l’accroissement de l’économie française ainsi que pour son évolution sociétale.
J’ai bien aimé ce roman, même si j’ai trouvé parfois des éléments assez paradoxaux et peu crédibles. La guerre de 14 n’a pas eu lieu est une fiction un peu trop courte pour pouvoir élaborer un roman complet. Il faut le lire comme une histoire simple qui propose une vision de l’histoire en toute modestie si la guerre de 14 n’avait pas eu lieu.
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