Alain de Mijolla

Dans ce très joli ouvrage qui revisite la poésie de Rimbaud et la théorisation Freudienne sous l'angle des fantasmes identificatoire, Alain de Mijola nous invite à réfléchir à ces visiteurs, pères, mères et autres figures de notre enfance, qui vivent en nous et qui quelque part nous constituent. Que leur devons nous et dans quelle part sommes-nous ce que nous sommes parce qu'ils viennent par moments visiter notre moi intime?



S'inventant ici à la fois romancier, biographe et détective, le psychanalyste Alain de Mijola se propose de fouiller dans l'histoire personnelle et la généalogie intime de quelques grandes figures telles que Sigmund Freud et Arthur Rimbaud et remarque que les vies et les créations de ces grands hommes ont peut-être été, plus qu'ils n'en avaient conscience, influencées par l'empire inconscient de certains visiteurs du moi d'importance.



Retravaillant différentes théories psychanalytique portant sur l'identification, l'incorporation et la transmission psychique, l'auteur nous offre ici un essai passionnant et très enrichissant qui permettra au lecteur averti d'en apprendre un peu plus sur les fantômes et les revenants qui hantent parfois la psyché humaine.

J'ai beaucoup aimé ce livre. J'étais un peu surprise au début par la narration à la deuxième personne. Mais au final ce type de narration aide à mieux à s'identifier au personnage principal. J'étais embarquée dans l'histoire de Sabina Spielrein, qui est extrêmement bien documentée par ailleurs, avec des extraits du journal intime de Spielrein et des carnets de notes de Jung ainsi que des lettres de Freud. J'avais découvert le parcours de Spielrein grâce au film "A Dangerous Method" de Cronenberg et je me suis rendue compte que le film est assez fidèle aux faits historiques. Le seul bémol que j'ai à souligner est que ce livre comporte de nombreuses références médicales et un vaste vocabulaire de psychanalyse et donc qu'il n'est pas forcément accessible à un lecteur néophyte en psychologie (des notes de bas de pages auraient été les bienvenues). Cela ne m'a cependant pas empêché de beaucoup apprécier cette biographie originale et me donne envie d'approfondir mes maigres connaissances dans ce domaine !

Difficile de parler de ce dictionnaire qui comporte deux tomes et 2017 pages, sinon évidemment pour dire qu'il est extraordinairement complet. ll existe de nombreux ouvrages similaires, mais le malheur de la psychanalyse, ce sont... les psychanalystes, qui se divisent en de multiples chapelles qui coexistent parfois pacifiquement, mais pas toujours, pour rester dans l'euphémisme. Pour ma part, je suis un adepte de Thomas d'Aquin en ce qu'il craignait les hommes d'un seul livre (unius libris), la pensée unique qui débouche inévitablement sur le sectarisme. Alain de Mijolla, décédé en 2019, échappe à ce travers. Il a toujours eu un regard ouvert sur le monde et sur toutes les disciplines, contrairement à d'autres dictionnaires similaires que je ne citerai pas mais que les spécialistes connaissent bien. Et il n'a évidemment pas rédigé ces 2017 pages tout seul. C'est un travail d'équipe: 460 auteurs d'horizons divers, linguistiques et théoriques et 1572 articles. Je garde précieusement son livre dédicacé au soir d'une conférence. C'était aussi en juin. Ce n'est pas un livre "grand public", mais pour celui qui s'intéresse au sujet, c'est certainement l'un des meilleurs ouvrages à conseiller. Et comme Jeanne, l'une de mes petites filles, va bientôt commencer la pédopsychiatrie, j'ai trouvé à qui le confier.

La psychanalyse est-elle une science véritable permettant d'accéder à la connaissance intime mais refoulée des causes à l'origine des troubles ou pathologies des patients ou une arnaque intellectuelle et financière ? le psychanalyste Alain de Mijolla opte évidemment pour la première thèse, répondant ainsi aux contempteurs actuels tels Michel Onfray qui selon lui n'apportent aucun argument nouveau.

Le principe de l'essai consiste à répondre assez brièvement à une centaine de questions sur Freud, l'homme, sa vie, son oeuvre, ses idées, son époque, ses relations. Il est ainsi très accessible mais ne permet pas d'approfondir ce que ce veut la psychanalyse : une réflexion sur les motifs inconnus qui inspirent nos actes par l'interprétation des rêves et le décryptage des processus psychiques inconscients.

Quelques contradictions dans l'homme ou l'oeuvre mais qui n'en a pas ? Ses positions rétrogrades quant au rôle des femmes et ses nombreuses amitiés féminines avec des intellectuelles de son époque. L'idée que la relation interhumaine est indispensable dans la psychanalyse et le fait qu'il a analysé des hommes comme Shakespeare à travers leur oeuvre.

Sabina "la Juive" de Carl Jung est un livre surprenant, et assez complexe, quelques pages ont besoins d'une relecture pour bien comprendre ce qui se passe dans les pensées de Sabina Spielrein, une vie surprenante, assez paradoxale, l'amour qu'elle porte à son père, et la violence de celui-ci. La narration est un peu déroutante au début mais finalement, s'apprécie à la suite.

C'est un roman qui se vaut, et pour les curieux d'histoire, de psychanalyse, il est vivement recommandé.

3/5, pour la complexité.

Alain de Mijolla signe une œuvre inspirée et passionnante sur Sabina Spielrein, dans une écriture limpide et accessible au plus grand nombre. Il est cependant regrettable qu'aucune note en bas de page ne vienne aider le lecteur néophyte à se plonger dans le grand bain de la psychanalyse et de son vocabulaire tortueux... J'ai dû sans cesse me reporter au dictionnaire de la psychanalyse de Sophie de Mijolla (ma prof à la fac, il y a fort longtemps) afin de m'y retrouver un peu.

Je tenais à lire cet essai car j'avais été profondément agacée par le film de Cronenberg, plein d'approximations et de méconnaissance de son sujet. Il y avait une "vérité" à rétablir. Le cas Sabina m'intéresse au plus haut point ainsi que le rapport analysant-analysé dans toute sa complexité. Le fait que l'auteur s'adresse à Sabina à la seconde personne du singulier instaure une sorte d'intimité immédiate avec elle (avec "eux", devrais-je dire...mais qui sont-ils, tous ces "eux", mm?...) Alain de Mijolla lui fait cadeau, en quelque sorte, avec ce récit, de l'amour qu'elle a cherché en vain toute sa vie (ce qui rend d'autant plus complexe ce qu'on peut lire entre les lignes) et lui redonne avec un affect non déguisé une place parmi les Hommes (ce qui rend ce livre assez touchant...) D'autre part, il est intéressant de se pencher à nouveau sur l'opposition Freud/Jung, d'abord en tant qu'hommes, ensuite en tant que théoriciens de la psychanalyse. Ce récit est un excellent accompagnement d'étude pour tout universitaire qui souhaiterait replacer un peu d'humanité et d'émotion dans un apprentissage de la théorie qui en est parfois trop dépourvu (pour une excellente raison, certes...)

La scène psychanalytique de l’après-guerre racontée au jour le jour par Alain de Mijolla. Entre renaissance et avancées théoriques, querelles d’héritiers et oppositions idéologiques.
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Sur fond de tumulte, de scissions, de querelles, d'adoubements, de reconnaissance acharnée, Alain de Mijolla a écrit ses "Vies parallèles des hommes illustres" qui, souvent, ont divergé.
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