Citations de Alba Donati (37)
Ensemble, nous avons inventé les confitures littéraires. J’ai étudié, cherché, humé les goûts des écrivains et des écrivaines, ou de leurs personnages, et Anna y a ajouté sa fantaisie. Elle a produit la confiture Virginia Woolf avec des oranges amères et du whisky ; celle de Jane Austen avec des pommes, du citron vert et de la cannelle ; celle de Colette avec des prunes sauvages et de l’anis étoilé […] De petits chefs-d’oeuvre dont nos visiteuses raffolent.
(** pendant la pandémie)
Nous menons une guerre entre pauvres, personne ne s'acharne parce que personne ne travaille, et l'on est content d'être en vie.
( p.109)
J'ai commandé un livre fondamental sur la puissance des fleurs. Écrit en 1907 par Maurice Maeterlinck, poète, essayiste et prix Nobel, il s'intitule " L'Intelligence des fleurs".Sa beauté réside dans l'absence de volonté scientifique, classificatoire, qui le caractérise. Comme nous, les fleurs pensent, perçoivent la vie la plus simple, évitent les parcours difficiles et se battent, ont des esprits révolutionnaires.
( p.96)
J'adore déambuler sur le Web à la recherche de livres " dépassés " à remettre au goût du jour.
( p.102)
Pardon à l'arbre abattu pour les quatre pieds de la table.
Pardon aux grandes questions pour les petites réponses.
Wislawa Szymborska, " Sous une petite étoile ", dans " De la mort sans exagérer. Poèmes 1957-2009- Gallimard, 2018
De toute son existence, mon père n'a jamais fermé la portière de la moindre voiture.Ma mère verrouille sa maison à cinq heures du soir.Deux visions du monde.
Il est possible que quelqu'un entre, vole, abîme, détériore mes biens.C'est possible.Mais je refuse que cela me touche, j'appartiens comme mon père au pays du réel, et dans le pays du réel les choses vont à vau-l'eau, dans le pays du réel on pleure et on se met en rogne.Malgré tout, papa et moi avons décidé de ne pas faire partie du monde qui ferme les portes.
( p.177)
Mon oncle Fernando a crié " maman" pendant trois mois dans sa chambre en haut du village, et il n'avait pas davantage perdu la tête que maman, il cherchait simplement sa maison, comme tous les vieillards, et c'est toujours celle de l'enfance.L'enfance exerce une puissance invincible sur tout le reste de notre vie.Peu importe qu'elle ait été heureuse ou malheureuse, nous retournons toujours lui demander des explications à notre sujet.Cela dépend peut-être du fait que l'enfance n'a rien: ni ambitions, ni statut, ni rôles, ni décorations ; elle ne possède et ne désire que de l'amour.
( p.155)
Sortir du musée, être fou. Se rappeler que nos cellules ont été créées pour la joie, non pour la retraite.
L'idée de la librairie était certainement tapie dans les replis de ce lieu sombre et joyeux qu'on nomme l'enfance.
Un livre sans queue ni tête, il ressemble sur à un carnet intime dans lequel est repertorié les événements du jours, ainsi qu'une succession de personnage dont on ne sait rien, qui n'apporte rien si ce n'est pour l'actrice
Une belle déception dans la mesure où la 4ème de couverture avait l'air alléchante
Une librairie pour cent quatre-vingts habitants, destinée sur le papier à l’échec commercial, qui, en avançant à contre-courant, intercepte ses semblables dans la tourmente et les conduit chez elle.
Je passe mes nuits à débusquer des livres, des nouveautés et des ouvrages oubliés, écartés à cause du mécanisme des arrivées en chaîne en librairie : quinze jours en exposition, puis dégagez, on passe à un autre. Il y a de toute évidence un public attiré par les mêmes livres que moi.
L’idée de la librairie était certainement tapie dans les replis de ce lieu sombre et joyeux qu’on nomme l’enfance.
Maintenant que l'été est arrivé, avec son calme, avec une délicieuse fraîcheur le soir, je me dis de plus en plus : "Si je n'étais pas ici, je serais morte." Le paysage est une chose, mais la magie des rapports humains en est une autre. Je suis chez moi dans les rues du village, et les relations sont familières, simples. Parfois, comme Mike, je me promène pieds nus. On dit "fouler" la terre, et en effet marcher pieds nus me permet de coller au monde et de sentir la chaleur du soleil, me donne le sentiment d'être végétale.
On accède au jardin par un portail vert sauge, on descend une marche et on se retrouve dans un conte de fées. C’est du moins ce que disent les visisteurs. Il y a un prunier sauvage et un pêcher, une dentelaire du Cap, une glycine, des roses et des pivoines. Aux tables et aux chaises en fer s’ajoutent deux chaises Adirondack bleu pâle et deux transats recouverts d’un tissu à fleurs. Les Adirondack sont très recherchés, certaines personnes les réservent. […] Accrochées aux arbres, des tasses à thé renversées et des lampes qui s’allument toutes seules dès que le soleil se couche. Il y a également une maisonnette pour les oiseaux que j’ai peinte en vert en bleu pâle.
La librairie est une école, une fenêtre sur un monde que nous pensons connaître et qui n'est pas vrai. La vérité, c'est qu'il faut lire pour connaître vraiment le monde parce que les gens qui écrivent partent toujours d'un détail qui cloche. Et quand "le compte des dés n'est pas bon", comme dirant Montale, il ne reste plus aux auteurs et autrices qu'à accueillir la contradiction, à s'aventurer dans les rues obscures du moi, à être l'obscurité même, il n'y a pas d'autre solution.
Nous sommes également elles, nous sommes constituées de défaites et de pétales de rose.