Citations de Albane Mondétour (86)
Mon père disait que la haine est le pire des poisons. Elle peut dévorer jusqu'à nos âmes si nous la laissions faire. Je comprends exactement ce qu'il entendait par là à cet instant précis. Je ne dois pas la regarder, surtout pas, sinon je vais la tuer.
Ses mots sont comme des épines, elles s'enfoncent sous ma peau, semant la douleur sur leur passage, imprimant leur marque sous ma chair.
Je n'ai qu'une envie, creuser ma propre tombe et m'y réfugier. Je préférerais qu'elle déverse son venin à grands renforts de hurlements et d'injures, au lieu de ce regard empli de mépris et de pitié.
La vie est étrange. On passe des mois, voire des années, à être aveugle. On passe à côté de l'essentiel. Et d'un seul coup, sans prévenir, la vie décide de vous foutre un énorme coup de pied au cul et tout s'accélère. Je serais tentée de parler de destin, mais je n'ai jamais été quelqu'un de très spirituel.
- Un bébé qui commence à se mettre debout, c'est comme un contrôle fiscal... Il faut planquer tout ce qui a de la valeur.
Je le toise sans chercher à dissimuler ma hargne. Il ne me fait pas peur. Personne ne le peut. J'ai déjà rencontré le diable, alors ce n'est pas le proprio d'un bouge miteux qui va me faire flipper.
Pour être honnête je ne sais pas faire grand chose de mes dix doigts. C'est le problème quand on est passé à côté de sa vie durant vingt ans. J'ai vécu dans une bulle, une bulle qu'on avait créée pour moi, et quand elle a éclaté, je me suis rendu compte à quel point j'étais creuse. C'est foutrement douloureux.
Je traverse le jardin en titubant. Mes jambes sont douloureuses, et mes mains couvertes de sang. Le soleil se lève, mais pour moi il fait encore nuit.
Il faut que je lui parle. J'en ai besoin. [...]
- Jo ?
Je chuchote. Mes yeux s'habituent péniblement à la pénombre. Les draps sont défaits, mais le lit est vide. Je me dirige vers la salle de bain attenante à sa chambre. La porte est fermée. Je toque doucement contre le panneau en bois.
- Jo ?
Pas de réponse. Je tourne la poignée, et me fige.
- Je suis amoureux, ça rend con et mortellement prévisible.
Le retour à la réalité sera inévitablement brutal, mais cette paralysie des sens est trop dangereuse, terriblement trompeuse. Elle me fait croire que le danger n'est pas réel, et si je veux survivre, je dois me confronter à ce mensonge. C'est ce qui me porte, le désir de retrouver ma combativité.
Les couleurs se mélangent. Ma vue est trouble. Je rampe plus que je ne cours jusqu'à ma chambre. La panique me dévore les entrailles.
J'esquisse un sourire affligé. Leur plan est déjà en train de foirer, alors que nous n'en sommes qu'aux prémices. Ce n'est pas faute d'avoir prévenu mon père. Trop de variables sont en jeu, ils ne pourront pas toutes les contrôler. C'est impossible.
Mon écran clignote. Pas de réseau.
C'est bizarre. Laurence a passé un appel hier soir en arrivant au château, dans cette même pièce.
Jules accélère le pas, et se plante devant elle avec un grand sourire. On dirait qu'il s'apprête à bouffer un canari. N'importe quel abruti le verrait venir à des kilomètres.
C’était important à ses yeux d’avoir un endroit rien qu’à elle. Un véritable foyer. Probablement parce que Céleste avait le sentiment d’avoir perdu le sien. Tout dans sa ville natale lui rappelait son passé. À seize ans, elle avait quitté la Normandie, animée par un seul espoir, tout effacer, tout recommencer.
Une multitude de cahiers y étaient entassés en vrac, les uns sur les autres. Des cahiers comme ceux qu’ont les écoliers, avec une couverture verte, un espace blanc pour marquer son prénom, et une marge délimitée par une ligne bleue. Le plus ancien remontait à une douzaine d’années. C’était le plus précieux à ses yeux. Personne, à part elle, n’en avait jamais lu le contenu.
Elle avait été sensible à la poésie indéniable émanant de la peinture, par la force tranquille dégagée par la déesse, indifférente à sa propre nudité. Un ange sorti des flots. Encore aujourd’hui, la regarder lui procurait une sorte d’apaisement, qu’elle ne parvenait pas à s’expliquer.
On ne peut pas être certain qu’Abel soit toujours de ce monde à l’heure actuelle, et encore moins qu’il soit le Fantôme. Après tout, pourquoi se serait-il dénoncé lui-même ? Ce serait complètement fou. Et puis la police l’aurait forcément déjà retrouvé s’il était dans le coin ! Si ça se trouve, Abel s’est simplement offert une nouvelle vie, loin de la France. C’était son rêve le plus cher. Plus d’attaches, plus de barrières, la liberté.
En réalité, Céleste savait que sa soi-disant trahison n’était qu’un prétexte pour le quitter. Elle ne pouvait supporter l’idée de voir ressurgir son passé, d’être mêlée d’une façon ou d’une autre au Fantôme. Elle avait eu besoin de s’isoler. De prendre ses distances. William en avait fait les frais.
Elle sent que j’ai un secret. L’instinct maternel sans doute. Un jour, je rassemblerai mon courage et je lui parlerai d’Abel. Je lui dirai combien il est tendre, doux et gentil. Qu’elle n’a rien à craindre, qu’il est différent des autres garçons de son âge.