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Citations de Albert Caraco (59)


J'apprends soudain que cette solitude, où je languis, serait un privilège et qu'elle m'aurait préservé de tomber dans les aberrations, où versent des gens sociables, je finirai par la quitter, peut-être, l'heure de ma mission est-elle proche ? Quelle bizarrerie! Il serait grand temps que ma voix perçât au travers des nuées, que les journaux amassent et répandent, j'ai quelque chose à dire au milieu de ces ombres, qui ne disent rien, en étouffant les rares qui ne leur ressemblent.

Nul ne nous dit la vérité , nous grandissons parmi les nuées et les équivoques, la plus part de nos lieux communs sont des sophismes et plus de la moitié de nos proverbes mentent.
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Je n'aime ni la douleur ni la jouissance, le monde de la femme a beau me charmer qu'il ne me convainc, la femme présente en ma Mère ne m'attira jamais, mes profondeurs sont impassibles, je hais le désir et la crainte, Madame Mère n'était pas sans admirer ces dispositions, elle y voyait la source de ma liberté. La mort ne m'ébranlera pas longtemps, puisque rien ne m'affecte désormais et que Madame Mère emporte le reliquat de mes angoisses, sa fin achève de me libérer et je ne vois plus qu'ordre sous mes pieds, le chaos se dissipe, la lumière est partout et je sens naître en moi comme une tranquille assurance.
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Madame Mère est morte, je l’avais oubliée depuis assez de temps, sa fin la restitue à ma mémoire, ne fût-ce que pour quelques heures, méditons là-dessus, avant qu’elle retombe dans les oubliettes.
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Car la nature de ce monde est l'absolue indifférence et c'est encore le devoir du philosophe que de ressembler à la nature de ce monde, sans laisser d'être l'homme qu'il ne pourra cesser d'être : la cohérence, la mesure et l'objectivité sont à ce prix. Tous les problèmes seraient résolus par l'objectivité, la mesure et la cohérence, mais comme la plupart des hommes en sont incapables, tous les problèmes sont insolubles, la catastrophe est à jamais la seule école où les indignes recevront l'enseignement que la sottise et que la folie leur méritent.
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Albert Caraco
Mais à quoi bon prêcher ces milliards de somnambules, qui marchent au chaos d'un pas égal, sous la houlette de leurs séducteurs spirituels et sous le bâton de leurs maîtres ? Ils sont coupables, parce qu'ils sont innombrables, les masses de perdition doivent mourir, pour qu'une restauration de l'homme soit possible. Mon prochain n'est pas un insecte aveugle et sourd, mon prochain n'est pas un automate spermatique [...]. Que nous importe le néant de ces esclaves ? Nul ne les sauve ni d'eux-mêmes ni de l'évidence, tout se dispose à les précipiter dans les ténèbres, ils furent engendrés au hasard des accouplements, puis naquirent à l'égal des briques sortant de leur moule et les voici formant des rangées parallèles et dont les tas s'élèvent jusqu'aux nues. Sont-ce des hommes ? Non. La masse de perdition ne se compose jamais d'hommes [...].
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Car même en la douleur il est plus de présomption que l'on ne pense et plus de volupté que l'on n’avoue. Le deuil, qui nous isole, achève par nous rengager, en nous forçant à nous appesantir : alors nous ressemblons à tout le monde et devenus pareils à tous, nous formons avec tous la masse de perdition, enveloppés dans les filets que tissent le désir, la crainte, l'amour et la haine, les jouets de l'illusion et les esclaves de la contingence. En vérité, je l'ai rompue, la chaîne, Madame Mère le savait, elle m'aura fourni les premiers éléments de cette liberté, qui m'affranchiront à leur tour de sa mémoire.
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Madame Mère, avec toutes ses qualités, ne vaut l’image que j’en trace et je l’avoue : mon jugement tourne à l’apothéose et je me rends captif des visions que je suscite, me voilà pris et m’approuvant plus que jamais de l’être.
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Nous allons remonter le cours de notre vie à la recherche de la morte et nous nous promenons le long des rues où je l'accompagnais jadis. Paris n'a pas beaucoup changé depuis l'an 1929, nous retrouvons cent fois les lieux nous connûmes et je deviens le mystagogue et l'herméneute, je mène Monsieur Père de reposoir en reposoir et d'autel en autel et je lui communique ma science, une géographie de souvenirs et de symboles.
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Nous devons enterrer nos morts ou nous devons les suivre, nous immoler sur leurs tombeaux ou nous en détourner sans verser une larme…
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Albert Caraco
Les villes, que nous habitons, sont les écoles de la mort, parce qu'elles sont inhumaines. Chacune est devenue le carrefour de la rumeur et du relent, chacune devenant un chaos d'édifices, où nous nous entassons par millions, en perdant nos raisons de vivre.
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On dit parfois que monter ou descendre, cela revient au même et qu’en allant à bout de voie, il est possible enfin qu’on se rencontre, on dit que les péchés où l’on se jette avec une fureur toujours nouvelle et toujours inlassable auraient le propre de nous avancer à l’égal des vertus et des renoncements, on dit que l’âme la plus sainte a des lumières qu’aurait l’âme la plus monstrueuse, que l’une et l’autre se répondent et qu’il vaut mieux leur ressembler que de languir à mi-chemin. N’est pas sublime qui le pense et n’est pas méchant qui le veut, on a beaucoup de fanfarons en la matière, les saints n’abonderont jamais ni les démons, à ce que je me persuade, et s’il fallait donner la préférence aux hommes les plus rares, on tremble de songer à qui les palmes seraient tôt remises. La luxure et la mort conspirent dans les hommes nés atroces, élus, mais à rebours et qui s’acharnent après les ténèbres : ils perdent et se perdent, ils sèment le malheur, ils en jouissent, et les abîmes ouverts sous les pas de ceux qu’ils y dévouent ne manquent pas de les engloutir eux-mêmes, objets de leurs moyens qui les fascineront toujours et – malgré leur astuce – d’intelligence avec leur désolation, époux de la ruine et la cherchant dans les triomphes. Ces forts-là qu’on admire, ces bourreaux que l’on vante ou ces luxurieux que l’on méprise en s’alarmant de la folie qui les emporte, ils aiment, éperdus, ce qui les désassemble, ils marchent au néant qu’ils sollicitent dans les stupres ou les violences, leur fourbe ne les sauvant plus de cette rage qui les assassine. Ces monstres cherchent Dieu, ces monstres, nous les appelons mystiques et nous les appelons mystiques les méchants renforcés et les impurs que nulle volupté n’arrête : ils veulent échapper à l’évidence en descendant où la lumière ne les frappe, au sein de la confusion et de la mêlée des possibles, où veille ce qui n’a pris forme et les efface toutes, la liberté dans le chaos et l’équivoque dans la jouissance. Le Dieu qu’ils fuient, ils Le connaissent et Le prouvent, ils servent à Sa gloire et qui les juge La décèle, ils s’offrent délirant à ce qui les consume et jalousant ceux qu’ils tourmentent, ils rêvent d’un bourreau qui les déchire enfin ou d’une volupté qui les anéantisse, ils cherchent une mort multipliée en un mourir suprême, ils semblent des martyrs et qui s’ignorent, ils rampent vers la croix, ils courent s’y lier. – Au bout du mal, il semble que le mal n’est plus et ce qu’on trouve, on n’ose le nommer, cela dépasse nos moyens et notre jugement se brouille : on a beau s’enfoncer que l’on n’échappe à l’Eternel et c’est Dieu même qui parait armé de Sa colère au fond de la luxure et de la mort, elles nous acheminent à ce que l’on pensait fuir, Dieu veille où la mort cesse, Dieu veille où la luxure se consume, la mort Le glorifie et la luxure Le révèle, l’épuisement et la folie mesurent Sa constance et les ténèbres Sa lumière, Il a besoin de ce qu’on Lui refuse et nous oblige à l’abdiquer en la démence qu’Il suscite, Il nous enferme et nous Le rejoignons, les meilleurs sur les ailes de la Grâce, les pires attachés au poids qui les entraîne et pesant à la nuit qui les cache. – Les uns montent vers Dieu, plus légers à mesure ; les autres, abîmés dans un enfoncement qu’ils peuplent de leur haine, tombent en Dieu, lourds de l’atrocité qui les emplit : l’enfer est Dieu comme le ciel et l’horreur n’est pas moins divine que l’amour, il faut à Dieu les saints qu’Il déifie et les démons qu’Il tente, le bien ne serait plus si les ténèbres manquaient à sa gloire. Les monstres, Dieu les embesogne et plus eux-mêmes se croient libres, mieux ils Le servent : le dessein général les enveloppe et leur chaos ne saurait prévaloir sur l’harmonie qui les efface, Dieu les appelle au choix qu’ils ont formé, Dieu les punit de leur soumission rendue inévitable et plus féroce qu’eux, Il les emploie à seule fin de les anéantir. Si Dieu n’était que bon, Il ne serait plus Dieu, la bonté ne suffit à l’ordre et l’ordre vaut mieux que le bien, l’ordre est sublime et le bien non, le bien ne fut et ne sera jamais que désirable, la vastitude ignore la clémence et les suprêmes lois ne se dévient, toujours leur application sera cruelle et les victimes parfois innocentes. Dieu n’aime pas le monde et ne saurait l’abominer : il le régit, Il a comme nous tous une raison d’Etat, ce qui nous semble amour ou désamour est un effet des règles qu’Il s’impose, en vérité la source les ignore, Il est impersonnel et se rend personnel, nous L’obligeons en quelque sorte à devenir, mais l’homme ôté, Dieu n’a plus de miroir, la cohérence L’engloutit et pareil à Soi-même, Il demeure avec Soi pour être l’indivis que la pensée ne rompt. Car il ne s'agit plus de se donner, ce serait trop facile, il ne s'agit plus de porter sa croix, ce serait trop commode, il ne s'agit plus d'imiter tel ou tel et encore moins de le suivre, ce ne serait plus qu'un chemin de fuite, il s'agit désormais de repenser le monde et d'arpenter notre évidence, de mesurer et de peser et de jeter de nouveaux fondements, ces devoirs-là passent avant les autres.
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Ce qui m’attriste ce n’est pas la mort, la mort vaut mieux que la souffrance et que la déchéance, Madame Mère a bien fait de mourir ; ce qui me peine ce n’est pas le vide qu’elle laisse et que ma philosophie comble ; je souffre seulement de sentir qu’elle avait été malade, malade depuis des années et que l’aimable femme était frappée dans l’arbre de sa vie, alors que nul ne s’en doutait et qu’elle-même ne le savait pas.
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Heureux les chastes ! heureux les stériles ! Jésus et Bouddha furent du même avis et depuis qu’ils moururent l’un et l’autre, combien parmi les milliards d’humains venus au monde parurent-ils dignes d’envie ?
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Ce ne fut qu’une pauvre femme, ses belles qualités se démentirent et j’en souffre, sa volonté de vivre et son espoir de guérison lui firent manquer son trépas
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... c'est l'optimisme qui nous tue et l'optimisme est le péché par excellence.
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Le mot communication serait-il à la mode si la communion n'était problématique ? Albert Caraco .
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Les intellectuels se taisent? Les plus habiles ont fort bien compris ce que j'avance et les très rares lecteurs en état de lire entre les lignes discernent à leur tour ce que les intellectuels pénètrent. Le monde a besoin d'une Révélation nouvelle, on ne peut empêcher les esprits éclairés de le savoir et dussent-ils le sous-entendre, leur façon de se taire est un aveu, leur mariage en est le plus souvent un autre...
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Madame Mère connaissait les femmes, elle m'apprit leurs faiblesses et m'instruisit sur leurs menées, elle dissipa mes illusions et je l'en remercie encore, elle alla jusqu'à se diminuer afin de me désabuser, son procédé cruel m'a fortifié dans mon flegme. Elle me conseilla de ne pas chercher le bonheur et m'assura que tous les malheurs se dérivent de la quête, je pense qu'elle n'avait pas si tort, la moindre ivresse est un engagement et l'on est jamais puni de se refuser. Madame Mère, louée soit votre sagesse ! Vous m'avez refroidi, c'était le plus grand des services à me rendre.
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La perfection se ramasse en l'Archétype, c'est lui que nous aimons à travers la personne.
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Une semaine a donc passé depuis le décès de Madame Mère et ce fut la semaine la plus longue de ma vie, elle m'aura duré je n'entends plus combien de mois, je me retrouve non pas seul, mais véritablement multiplié, je me retrouve les mains pleines, une présence à mes côtés et dans mon être une lumière. La morte a répandu sur moi les dons que je n'osais attendre de personne, le vide qu'elle avait laissé s'emplit de grâces débordantes et de faveurs incessantes. Bonne Madame Mère, je vous remercie, vous m'avez révélé ce que je croyais impossible et votre mission se continue au travers de la mienne.
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