Alberto Savinio

Savinio prend sa plume et ses crayons, afin de nous livrer dix visions sarcastiques de célèbres procès. Replaçant, comme il en a l'habitude, les pendules à l'heure, Savinio jette un regard personnel et neuf sur les procès d'intention faits à Socrate, Jeanne d'Arc, Jésus-Christ, Galilée, Louis XVI, Landru, etc... On découvre que, finalement, l'injustice qui frappa ces individus n'était peut-être pas si injuste qu'on voulut nous le faire croire. Et la philosophie pragmatique et "naturelle" d'Alberto Savinio permet de faire jaillir le mysticisme de ses derniers retranchements, histoire de crever l'abcès de la Vérité Unique.

Roman hors cadre qui n'a rien à voir avec le traitement classique du thème d'épouvante suggéré par le titre, lu en toute connaissance de cause sachant à qui j'avais affaire. le narrateur, italien de passage à Paris, nous raconte son arrivée dans une pension et la rencontre d'une flopée de personnages dérisoires dans cette inquiétante demeure. Ce que j'ai aimé de ce livre est la prose très originale et euphorisante de l'auteur, la personnalité disons mystico-torturée du personnage plutôt mal à son aise dans la vie de tous les jours, et l'étrangeté générale des situations allant parfois jusqu'à la fantasmagorie. Semi-hilare dans un premier temps à lire les impressions de ce bougre dans son nouveau milieu, il y eut un changement d'atmosphère avec le très singulier épisode de l'expérience mystique de l'ado de la maison, puis l'arrivée de la guerre (1ère guerre mondiale). On devine que tout ceci est une espèce de caricature du séjour que l'auteur a fait en son temps à Paris.

D'entrée de jeu, dans ''Son nom'', on s'aperçoit de toute la force de l'auteur pour rendre une atmosphère. Le personnage se retrouve dans un lieu reculé ou règne l'indolence, l'abattement même. Il s'enfonce dans ce lieu, à la poursuite de son objectif qui se dessine petit à petit. Puis, à la suite d'une espèce de joute oratoire et psychologique, survient la petite bourde qui retourne la situation et donne à l'histoire l'allure d'une farce.



Suivent une collection d'histoires surréalistes avec un degré d'étrangeté variable. Une histoire telle que ''Maison « La vie »'' me laisse plutôt indifférent, mais ''Mon compagnon de voyage'' par exemple m'a enchanté d'un bout à l'autre. À propos de cette nouvelle, je me dois de signaler le passage du casse-croûte qui m'a laissé stupéfait. Digne de mention est également ''Le Petit Coin'', qui débute avec le mystère du lieu ou se trouve le personnage, se poursuit avec une expérience défiant les lois de la physique et se termine par l'avènement du règne végétal à la suprématie sur les autres règnes !



Le style d'Alberto Savinio, ironique et un peu pince-sans-rire, surprend par son originalité et révèle un intellect affranchi des lieux communs.



Liste des nouvelles :



''Son nom''

''Paradis terrestre''

''La pianesse''

''Descendre de la colline''

''Âme''

''Eonio''

''Maison de la sottise''

''Mon compagnon de voyage''

''Bago''

''Fauteuimaman''

''Toute la vie''

''Monsieur Munster''

''Concert privé''

''Enfants au gaz''

''Attila''

''Le coq''

''Tante Apollonie''

''Le Petit Coin''

''Maison « La vie »''

Petit roman à caractère autobiographique. En effet, ce sont les souvenirs de sa propre enfance qu'Alberto Savinio, artiste polyvalent (auteur, peintre, compositeur...), greffe à celle du petit Nivasio. Né de parents italiens en Grèce, c'est là que se déroule le roman, à Athènes principalement. Seule parution de cet auteur disponible à la bibliothèque du coin, c'est une première impression des plus réussies. J'ai été totalement charmé par la fraîcheur, l'humour et l'ironie savoureuse de cette plume. Tout simplement, j'ai passé un joyeux moment en compagnie de ce livre.



Deux autres textes suivent le plat principal : un espèce de compte rendu et réflexion sur les premiers Jeux olympiques de l'ère moderne (Athènes, 1896) auquels l'auteur a assisté étant enfant, et un petit épisode de la vie de Nivasio où il est perdu dans la nature en Thessalie. Dans ce dernier, il est question de monastère, de vivre sans femmes, de sorcières antiques... Mon souvenir est assez flou, mais j'avais apprécié à coup sûr ce texte singulier.

Avec ce petit livre intitulé "Capri", mi récit de voyage, mi fable, Alberto Savinio nous offre une surprenante promenade sur l'île de Capri, dans la baie de Naples.

J'ai eu un peu de mal à lire ce texte écrit en 1926 car on ne sait pas si c'est du lard ou du cochon. Il faut dire que l'auteur était un ami d'André Breton et faisait partie des surréalistes. Alors ceci explique peut-être cela. Il y a un côté expérimental avec une dose de réalisme dans la description des lieux.

Tel Ulysse sur un bateau corsaire, le narrateur raconte son débarquement sur l'île de Capri, l'un des pôles magnétiques de l'univers. Il s'interroge sur son sort mais on ne sait ni qui il est ni d'où il vient.

Pour lui, l'appel des sirènes serait celui des annonceurs, messagers des hôtels. Car déjà, à l'époque, Sabinio constate le dualisme entre les autochtones et ceux qu'il appelle les globe-trotters, attirés par le chant des sirènes.

Il fait donc une analyse critique mais toujours en rapport à la mythologie.

Bon, je n'ai pas bien compris ce qu'il cherchait ni qui était "l'homme à la main bandée" mais j'ai apprécié ses promenades à pieds, souvent périlleuses, qui lui permettent de décrire ce qu'il voit, le mont Solaro, point culminant de l'île, Anacapri et les collines de San Michele ou encore les Faraglioni et le phare de la Migliera.

Il en profite au passage pour traiter Anatole France d'écrivaillon des lettres françaises et évoque la musique maladive de Debussy. Il n'y a que la peinture qui semble l'intéresser car il fait plusieurs références aux tableaux de Böcklin et de Jan Styka mais je crois que Saviano est aussi peintre.

Au final, mon avis est mitigé mais ce livre peut peut être lu comme une curiosité.

19 nouvelles alliant ironie et surréalisme mais aussi marqué par la métaphysique . A noter qu’un certain nombre d’entre elles (8)se trouve dans le recueil « Casa la Vita » .

. Au hasard des bouquinistes , quelle heureuse découverte ! Ce recueil de nouvelles m’a enchanté :d’abord ,bien entendu, par la beauté de la langue (l’italien en général et celui de Savinio en particulier ) , ensuite par la grande originalité du monde diffracté à travers ces dix-neuf textes ; sans cesse oscillant entre onirisme et réalisme , les personnages , somnambules cultivés ,y évoluent à la recherche de réponses à leurs angoisses ,déambulant de rêves en cauchemars , titubant comme la narration elle-même en savoureuses digressions où un humour toujours présent vient éclairer de morbides perspectives.

Drôle et ironique, "La maison hantée" raconte, dans un climat de roman noir, l'arrivée du narrateur à Paris et son installation dans une étrange demeure dont les habitants, marqués par des tares secrètes, vivent des passions vénéneuses tandis que s'enflent les rumeurs de la guerre.

Une collection de textes originalement parus dans des revues et journaux, arrangés par l'auteur sous forme d'encyclopédie. Nous avons donc un ensemble d'essais, d'opinions, de souvenirs et d'anecdotes, un peu à la manière de Montaigne. Mais Alberto Savinio a un background bien différent : c'est un artiste italien, pionnier du surréalisme, et qui a vécu les deux guerres mondiales.



Le lien d'un texte avec le mot-titre de l'entrée est parfois très ténu ou détourné. Il a une façon unique de présenter les choses, et des points de vue surprenants. J'en ai croisé plusieurs que je partage, magistralement exposés, et quelques autres qui m'ont stupéfié. La personnalité est définitivement intéressante. Parmi les entrées les plus sidérantes, je compte ''Carrousel'', ''Europe'' et ''Rêves''.

Le sous-titre Gradus ad Parnassum évoque le célèbre recueil d'études pianistiques par Muzio Clementi, exercices musicaux encore bien connus aux pianistes d'aujourd'hui, et donc Achille Énamouré est un recueil de trente contes, trente exercices de style à la manière de Savinio, considéré par Breton comme l'un des pionniers du surréalisme. Puissance inventive sans arrêt, une course débridée entre les mythes antiques, l'autobiographie, la guerre, les voyages et bien d'autres choses savoureuses dans un mélange excessif et enivrant.

Même recette d'anecdotes, d'opinions, de souvenirs et d'érudition que dans ''Encyclopédie nouvelle'' du même auteur. Il y a quelques textes communs aux deux livres, mais sinon ils se complètent. Cette fois, le choix des textes est posthume, et la plupart sont antérieurs à ceux de l'''Encyclopédie nouvelle''. Peut-être est-ce la raison pour laquelle il m'a semblé y trouver un peu plus de fougue et de provocation. Toujours plaisant à lire, mais les heurts avec mes propres opinions ont été plus fréquents, notamment quand il égratigne des personnalités que j'apprécie, et il peut se montrer virulent. D'ailleurs, je crois qu'il aurait fait un excellent ''roaster'' dans ce genre de gala américain dit ''roast''.