Alex Sol

“ Un chuchotement s’éleva des pierres.
« Chut »“

“Le tiroir de la commode s’entrouvrit en grinçant et une main noire, calcinée et recouverte de cendres, chercha à s’en échapper.“

“ Des gravats avaient remplacé l’édifice tricentenaire, plantes et herbes recouvraient désormais les ruines. On pouvait parfois entrapercevoir un pied de meuble sortir de sous les décombres, des éclats de miroirs refléter la lumière ou bien des motifs d’un rideau se deviner sous les branches, mais une grande partie de ce qui avait fait la réputation du manoir avait été saccagée. Volée.

“ Nina était singulière, elle le savait et l’avait toujours su. Jeanne ressemblait à un tas d’autres filles de six ans. Enfin, presque, si on omettait le fait qu’elle voyait les morts. “

Les couloirs du couvent se vident le soir, pour autant, les cris, eux, ne cessent pas.
Si nous n'avons pas le droit de circuler une fois la nuit tombée, nous entendons les hurlements des filles en train d'accoucher. Les pleurs des bébés, eux, traversent moins les murs de pierre, et puis ils ne restent pas longtemps, les sœurs trouvent très vite des familles à qui les confier. Les listes d'attente sont longues, surtout depuis l'épidémie de morts infantiles que le couvent a connue il y a moins d'un an.
Cela fait quatre mois que je suis arrivée, quatre mois que mes parents m'ont laissée aux bons soins de la congrégation des sœurs Pascalines afin de cacher ma grossesse et d'enfanter à l'abri des regards.

Sur le verre transparent, à côté de la fissure causée par la branche, une trace se dessinait dans les gouttes de pluie. Une empreinte de main.

Celle que je pensais être la plus pauvre de nous deux était en réalité la plus riche. Eugénie possédait quelque-chose que je n'avais fait qu'effleurer. Quelqu'un qui l'aimait plus que tout.

Les soeurs, dans un acte de charité hypocrite, nous ont placées côte à côte. Ce que nous avons vécu cette nuit toutes les deux nous a liées à jamais. Il nous a abandonnées, Il nous a méprisées. Son ancien rival, Lucifer, lui, ne semble pas nous avoir oubliées.

Je réalise qu'elle n'en savait rien. L'enfant a été jeté dans cette bassine et personne n'a cherché à vérifier s'il était mort. Elle ne l'a pas baptisé... Si elle l'avait fait, elle aurait vu qu'il était encore en vie.
Elle pourrait devenir mon amie. Une vraie amie. La première.. Un cri inhumain s'élève à côté de moi. Trop tard... Non...

Il m'est déjà arrivé de les observer alors que je pouvais encore me hisser sur la pointe des pieds pour regarder par la fenêtre - aujourd'hui, j'en suis bien incapable - et je me rappelle leurs silhouettes sombres avancer au ralenti dans les jardins derrière la pauvre malheureuse gémissante sur le point de donner naissance à l'enfant qu'elle ne sera pas autorisée à garder. Terrifiant.

Quand des filles comme toi arrivent, les sœurs donnent des infusions spéciales à celles qui sont sur le point d'accoucher. Comme ça, au lieu d'avoir un seul bébé à présenter aux futurs parents, elles en ont plus.

Froid.
Froid.
Froid.
La surface sur laquelle il était appuyé était glacée contre sa joue ; ses articulations tiraient et ses muscles étaient endoloris comme après une longue session de course. Son visage lui faisait mal, le froid traversait sa peau jusqu’à ses os. Un goût métallique lui encombrait la langue.
Assane grimaça, plissa les yeux plusieurs fois sans pour autant les ouvrir. Il n’arrivait pas à bouger, il n’en avait plus la force, et puis… quelque chose l’entravait.
Une odeur acide de détergent lui brulait les narines.
Était-il en train de rêver ? De se réveiller ?
Il tenta d’ouvrir les yeux, mais quelque chose était appuyé contre son visage. Autour de sa tête, à vrai dire. Quelqu’un lui avait bandé les yeux.
Son cœur s’emballa.
Il ne dormait pas.
La panique s’insinuait dans ses veines, ses artères, ses poumons. Elle prenait possession de son corps entier.

Il retraça leur enfance dans les grandes lignes et le début de leur adolescence. Leur bande d’amis, rencontrée en colonie de vacances, qui s’était dissoute avec le temps et l’éloignement, la première fois qu’il avait rencontré Marc et la peur qu’il avait éprouvée en voyant cet homme qui aurait pu être le grand-père de son amie lui demander quelle était sa moyenne en classe. Il avoua, plus bas, le moment où il avait compris que Sabrina était plus que sa meilleure amie, que ce qu’il ressentait pour elle dépassait le simple divertissement.

Personne ne peut comprendre. Nous ne pouvons appréhender que notre propre histoire… et même ça… je ne suis pas sûre, en définitive, que nous le puissions réellement.

Est-ce que vous avez déjà vécu sans plaisir, sans aucune ambition si ce n’est celle de survivre, de vous réveiller un jour de plus, jusqu’à ce que tout à coup, vous ayez la chance d’éprouver quelque chose qui vous transcende, de plus fort que tout ce que vous avez pu imaginer ? Quelque chose de tellement puissant que vous avez la sensation de naître pour la première fois ?Silence. Personne n’osa intervenir.

Elle était intelligente, forte, ambitieuse, élégante… un parfait exemple pour Sabrina. Mais elle avait été claire depuis le début, elle ne souhaitait pas s’engager dans ce type de relation, c’est ce qu’elle disait. J’ai toujours craint que le manque d’une mère soit trop fort pour Sabrina et…

J’ai toujours voulu un enfant, mais… un homme gay, seul, c’était impossible. J’avais cette amie, qui avait besoin d’argent et qui n’était pas intéressé par la maternité. J’ai fait une reconnaissance de paternité à la naissance de Sabrina et sa mère a pris la somme dont nous avions convenu et est partie. Sabrina l’a rencontrée plusieurs fois, c’est une femme bien.

Aucun d’entre eux ne voulait se retrouver dans le noir. L’obscurité représentait un danger trop grand. Même le faible éclairage vert les apaisait. Ils pouvaient se voir, se deviner de loin, aller au seau si jamais ils en ressentaient le besoin… Sans ça… Dans le noir complet… N’importe quoi pouvait arriver.

Elle le savait bien, les examens étaient formels… mais avec le montage vidéo, cela laissait sous-entendre qu’elle pourrait accuser un homme d’une chose pour laquelle elle savait qu’elle aurait pu être consentante. La presse s’en est emparée. L’avocat de la défense a alors argumenté en exposant une situation fausse : et si Coline Gauthier avait été droguée par quelqu’un d’autre ? Cela ferait-il de… de la punaise, le véritable coupable ? Pouvait-il en avoir connaissance ou non ? Des questions auxquelles personne ne pouvait répondre…

JE n’ai violé personne. JE n’ai tué personne. J’ai juste mis en évidence que le dossier était bidon, qu’il n’y avait rien et qu’on nous faisait perdre notre temps. Et puis, l’interview de Coline Gauthier est venue foutre le bazar ! Qu’est-ce que j’étais censé faire ?

Les autres étaient… C’étaient des putains de chiffes molles, voilà. Insupportables, à se plaindre en boucle. Je leur ai dit qu’on n’allait pas mettre un innocent en prison.

On nous a demandé de juger d’une situation terrible seulement fondée sur des présomptions, sans aveux, avec une victime qui avait choisi de ne pas venir aux assises à la dernière minute.