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Citations de Alfred Kubin (22)


Alfred Kubin
On peut penser ce qu'on veut de l'art nouveau, il est une chose qu'on ne peut pas nier, c'est qu'il a fondamentalement enrichi le goût. Nous percevons désormais le charme discret des esprits tourmentés, nous essayons de comprendre les curieux dessins et peintures des enfants, nous cherchons à apprécier la profonde émotion que produisent en nous les fétiches des peuples océaniques ou sud-américains, nous examinons les productions graphiques des hypnotisés ou des médiums et nous prêtons même attention, dans les asiles, à l'énigmatique et brûlante pulsion artistique de nombre d'aliénés.

Le Travail du dessinateur
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Le vieux colonel se serait réjoui s'il avait pu voir le joli succès de son attaque ; car un grand nombre d'insurgés y avaient trouvé la mort, écrasés et piétinés par les chevaux. Mais un poing dans un gant blanc à crispin fut tout ce que l'on put retrouver de lui ; le reste avait complètement disparu dans le chaos de membres, de cuirasses, d'os rompus, de casques, de selles et de harnachements.
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Les deux joueurs d'échecs avaient aussi beaucoup souffert. Tout mouvement semblait à ces vieux messieurs, complètement asservis à leur passion, si compliqué, qu'il leur fallait finalement, pour pouvoir remuer un membre, faire des calculs pendant des heures. Il est évident qu'avec toute la vermine dont on était infesté, cette lenteur les mettait dans une situation critique. Aussi bien une jeune dame qui, voyant leur peine, s'occupa de leur thé, s'acquit-elle tous les suffrages. Sans façon, elle alla vers eux et courageusement elle enleva les fourmis et les punaises de leurs vêtements. Aucun de nous ne voulut être en reste. Jusqu'alors nous avions ri du jeu grotesque de leurs visages crispés. Mais désormais les clients prirent l'habitude, chaque fois qu'ils allaient et venaient, de gratter un peu les deux messieurs.
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Ne sommes-nous donc, me demandai-je, rien de plus que cette carcasse d'os enveloppée d'écheveaux de chair ? Que ce panier, ce sac rempli d'organes palpitant, pompant et suçant, comme une nichée d'animaux marins, tout nus, enchevêtrés les uns dans les autres ? Tout serait-il cela ?

"Quelques souvenirs de ma vie"
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Il est rare qu'un artiste soit vraiment un mauvais type. Une petite bassesse par-ci par-là, mais il en reste là. Nos sensations n'accordent pas de temps à des filouteries ourdies sur une trop grande échelle. Dans nos travaux nous mettons notre âme à nu, de sorte que tout le monde peut voir quelle espèce de canaille un artiste aurait pu devenir dans certaines circonstances. L'art est une soupape de sûreté.
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On n’aimait pas particulièrement les enfants. Leur mérite ne compensait en aucun cas les désagréments dont ils étaient la cause. Suivant l’opinion couramment répandue ils n’étaient, et souvent jusqu’à un âge avancé, qu’une source de dépenses dont ils n’acceptaient que rarement, et à contrecœur, de rembourser ne fût-ce qu’une petite partie ; ils n’avaient presque jamais aucune reconnaissance envers leurs parents de leur avoir donné le jour, inclinant au contraire à penser que ce don était une obligation. Les mots bonheur et souci prenaient le même sens quand il s’agissait d’eux. Qu’ils fussent naïfs et drôles, mon Dieu, on ne s’en apercevait guère aux échantillons que l’on trouvait.
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Conséquence des débauches et des orgies, les nerfs des habitants du Pays du Rêve avaient atteint un état de délabrement effroyable. Les maladies mentales, les affections nerveuses les plus courantes : danse de St-Guy, épilepsie et hystérie, se manifestaient sous la forme de phénomènes collectifs. Presque chaque habitant avait un tic nerveux, ou souffrait d'une obsession. L'agoraphobie, les hallucinations, la mélancolie, les spasmes tétaniques se multipliaient d'une façon si préoccupante qu'ils suscitaient des craintes, mais on continuait à vivre dans un vertige de folie, et plus les suicides affreux s'accumulaient, plus les survivants se livraient aux orgies.
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Mes regards percèrent la terre ; un polype aux mille bras habitait toutes ces galeries ; élastiques comme du caoutchouc, ses tentacules s’étendaient sous les vieilles maisons, se coulaient dans toutes les demeures, se collaient par succion sous les lits comme des sangsues, harcelaient les dormeurs de leurs poils follets et de leur peau verruqueuse, s'étiraient sur des lieux, se roulaient en pelotes qui tantôt devenaient noires, tantôt réfléchissaient des irisations de couleur olive ou d'une pâleur de chair.
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Des créatures pourries de vermine, des êtres au nez rongé, aux yeux purulents, atteints d'ulcères gros comme le poing, ou recouverts de croûtes galeuses, se jetèrent sur la malheureuse enchaînée, que ce viol rendit folle et qui succomba. Les autres nonnes se soumirent avec résignation à l'inexorable destin. Seule la mère supérieure âgée de quatre-vingts ans fut épargnée - certainement grâce à ses ardentes prières.
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J'avais une idée très précise de l'endroit où je devais placer mes lignes, exactement derrière le grand râteau à repêcher les noyés. Au moment où j'allais jeter mes lignes, j'entendis tout bas et très discrètement une voix tout près : "Pst ! Pst ! Attention s'il vous plaît ! Allez plus à gauche". J'aperçus alors avec terreur un gros visage rond, dans le sable, à mes pieds. Je redoutais déjà une nouvelle apparition diabolique, mais tout s'expliqua bientôt d'une façon très naturelle : un policier s'était terré là pour épier le meunier. J'étais soulagé.
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Si l'on commande une paire de bottes à un cordonnier et qu'il en réclame le prix sans les avoir livrées, on lui rira au nez. Mais un médecin, il faut le payer même s'il n'a été d'aucun secours, et même aussi si son intervention n'a été que nuisible.
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Tantôt on avait cent florins en poche, tantôt on se retrouvait sans rien. Finalement, même sans argent, tout allait bien. Il fallait simplement procéder comme si l’on donnait quelque chose. Occasionnellement on pouvait même se risquer à se faire rendre la monnaie sur rien. Cela revenait toujours au même. Là, toutes les illusions étaient naturellement des réalités. Ce qui était seulement merveilleux, c’était la façon dont de telles idées prenaient naissance en même temps dans de nombreux esprits. Tout le monde était victime de ses propres suggestions.
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Lampenbogen fut embroché sur un tuyau à gaz. Cette opération demanda aux malades affaiblis de longs et pénibles efforts. L'infirmier y mit le feu pour effacer les traces du crime. Lampenbogen acheva ainsi sa vie sous la forme d'un rôti à la broche, et à vrai dire d'un mauvais rôti ; presque tout le dessus n'était pas cuit, à peine rissolé ; le ventre, au contraire, était complètement carbonisé. Seuls les flancs étaient à point.
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[...] ... Autour de la table, on racontait des histoires inquiétantes. Quand vint le tour du baron, il s'enfonça dans son fauteuil pour échapper à la lumière de la lampe et commença :

- "Quand un exilé de la révolution réveille dans mon coeur les souvenirs de mon vieux pays de Livonie, il ne se passe presque jamais un jour sans qu'une chose que j'ai vécue autrefois ne me revienne en mémoire. C'est ainsi que ce matin j'ai pensé à un événement singulier de ma jeunesse qui convient tout à fait à l'humeur actuelle de notre assemblée.

Je passais régulièrement mes vacances d'automne dans notre vieux château de M ... Je devais à cette époque avoir environ dix-sept ans, il était 10 heures et demie du soir et tout autour la tempête faisait rage sur les terres - nous avons là-haut des tempêtes automnales d'une force qu'on ne connaît pas en Allemagne du Sud. Je devais encore revoir avec notre précepteur français ma dernière leçon en date. Aujourd'hui encore, je revois comment le précepteur, Monsieur Dumont, un homme plus très jeune et assez nerveux, sursautait de frayeur à chaque rafale de vent qui frappait les fenêtres de la chambre circulaire de la tour. Cela m'amusait et je regrettais que mon jeune frère, espiègle lui aussi, soit déjà couché. Tout d'un coup la tempête fit s'ouvrir la fenêtre qui était près de nous avec une violence inattendue. Un courant d'air glacé projeta une branche de bouleau et des feuilles de chêne jaunies sur la table ... [...]
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[...] ... Il y a trente ans, une triste affaire eut lieu dans une toute petite ville non loin de chez moi. Le vétérinaire du canton, un Tchèque de grande taille, étonnamment fort, avait plu à la fille du plus gros propriétaire terrien de la région et, devenue sa femme, la jeune fille fragile et menue était venue vivre chez lui. Quand ils étaient ensemble, les gens s'étonnaient du contraste qu'ils offraient. Mais apparemment tout allait bien entre eux. Comme j'ai pu l'observer à travers la grille du jardin, moi qui n'étais pas indifférent au charme de la femme du vétérinaire, le bonheur régnait dans le jeune ménage et le géant était vraiment aux petits soins pour cette beauté. Pour être sincère, j'étais très amoureux de Laura, de ses cheveux châtains, de ses yeux d'un bleu profond, de son regard craintif et préoccupé. Maintenant que je vais bientôt avoir cinquante ans, je peux admettre plus facilement ce que le jeune homme de dix-huit ans n'avait fait que ressentir autrefois : cet amour était absolument à sens unique et la situation aussi désespérée qu'il est possible. ... [...]
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Parmi mes amis de jeunesse se trouvait un homme curieux dont l’histoire mérite d’être ravie à l’oubli. J’ai fait tout mon possible pour décrire fidèlement, comme il sied à un témoin oculaire, une partie au moins des événements étranges qui s’attachent au nom de Claus Patera.
Ce faisant, il m’advint une chose singulière : alors que je consignais consciencieusement mes souvenirs, il s’est glissé dans mon récit, sans qu’il y paraisse, la description de quelques scènes auxquelles il est impossible que j’aie assisté, et dont personne n’a pu m’instruire. On va apprendre quels étranges phénomènes d’imagination le voisinage de Patera provoqua dans une collectivité tout entière. C’est à cette influence que je dois attribuer ma mystérieuse double vue. Que celui qui cherche une explication s’en tienne aux ouvrages de nos ingénieux psychologues.
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“Par le biais de cette autobiographie, et à vrai dire grâce à elle, je crois avoir répondu, dans la mesure du possible, à une question que l’on m’a souvent posée : ‘Comment en étais-je arrivé à faire de pareilles choses ?’ Je crois surtout avoir montré suffisamment clairement qu’au fond, c’était une seule et même force qui m’avait poussé, dans mon enfance, vers le rêve et plus tard dans les frasques stupides, puis dans la maladie et finalement vers l’art.”
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Bras et jambes disloqués, doigts distendus, poings serrés, ventres gonflés d'animaux, crânes de chevaux, langue bleue et boursouflée pendant entre des dents jaunes, cette phalange apocalyptique poussait irrésistiblement sa marche en avant. Une lumière crue et vacillante rehaussait cette apothéose, oeuvre de Patera.
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Le crâne squelettique projeté en avant, les oreilles rabattues en arrière, l'animal fila devant moi à fond de train. Son oeil trouble et éteint se fixa sur moi - il était aveugle. Je l'entendis grincer des dents et tandis que, frissonnant d'horreur, je le suivais du regard, je vis briller sa croupe écorchée et sanglante.
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Comment j'illustre

Avec les auteurs vivants je n'ai eu en fait que des expériences agréables, tous ont été finalement contents. Mais ce n'est pas tout. Beaucoup de poètes connus et plus encore m'ont envoyé leurs manuscrits avec l'idée indulgente, trop optimiste, que ma collaboration suffirait à inciter les éditeurs à se les arracher. Un seul auteur - Paul Scheerbart - n'a pas été d'accord avec ma vision artistique de son inspiration. J'étais en train de faire des dessins pour son roman astral Lesabéndo (une histoire très belle mais que j'ai trouvé si désincarnée en l'illustrant qu'elle ne me semble fondamentalement pas faite pour être illustrée) lorsque je lui ai demandé à quoi ressemblaient Pallas et Quikko, les habitants des étoiles. Il m'a répondu: "Faites-les exactement comme des tritons, avec de tout petits yeux et un pied de limace". (Comme si les tritons avaient cette allure!) Quand je lui ai envoyé les dessins, il fut amèrement déçu, profondément triste, bouleversé et, à l'instant même, ses vieilles douleurs au genou et au gros orteil le reprirent. J'ai modifiée quelques petites choses et Scheerbart s'est calmé.
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