Gustav Meyrink : Le Golem (France Culture / Samedi noir). Diffusion sur France Culture le 29 octobre 2016. Dans le ghetto de Prague, le parcours dun homme amnésique se mêle aux apparitions du Golem qui sème la terreur tous les 33 ans. Traduction et adaptation : Davis Zane Mairowitz. Réalisation : Michel Sidoroff. Conseillère littéraire : Caroline Ouazana. Le Golem (en allemand Der Golem) est le premier et le plus célèbre roman de l'écrivain autrichien Gustav Meyrink, publié en 1915. Il s'agit d'un roman fantastique fortement marqué par l'influence de la Kabbale, dont l'intrigue se déroule dans le quartier juif de Prague. Le roman suit les traces d'Athanasius Pernath, un tailleur de pierres précieuses vivant dans le ghetto de Prague, qui a perdu tout souvenir de son passé. Sa vie paisible et discrète est perturbée le jour où une femme, Angelina, qu'il aurait connue quand il était enfant, l'implore de l'aider. Ainsi se trouve-t-il plongé dans une intrigue complexe au cours de laquelle il va rencontrer des personnages hauts en couleurs dont les motivations et les intentions sont aussi obscures qu'inquiétantes. Au début du récit, Pernath reçoit la visite d'un inconnu qui lui apporte un livre à restaurer, le livre Ibbour. Il s'agit pour Pernath du début d'une aventure initiatique, parallèle à l'intrigue principale, au cours de laquelle, guidé par l'archiviste Hillel versé dans la Kabbale, et sa fille Mirjam, il va retrouver ses souvenirs enfouis depuis des années, découvrant alors des pans ignorés de sa personnalité.
Avec :
Olivier Peigné : Pernath
Sandrine Le Berre : Mirjam
Audrey Meulle : Angélina
Mouss Zouheyri : Laponder
Thibault Vinçon : Charousek
Jean-Gabriel Nordmann : Hillel
François Siener : Wassertrum
Jean OCottrell : Zwakh
Daniel Krellenstein : Prokop
Nina Paloma Polly : Rosina la Rouge
Pierre Puy : le juge d'instruction
Franck Kronovsek : le fonctionnaire
Slimane Yefsah : le cocher
Gérard Boucaron : le passeur
Cécile Arnaud : la domestique
Et les voix de :
Zelda Perez, Gwenaëlle Simon, Élodie Vincent, Christophe Chêne et Antoine Sastre
Bruitage : Patrick Martinache. Prise de son et mixage : Bernard Lagnel. Assistance technique et montage : Manon Houssin. Assistante à la réalisation : Laure-Hélène Planchet
Sources : France Culture et Wikipedia
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Et de même que ce Golem s'est figé en une figure de glaise à la seconde même où la syllabe secrète de la vie fut ôtée de sa bouche, je me dis que tous ces êtres humains devraient eux aussi s'effondrer soudain en un instant, dépourvus de toute âme, si l'on effaçait de leur cervelle une quelconque notion minuscule, un petit effort accessoire, une habitude sans finalité chez l'un, ou chez l'autre la vague et obscure attente de quelque chose d'imprécis et d'inconsistant.
C'est à la sentimentalité qu'on reconnaît la canaille. Mille pauvres diables peuvent crever de faim, personne ne pleure, mais quand une vieille rosse peinturlurée, déguisée en cul-terreux tourne de l'œil sur la scène, alors ils hurlent comme les chiens du château.

Un jour, alors que je n'avais pas perçu le moindre souffle de vent, parce que j'étais à couvert d'une maison, j'ai vu tout à coup de grands lambeaux de papiers déchirés, sur une place complètement déserte, qui se mettait à danser une ronde démente en se poursuivant comme des damnés. L'instant d'après ils avaient l'air calmés. Et brusquement, voilà que le délire recommence et qu'ils se recourent après avec une fureur insensée, se coincent tous dans un renfoncement, puis repartent comme des hallucinés et s'expédient dans tous les sens avant de disparaître pour finir derrière un coin de rue.
Il n'y avait qu'un gros journal à ne pas pouvoir les suivre ; il restait là plaqué sur le pavé, s'entrouvrait et se refermait d'un coup comme une bête essoufflée qui happe de l'air.
Ce jour-là, un obscur soupçon m'a envahi : je me suis demandé si en fin de compte nous autres, les êtres vivants, nous n'étions pas aussi des bouts de papier dans ce genre-là. Est-ce que finalement ce n'est pas un vent invisible, incompréhensible qui nous pousse de-ci de-là et commande nos actes, pauvres sots que nous sommes, qui croyons n'obéir qu'à notre libre vouloir ?
Comment a-t'il pu savoir à quoi je pensais ?
Parfois, on attise avec tant de force ses pensées qu'elles peuvent jaillir et retomber sur le cerveau d'une personne proche, comme des étincelles.
Aider quelqu'un n'est pas une chose aussi facile que vous le pensez, mon cher ami ! Si c'était le cas, il serait très simple, très simple de sauver le monde... vous ne croyez pas ?
Je m'approchai de la fenêtre ; tel un cimetière fantomatique tremblant dans l'air, les rangées de pignons chantournés faisaient penser à des pierres tombales aux inscriptions effacées par les intempéries, dressées sur les nombreux caveaux, "les lieux d'habitation", dans lesquels le tourbillon des vivants s'était creusé trous et passages.
Et je rêvais les yeux ouverts. Les pierres précieuses sur la table grossissaient, grossissaient et faisaient ruisseler tout autour de moi des cascades multicolores. Des arbres d'opale groupés en bosquets réfléchissaient les ondes lumineuses du ciel, leurs bleus scintillaient comme les ailes d'un gigantesque papillon tropical, gerbes d'étincelles au-dessus des prairies pleines des chaudes senteurs de l'été. J'avais soif et je rafraîchissais mes membres dans le bouillonnement glacé des ruisseaux qui bruissaient sur les blocs de rochers en nacre. Un souffle torride passé sur les pentes recouvertes de fleurs m'enivrait du parfum des jasmins, des jacinthes, des narcisses, des daphnés...
L'artiste est un être dans le cerveau duquel l'élément spirituel, l'élément magique, l'emporte sur le matériel.
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Mais celui en qui est entrée une fois la joie gratuite, la joie sans cause, celui-là a désormais la vie éternelle parce qu'il ne fait plus qu'un avec le Moi, qui ne connaît point la mort, celui-là est dans la joie sans cesse, quand bien même il serait aveugle et infirme de naissance. Mais la joie, il faut l'apprendre, il faut la désirer - seulement, ce que les hommes désirent, ce n'est pas la joie, mais... le motif de la joie.
C'est cela qu'ils convoitent, mais pas la joie.
« Et pourquoi je devrais m'échapper de la prison ? objectai-je timidement. Je suis innocent, non ... ? »
« C'est pas une raison pour pas s'échapper », répartit le beau Wenzel en faisant les yeux ronds, tant ma réponse l'étonnait.