Citations de Angélina Delcroix (216)
— Il s’agit d’un des plus importants réseaux pédophiles démantelés à ce jour, ponctue-t-il en se retournant et en lui tendant le café sur le bar. Ça fait d’autant plus de bruit que les personnes impliquées sont haut placées.
— Mais ça fait deux ans que nos oreilles, que nos esprits sont saturés par leurs noms ! Les médias font d’eux des héros, même si c’est au sens négatif du terme. On vit dans un monde fasciné par le crime. Il y a des conséquences à la médiatisation criminelle, tu le sais très bien.
— Hé !
— Arrête !
Deux cris surprennent celui de la chambre 12 alors qu’il finit de dénouer les cordes. Il râle et choisit de prendre la fuite, laissant le corps de la Prostituée de la mort s’écrouler vulgairement sur le sol. L’homme tapi non loin derrière son talus ressent un pincement désagréable. Que viennent faire ces deux trouble-fête ? Le cadavre est à lui. Hors de question de le leur laisser. Un des deux nouveaux se précipite à la poursuite de celui de la chambre 12. Le mâle a laissé la femelle seule, se réjouit le voyeur. Quelle erreur. La femme se penche sur le corps et constate le résultat macabre.
— Elle est bien morte ?
Les mots parviennent à peine à l’esprit de la sauveuse qu’une pierre lui fend la conscience en mille morceaux.
Elle sent les mains se poser autour de son cou. Les rires ne passent bientôt plus la limite de la trachée et le résultat sonore ressemble à une tête de lecture écrasée sur un vinyle. Elle plonge son regard défiant dans les yeux de celui qui a le pouvoir ce soir. Elle sait qu’il va y chercher une lueur de panique, de supplication, de terreur. Elle ne lui offrira pas plus que les cris. Elle le nargue jusqu’au dernier souffle pour le priver de sa jouissance sadique. Il regarde la vie abandonner cette folle. Elle a gagné. Il ressent une énorme frustration.
— Tu n’as même pas les couilles de m’affronter ! crache-t-elle en même temps qu’un spray rougeâtre alors qu’elle recouvre ses esprits. Un porc serait mieux monté que toi.
— Ah ouais ! grogne celui de la chambre 12. Tu veux vraiment que je te remontre ?
Un éclat de rire vient soudainement le tacler. La femme augmente le volume et ne s’arrête plus. Peut-être pour évacuer. Peut-être pour en finir au plus vite. Peut-être par simple folie.
Elle sent les mains se poser autour de son cou.
La pleine lune offre un plan satisfaisant. Caché derrière un fourré, il observe la scène. Raide et immobile, la chemise bleue fermée jusqu’à la glotte, les cheveux plaqués de chaque côté de la raie latérale, il attend. La mise à mort ne lui provoque aucune émotion. Pas de dégoût, pas d’excitation non plus. Électroencéphalogramme plat. Il attend son tour. Son truc à lui, c’est la mort quand elle est déjà là. Ni avant, ni pendant… après.
Il sait que celui de la chambre 12 en a bientôt fini avec elle. Cet imbécile ne varie jamais son mode opératoire.
Elle lui crache au visage alors qu’il remonte son pantalon et n’a pas le temps de voir arriver l’effet boomerang. Il lui décoche un coup de poing qui envoie son crâne percuter le tronc robuste lui servant de tuteur. Son nez fait un bruit sec, son esprit vacille. Sa tête retombe lourdement vers l’avant et danse dans le vide en laissant couler un filet rouge.
La « Prostituée de la mort » a été son surnom, jusqu’à son arrivée ici. Ironie de l’histoire, aujourd’hui, cette chose qu’on appelle un homme est en train de lui faire subir le sort minable d’une lente agonie dégradante.
D’ici, personne ne peut l’entendre crier. Ça tombe bien, elle n’en a pas l’intention. Il vient déjà de lui voler le plaisir sexuel à trois reprises, elle ne lui offrira pas la satisfaction de sa douleur ou de sa peur en hurlant comme une midinette. Heureusement pour lui, elle ne peut pas rompre les cordes qui la maintiennent bien droite contre l’arbre. Il goûterait alors à sa haine, il couinerait comme un marcassin.
L’île dont nous parlons est une île abandonnée qui a autrefois accueilli un grand centre psychiatrique, mais des événements ont fait fuir les habitants.
– Vous voulez dire que cet hôpital psychiatrique est devenu une prison ? cherche à comprendre Joy.
– Pas exactement, rétorque toujours le même homme. C'est de l'île dont nous avons fait une prison.
– Comment les détenus sont-ils surveillés dans une telle configuration ? s'interroge Hoche.
– Ils ne le sont pas.
_Et alors? s'agace le jeune femme.
_Et alors? Nous venons d'apprendre que tout ce qui s'est passé dans ce manoir est écrit dans ce roman.
_Non mais tu comprends pas! s'échauffe Mallory. On te dit qu'on n'y est pour rien dans ta venue ici. On est comme toi. On fait partie des six candidats.
Aucune notification. Qu'est-ce qu'elle est censée faire? En quoi consiste réellement le jeu? Elle réalise qu'elle s'est jetée dans la gueule du loup sans connaître ni la gueule ni le loup.
… mais aucune corrélation ne s’établit dans l’esprit de la jeune femme.
Le chaos a mis terme à toute active cérébrale.
Le cadavre est à lui. Hors de question de le leur laisser. Un des deux nouveaux se précipite à la poursuite de celui de la chambre 12. Le mâle a laissé la femelle seule, se réjouit le voyeur. Quelle erreur. La femme se penche sur le corps et constate le résultat macabre.
- Elle est bien morte ?
Les mots parviennent à peine à l’esprit de la sauveuse qu’une pierre lui fend la conscience en mille morceaux.
Quand Rod revient, dix minutes plus tard, bredouille, il tourne sur lui-même, il n’est pas sûr d’inspecter le bon endroit. Pourtant, les cordes sont là, serpentant sur l’humus frais.
Il hèle le prénom de sa coéquipière, provoquant un envol funeste, avant de se retrouver face au silence.
Il était parti à la recherche d’une femme, il vient d’en perdre deux.
Elle patauge dans un monde qu'elle connaît et qui lui fait horreur. Celui qui enferme l'esprit dans des songes qui ont revêtu l'aspect de la réalité. Celui qui nous convainc que nous sommes éveillés, mais que rien ne se passe comme il le faudrait. Celui qui nous fait tendre le bras vers la lumière sans jamais qu'elle ne s'allume. Celui qui nous met face à nos peurs sans jamais laisser les cris sortir de nos bouches. Celui qui nous laisse l'espoir au bout d'un moment d'en être sortis, mais qui nous fait comprendre à la dernière seconde qu'il nous tient encore et que ce n'était qu'un faux réveil. Que ce n'était qu'un tiroir dans un autre tiroir.
Un acte criminel fait-il de son auteur un criminel à perpétuité ?
Il n'aurait jamais pensé se retrouver orphelin à vingt-quatre ans. Comme beaucoup, il avait ancré dans son inconscient, dès l'enfance, la croyance que sa mère était immortelle. Quelque chose nous rappelle parfois de façon fugace qu'un jour nos parents partiront, mais il est impossible ne serait-ce que d'imaginer cela sans risquer de ressentir une fissure irréversible. Alors, on avance avec la conviction qu'ils seront toujours là.
Psychocriminologue… Être capable d'anticiper les actes en s'appuyant sur le profil psychologique. Savoir que l'homme qui se tient à un mètre d'elle a ancré profondément dans ses croyances que le sexe n’est légitime qu'après la mort, qui viole donc des cadavres, qui en dévore certaines parties pour les posséder complètement… Et qu'il se tient justement face à un corps sans vie.
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Elle se dit que l'état de nature ne peut finalement être que violent, et l'homme, un loup pour l'homme, parce que tiraillé entre son désir de domination et la crainte de la mort. Même si l'île ne représente pas l'état de nature à proprement parler puisque ses habitants ont auparavant été corrompus par la société, Joy ne peut que constater une violence omniprésente et une domination des plus forts. Des notions transposables à n'importe quelle structure sociétale, mais à des degrés différents. L'évidence qu'un individu a le droit de défendre sa vie et que ce droit naturel est inaliénable et irréductible à tout système législatif est exacerbé sur cette île. Joy n'a jamais subi tant de menaces et d'agressions physiques de toute sa vie, et ce en l'espace de quelques heures. Etonnamment, la peur semble s'effacer à mesure que la brutalité qu'on lui impose grandit. Elle comprend que, sur cette île, seules deux émotions ont droit d'exister, la peur et la haine. Elle a inconsciemment choisi son camp pour assurer sa candidature à la survie.
La liberté n’est qu’un mot ; l’évasion, une chimère. On est son propre geôlier tant qu’on a un cœur. – Claire France, Autour de toi, Tristan