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Citations de Anne Berest (592)


Mais Ephraïm, l’ingénieur, le progressiste, le cosmopolite, a oublié que celui qui vient d’ailleurs restera pour toujours celui qui vient d’ailleurs. La terrible erreur que commet Ephraïm, c’est de croire qu’il peut installer son bonheur quelque part. L’année suivante, en 1924, un baril de caviar avarié plonge la petite entreprise dans la banqueroute. Malchance ou manœuvre de jaloux ? Ces migrants arrivés en charrette sont devenus trop vite des notables. Les Rabinovitch deviennent persona non grata dans le Riga des goys. Les voisins de la cour Binderling demandent à Emma de cesser d’importuner le quartier avec le va-et-vient de ses élèves. Elle apprend par ses relations de la synagogue que des Lettons ont pris son mari pour cible et qu’ils l’importuneront jusqu’à ce qu’il n’ait plus d’autre choix que de partir.
(page 35)
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Ma grand-mère, seule survivante après la guerre, n’est plus jamais entrée dans une synagogue. Dieu était mort dans les camps de la mort.
(page 239)
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Le véritable ami n’est pas celui qui sèche tes larmes. C’est celui qui n’en fait pas couler.
(page 349)
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Après la guerre, on va découvrir un syndrome de dépression qui va toucher certains résistants. Parce que jamais, ils ne s’étaient sentis aussi vivants que frôlant la mort à chaque instant.
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Les déportés se tiennent debout à l’intérieur, collés les uns contre les autres, ils regardent par la fenêtre défiler les rues de la capitale. Certains découvrent Paris pour la première fois.
Sur leur passage, ils voient les yeux des Parisiens se figer, les passants et les automobilistes quitter leurs préoccupations pendant quelques secondes, pour se demander d’où viennent ces êtres aux crânes rasés en pyjamas rayés qui font irruption dans la ville. Comme des entités venant d’un autre monde.
(page 444)
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Alors voilà, cela m’arrangerait de ne pas penser à Auschwitz, tous les jours. Cela m’arrangerait que les choses soient autrement. Cela m’arrangerait de ne pas avoir peur de l’administration, peur du gaz, peur de perdre mes papiers, peur des endroits clos, peur de la morsure des chiens, peur de passer des frontières, peur de prendre des avions, peur des foules et de l’exaltation, de la virilité, peur des hommes quand ils sont en bande, peur qu’on me prenne mes enfants, peur des gens qui obéissent, peur de l’uniforme, peur d’arriver en retard, peur de me faire attraper par la police, peur quand je dois refaire mes papiers… peur de dire que je suis juive. Et cela, tout le temps. Pas « quand ça m’arrange ».
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- Maman… il y a bien un moment où on ne pourra plus dire « on ne savait pas »…
- L’indifférence concerne tout le monde. Envers qui, aujourd’hui, es-tu indifférente ? Pose-toi la question. Quelles victimes, qui vivent sous des tentes, sous des ponts d’autoroute, ou parquées loin des villes, sont tes invisibles ? Le régime de Vichy cherche à extraire les Juifs de la société française et y parvient…
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Ce jour-là, le 2 août 1942, il fait très chaud. Ce convoi prévoit le départ de 52 hommes, 982 femmes et 108 enfants. Les mères déportées sans leurs enfants se mettent à pousser des hurlements qui s’entendent jusque dans le village de Pithiviers. Des écoliers témoigneront, des décennies plus tard, avoir entendu les cris des femmes pendant qu’ils jouaient dans leur cour de récréation.
(page 180)
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Mon père décide donc du jour au lendemain que toute la famille passera de Rosenberg à Rambert. Tu ne peux pas imaginer comme j'étais furieux !

— Pourquoi ?

— Mais je ne voulais pas changer de nom, moi ! Et mes parents avaient aussi décidé de me changer d'école ! Changer de nom, changer d'école, ça fait beaucoup tu sais, pour un petit garçon de 10 ans ! J'étais pas content, mais alors pas content du tout. Je leur fais une scène, je promets à mes parents de reprendre mon vrai nom le jour de mes 18 ans.

(…)

Mais petit à petit, je me rends compte qu'à l'école, s'appeler Gérard « Rambert » n'a vraiment rien à voir avec le fait de s'appeler Gérard « Rosenberg ». Et tu veux savoir quelle est la différence ? C'est que je n'entendais plus de «sale Juif» quotidien dans la cour de l'école. La différence c'est que je n'entendais plus des phrases du genre « C'est dommage qu'Hitler ait raté tes parents ». Et dans ma nouvelle école, avec mon nouveau nom, je découvre que c'est très agréable qu'on me foute la paix.

— Mais dis-moi Gérard, qu'est-ce que tu as fait finalement, à tes 18 ans ?
— Comment ça, qu'est-ce que j'ai fait ?
— Tout à l'heure tu m'as dit : «Je promets à mes parents de reprendre mon vrai nom le jour de mes 18 ans. »
— Ce jour-là, si quelqu'un m'avait demandé : « Gérard, tu as envie de redevenir Gérard Rosenberg ? », j'aurais répondu : « Pour rien au monde. »
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Mais maman, ce récit est aussi le mien. Et parfois, à la façon d’une Myriam, tu me regardes comme si j’étais une étrangère dans le pays de ton histoire. Tu es née dans un monde de silence, il est normal que tes enfants aient soif de paroles.
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La terrible erreur que commet Ephraïm, c’est de croire qu’il peut installer son bonheur quelque part.
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Anne Berest
Certains projets demandent un peu d'inconscience.
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Les réponses arrivaient seulement avec quelques semaines de retard. Déborah, je ne sais pas ce que veut dire "être vraiment juif" ou "ne l'être pas vraiment". Je peux simplement t'apprendre que je suis une enfant de survivant. C'est-à-dire quelqu'un qui fait les mêmes cauchemars que sa mère et cherche sa place parmi les vivants. Quelqu'un dont le corps est la tombe de ceux qui n'ont pu trouver leur sépulture. Déborah, tu affirmes que je suis juive quand ça m'arrange. Lorsque ma fille est née, que je l'ai prise dans mes bras à la maternité, tu sais à quoi j'ai pensé ? La première image qui m'a traversée ? L'image des mères qui allaitaient quand on les a envoyées dans les chambres à gaz. Alors voilà, cela m'arrangerait que les choses soient autrement. Cela m'arrangerait de ne pas avoir peur de l'administration, peur du gaz, peur de perdre mes papiers, peur des endroits clos, peur de la morsure des chiens, peur de passer des frontières, peur de prendre des avions, peur des foules et de l'exaltation de la virilité, peur des hommes quand ils sont en bande, peur qu'on me prenne mes enfants, peur des gens qui obéissent, peur de l'uniforme, peur d'arriver en retard, peur de me faire attraper par la police, peur quand je dois refaire mes papiers ....peur de dire que je suis juive. Et cela, tout le temps. "Pas quand ça m'arrange". J'ai, inscrit dans mes cellules, le souvenir d'une expérience de danger si violente, qu'il me semble parfois l'avoir vraiment vécue ou devoir la revivre. La mort me semble toujours imminente. J'ai le sentiment d'être une proie. Je me sens souvent soumise à une forme d'anéantissement. Je cherche dans les livres d'Histoire celle qu'on ne m'a pas racontée. Je veux lire, encore et toujours. Ma soif de connaissance n'est jamais étanchée. Je me sens parfois une étrangère. Je vois des obstacles là où d'autres n'en voient pas. Je n'arrive pas à faire coïncider l'idée de ma famille avec cette référence mythologique qu'est le génocide. Et cette difficulté me constitue toute entière. Cette chose me définit. Pendant presque quarante ans, j'ai cherché à tracer un dessin qui puisse me ressembler sans y parvenir. Mais aujourd'hui je peux relier tous les points entre eux, pour voir apparaître, parmi la constellation des fragments éparpillés sur la page une silhouette dans laquelle, je me reconnais enfin : je suis fille et petite fille de survivants.

Page 481
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Dans les camps, tout ce qui peut être rentabilisé est récupéré et recyclé. Les corps sont eux-mêmes exploités. Les cendres humaines, riches en phosphates, sont déversées comme engrais sur les sols des marais asséchés. Les dents en or fournissent chaque jour, après la fonte, plusieurs kilos d’or pur. Une fonderie est installée près du camp, d’où les lingots sortent pour rejoindre les coffres-forts secrets de la SS à Berlin.
(page 187)
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Mon mari est pareil à l’électricité, écrit Emma à ses parents, il voyage partout pour apporter la lumière du progrès.
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Myriam se jette dans les rues de Paris avec le sentiment qu’elle a joué sa vie entière en une seule nuit. Elle rentre chez elle au petit matin, comme dans un conte, la lune lui a donné un fiancé. Et plus rien ne sera comme avant, à cause de ce garçon compliqué, mais beau, d’une beauté à crever.
(page 115)
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Les semaines passent ainsi dans une atmosphère étrange, c’est l’insouciance grave des périodes troublées, quand au loin gronde la rumeur irréelle de la guerre. Et la masse abstraite des morts au front.
(pages 93-94)
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- Tu sais, on peut définir le hasard sous trois angles. Soit il sert à définir des événements merveilleux, soit des événements aléatoires, soit des événements accidentels.
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Pour moi il est difficile de faire le lien entre Mirotchka, fille des Rabinovitch, et Myriam Bouverîs, ma grand-mère avec laquelle je passais les étés, entre les monts du Vaucluse et la chaîne du Luberon.

Ce n'est pas simple de relier toutes les parties entre elles. J’ai du mal à maintenir ensemble toutes les époques de l'histoire. Cette famille, c'est comme un bouquet trop grand que je n'arrive pas à tenir fermement dans mes mains.
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- Tu es triste que ton fils ne croie pas en Dieu ? Demande Jacques à son grand-père.
- Autrefois oui, j’étais triste. Mais aujourd’hui, je me dis que l’important est que Dieu croit en ton père.
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