Je grognai et repartis en trombe dans la cuisine. Dans la réserve, je trouvai un bocal énorme de cerises confites, et rapportai tout le pot au bar. Je dévissai le couvercle et en sortis une par la queue. Je la laissai tomber dans la frozen margarita et rajoutai même une tige de menthe pour faire bonne mesure.
— Satisfait ?
— Et le parasol ?
— Oublie-le.
— Ce n’est pas une margarita sans le parasol.
Une douzaine de clients antipathiques supplémentaires attendaient pour commander. Je commençai à me tourner vers eux.
— Je n’en veux pas s’il n’y a pas de parasol, déclara Aaron. Fais-moi…
Ma vision vira au rouge. Je me retournai vers lui et attrapai la margarita que j’avais passé cinq précieuses minutes à préparer.
— Si tu ne la bois pas, tu peux l’utiliser pour te rafraîchir !
Et je lui balançai le liquide au visage.
— Tu n’as pas expliqué ta signification.
Il saisit une de mes mèches entre ses doigts et tira.
— Alors c’est moi qui décide ce que protéger signifie.
- C’était quoi, le message que tu as reçu ?
- Probablement le signal pour qu’on se mette en route. Tu aurais dû me sauter dessus avant.
Et maintenant ? Je bougeai la souris de l’ordinateur et l’écran s’illumina en demandant un mot de passe. Je réfléchis un moment puis tapai « admin » et appuyai sur Entrée. Non. Je tentai « admin1 » et recommençai. L’écran m’afficha le bureau.
Du gâteau. Les dinosaures en matière de technologie comme Oncle Jack ne s’embêtaient pas à réfléchir à la sécurité de leurs mots de passe. J’ouvris sa boîte mail et parcourus rapidement les titres et les expéditeurs.
La troisième ? Je n’avais jamais entendu parler de cette troisième règle. Je ne connaissais que deux règles à la guilde : premièrement, ne frappe pas le premier, mais rends toujours les coups, et deuxièmement, ne te fais pas prendre. Tout bien considéré, leurs règles n’inspiraient pas vraiment confiance.
Darius vint se poster à côté de moi pour regarder Girard et le volcanomage transporter mes cousins inconscients.
- Je dois dire, Robin, murmura-t-il, que l’expression sur le visage de ton démon quand tu l’as déclaré ton partenaire était fascinante.
Ma bouche s’ouvrit toute seule.
C’était le truc avec ce boulot. Je n’aurais jamais dû mettre les pieds dans ce bâtiment, mais à la suite d’un mélange de coïncidences et d’entêtement, j’avais décroché un job dans le dernier endroit au monde où un humain aurait dû travailler : une guilde.
- Aaron n’a pas montré de remords, ajouta Kai. Ça a énervé Laetitia.
- Et quand elle et Aaron se sont lancés dans un concours d’insultes, vous vous êtes carapatés, devinai-je.
Ezra haussa les épaules.
- Ça servait à rien qu’on soit trois à être trempés.
- Lâches ! se plaignit Aaron.
– Tu ne vas pas me dire qu'on est de simples connaissances. On s'est retrouvés bourrés tous les deux, tu te rappelles ?
– Nous étions empoisonnés, pas ivres.
– Je t'ai vu nu.
– Je n'étais pas nu.
– On a dormi dans le même lit.
Il ouvrit la bouche et la referma, incapable de réfuter cette affirmation.
Un morceau de glace fondue coula le long de la joue d’Aaron et atterrit sur ses genoux.
— Pas cool, la nouv…
— Pas cool ? hurlai-je en faisant claquer mes mains sur le dessus du bar. Je bosse comme une folle sans même un merci d’une seule personne ici, et tu me fais tourner en bourrique comme un gamin de cinq ans qui ne sait pas se tenir. Si tu rouvres la bouche, je te jure que je te collerai mon pistolet à soda dedans et que je regarderai si tu arrives à balancer tes vannes pendant que tu te noies.