Annick Geille -
Rien que la mer .
Annick Geille vous présente son ouvrage "
Rien que la mer" aux éditions La Grande ourse . Rentrée littéraire 2016. Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/1643024/annick-geille-
rien-que-la-mer Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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Elle avait dû enlaidir peu à peu et sans s'en apercevoir, alors que Pierre, comme la plupart des hommes de leur entourage, n'avait pas - ou peu - changé. Pas assez en tout cas pour qu'elle en fût incommodée.
(p. 160)
- De mémoire de marin, on n'a jamais vu pareille boucherie. Du terrorisme d'état. Certains gabiers anglais ayant exécuté les ordres ont fait ensuite des tentatives de suicide, à ce qu'il paraît.
- Parce que vous croyez qu'il y a des guerres propres ?
- Je crois qu'il existe des crimes de guerre qu'il faut dénoncer et punir.
(p. 138-139)
[Bataille de Mers el-Kébir : attaque par la marine britannique, le 3 juillet 1940, d'une escadre de la marine française mouillant dans le port militaire de Mers el-Kébir (golfe d'Oran, Algérie). L'agression anglaise fit 1 297 morts chez les marins français. Le Royaume-Uni, alors seul devant l'ennemi allemand et italien, craignait que l'armistice signé par le gouvernement français avec l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste quelques jours auparavant ne fasse tomber la flotte française dans les mains d'Hitler, lui permettant ainsi de remettre en cause la suprématie maritime britannique et de faire courir un grave péril au Royaume-Uni. - Wikipedia]
Quand elle appela son bureau pour la première fois, Fabienne Hervé consulta sa montre. Midi à New York, six heures du soir à Paris. Il lui parut étrange, presque incongru, qu'à l'heure où elle se préparait à sortir, ceux qu'elle avait quittés, à Paris, fussent déjà prêts à rentrer chez eux. Le décalage horaire était une notion abstraite. On avait toujours l'impression d'être - où que l'on fût - à la bonne heure : la sienne. L'heure des autres, dans ces pays où l'on n'était pas, comptait pour du beurre.
J'ai cru longtemps être une femme libre, je n'étais qu'une femme seule. Ma prétendue liberté, je la dois à ma condition de fille née pauvre, et provinciale. Aussi loin que je remonte, j'ai toujours trimé - il n'y a pas d'autre mot - pour franchir les obstacles qui me condamnaient dès la naissance. L'un après l'autre, je les ai contournés, et de tous, j'ai fini par triompher. De ce combat, sans doute, naquit la solitude, fille naturelle d'une vie de rébellion.
Pas de parents enfin : depuis la mort de Jeanne, elle se découvrait orpheline. N'ayant jamais eu de contacts très chaleureux avec les siens, Fabienne avait toujours cru qu'elle s'était forgé un orphelinat volontaire. Or, l'expérience venait de lui prouver qu'il n'en était rien. C'était une chose d'avoir une mère vivante avec laquelle l'on ne parlait jamais et cela en était une autre de vivre le même silence avec une mère morte.
Comme je n'avais pas voulu d'enfant, je me sentais libre, chaque fois, de tourner la page. Ils étaient touchants mes amants. Mais aimer, c'est comme avoir la foi. On voudrait tellement croire en Dieu. On fait les gestes de la prière. On s'agenouille. On sent que, peut-être, on est au bord de croire. Mais il n'y a rien à faire, l'amour ne vient pas.
Il appela un steward pour commander un second bloody-mary. Se dit que les hommes autour de lui, et lui aussi, forcément, étaient la version moderne des navigateurs vénitiens de jadis, qui possédaient le monde parce qu'ils transportaient et revendaient leurs marchandises. Les nouveaux aventuriers du siècle. On prenait l'avion au lieu du trois-mâts de jadis. On ne restait jamais longtemps au port. On circulait. On faisait circuler. Des produits, mais aussi des techniques, des idées. On occupait les marchés comme naguère on prenait de force les remparts des cités. On échouait dans la guerre économique qui se jouait à bureaux fermés, ou on triomphait, si on savait être plus malin, plus rapide que les autres. On ressemblait à ces conquérants qui venaient tous de la mer pour enlever des villes, des places fortes, et s'en allaient revendre ailleurs les épices et le grain.
C'est curieux, la douleur. Ça ressemble à du ciment. D'abord, c'est liquide, ça coule en vous doucement, ça ne prend guère de place, ou plutôt ça en prend, mais sournoisement. Et avec le temps, au lieu de s'atténuer, cela durcit, grandit. On porte en soi ce mur invisible. On a du mal à bouger. A respirer.
Paul disait parfois que j'étais jolie. S'il m'avait vue ce jour-là, il eût déchanté. Chez moi, la laideur est naturelle : il suffit de ne pas lutter, elle s'installe. Suffit-il donc qu'un homme s'en aille pour voler à une femme l'illusion de sa beauté ?
Les chasseurs se tapaient des traités internationaux comme d une guigne. Ils se fondaient dans le paysage polaire, avec leurs bateaux aussi petit que possible ; sous prétexte de " recherches scientifiques", ils faisaient ce qui est interdit (...). Ils massacraient les baleines a bosses et leurs petits...