Citations de Annie Butor (34)
Il est celui qui a marié la musique à la poésie comme nul autre, celui grâce à qui beaucoup ont reçu ce supplément d’âme qui aide parfois à vivre.
Une île met les gens à nu, au propre comme au figuré. On ne peut pas dans une île, sans aucun confort, vivre en talons hauts et se maquiller. Le vent et la mer se chargent vite de tout dévoiler.
« Propriétaire, on loue toujours pour la vie », là, j’étais d’accord, il avait raison.
« La propriété c’est le vol », je ne comprenais plus.
« Le fric : c’est la liberté », il avait encore raison.
Il avait bien les mots pour le dire, le verbe et l’invective faciles, la formule assassine, je m’en rendis compte à cette occasion pour la première fois, sans toutefois en mesurer encore toute la portée.
Devenu célèbre et riche, il fut tout de suite parasité.
Rien n’est jamais tout à fait sombre dans cette confession d’une femme hors du siècle parce que le découragement ou l’amertume ne parviennent pas à entamer l’amour .
L’omniprésente Madeleine, que les photos montrent se nichant dans ses bras, s’appuyant langoureusement sur son piano – en réussissant l’exploit de ne pas devenir pesante pour ce solitaire congénital – est tout autant son égérie que sa muse.
Madeleine et Léo forment un couple exemplaire, digne de faire envie à tous les couples et l’on éprouve en leur présence, ce sentiment de bonheur qui se dégage d’une union parfaite. Depuis huit ans, ils ne se sont pas quittés, et c’est à Madeleine, collaboratrice indispensable à son mari, que Léo doit ses plus grandes réussites, car, lorsqu’il écrit des poésies ou des chansons trop longues, c’est elle qui les raccourcit pour n’en garder que le meilleur et faire ressortir ainsi leurs qualités essentielles .
Ma mère, mère nourricière, donnait à manger à tous, à nous, aux chiens, aux mouettes et même un jour à un cormoran qui allait mourir.
Il continuait à insister pour m’adopter, il voulait que je porte le nom de Ferré, je le contrariais par mes hésitations, j’avais baragouiné un « peut-être plus tard », je ne voulais pas faire de la peine à mon père, et je ne comprenais pas bien comment je pouvais avoir officiellement deux pères. Rien ne pressait.
On ne devrait jamais remettre au lendemain.
Avec ses yeux de myope assassin, avec ses cheveux qui ont commencé à pousser si loin sur le front qu’ils n’ont plus su s’arrêter derrière, avec ses doigts nerveux et inquiétants, son dos d’Atlas portant tous les malheurs de la terre .
L’anarchie, c’est la négation de toute autorité, cela fait partie du respect, mot qu’il ne détestait pas. Il n’aimait pas imposer, n’aimait pas le mot « pouvoir ».
Souvent je voudrais oublier Léo Ferré, oublier notre passé commun, toutes ces années de bonheur qui sont maintenant pour moi devenues douleur.
J’ai lu trop de mensonges sur ces dix-huit ans de notre intimité vécue à trois et très peu partagée. Certaines hagiographies me soulèvent le cœur tant les inventions le disputent à la complaisance.
En 1968, démon de midi et air du temps aidant, il fit, le proclama haut et fort, sa « propre révolution ». Pour cela, il largua sa femme, brûla ce qu’il avait adoré et mentit beaucoup à lui-même comme aux autres, pour tenter de faire oublier la réalité d’un passé heureux.