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Citations de Anouk Langaney (28)


Ça fait un bail que je le sais, que ça ne tourne plus rond là-haut. Mais je n’y pensais pas. J’ai toujours été forte pour ça, pour ignorer ce qui m’emmerde. Jusqu’au jour où ça n’a plus été possible.
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Et puis il y a le pognon, ces saloperies d’euros que je m’éreinte à convertir, moi qui tenais sans effort les comptes de Maurice et de toute la bande. Je jonglais avec les conversions, les placements offshore, les intérêts. Une comptable-née, comme disait notre ami Jeannot. Eh bien la voilà morte, la comptable-née. Chez moi, au calme, j’y arrive encore à peu près, pour les factures, ces bêtises-là… mais en public, je perds tous mes moyens. C’est la honte, que je ne gère pas. Les regards. Toute cette saloperie de pitié. « Ah non, ma p’tite dame, vous m’avez donné trop, là…
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Vendredi 9 novembre

Ce con de docteur s’appelle Granger. Granger, Granger, Granger. Affreusement banal, comme sa tête d’ailleurs. Même à vingt ans, ce type me serait sorti de la mémoire en moins de deux.

Oui, mais non.

À vingt ans, même la dernière des buses avec une gueule de rat m’aurait marquée, si elle m’avait sauvé la peau. Comme ce con de docteur Granger. Ça fait deux fois que j’oublie son nom. « Je voudrais voir le docteur… » et rien. Qu’est-ce que j’aurais bien pu ajouter ? « Le joufflu » ? « Celui à lunettes » ? « Celui qui m’a ramassée dans le fossé » ? Et la petite standardiste qui me fixait avec son sourire compatissant de stagiaire-pas-encore-blasée, et que j’avais envie de gifler, tellement j’avais honte. « Celui qui s’occupe des vieilles carnes dans mon genre, vous savez, celles qui perdent la boule », j’ai dit, en la fusillant de l’œil gauche (la cataracte a désarmé le droit). Alors elle a trouvé. « Le docteur Granger ? » Ben oui, lui-même. Et quand je suis entrée dans son cabinet, j’ai tout de suite vu qu’elle m’avait balancée : j’ai eu beau claironner « Bonjour, Docteur Granger ! », ça fleurait la mauvaise arnaque à plein nez, ça sentait la répétition dans l’ascenseur  GRANGER GRANGER GRANGER), ça puait la trouille.
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C’est ça qu’il faut que je note m’a dit Granger. « Les noms, les dates, les menus évènements ». Un aide-mémoire. « Ne le voyez pas comme une prothèse c’est plutôt un stimulant », il a dit.

Je m’appelle Gisèle Léonce Mathurine Teillard, épouse Galandeau. Je suis née à Melun, le 6 janvier 1920.

Ce mardi 24 octobre, j’ai pris conscience que j’étais vieille, seule, impuissante, et j’ai voulu mourir. Un con de médecin m’a sauvé la vie et conduite aux urgences. J’ai quitté l’hôpital le jeudi 9 novembre.

Nous sommes le vendredi 10 novembre. Je suis atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Voilà pour les noms, les dates, et les menus évènements.

C’est fou ce que je me sens stimulée.
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Ça fait un bail que je le sais, que ça ne tourne plus rond là-haut. Mais je n’y pensais pas. J’ai toujours été forte pour ça, pour ignorer ce qui m’emmerde. Jusqu’au jour où ça n’a plus été possible.
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Je viens de comprendre le problème de Louna : sa tête va plus vite que le reste du monde ! Tu m'étonnes qu'elle s'emmerde en temps normal. Elle est en décalage permanent avec la vie ! Sauf en cas de grosse crise comme aujourd'hui.
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Il ne reste plus que les tuyaux, une dizaine au moins, qui se rejoignent au niveau de la canalisation  principale. J'essaie de suivre Louna des yeux, et j'ai l'impression d'être au ralenti. Comme si je défilais image par image. C'est elle qui a le bon tempo, à présent. Rien ne la surprend, rien ne la prend de court..
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Elle continue à s'activer, avec toujours ce regard tranquille que nous ne lui connaissions pas. Elle vérifie les nœuds qui nous retiennent, ainsi que le corps de la prof. Elle tâte la cloison, la tapote en y collant son oreille. Elle dégage de sous une dalle du faux plafond plusieurs tuyaux de caoutchouc, qu'elle nous demande de tenir, et que je reconnais : ce sont ceux qui courent sous les fenêtres, prévus pour irriguer la somptueuse façade végétalisée du collège, dont l'architecte était si fier, et qui a séché au bout de quelques mois
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La gueule dans le fossé, le dentier de guingois, le Beretta échoué dans la haie de ronces à côté d'un escarpin orthopédique..
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Cuisiner un individu de tempérament sanguin incite, instinctivement, à travailler la viande en lui conservant toute sa saveur par une cuisson brève.
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Et s’il n’y avait que Granger. Mais il y a les autres. Les nouveaux voisins, ceux qui ont racheté le pavillon moche et prétentieux qui fait le coin à l’entrée de l’impasse. Là où les Mesniers (ceux-là, je m’en souviens, mais pour combien de temps ?) ont fini leur pauvre vie mesquine de nouveaux presque-riches entre un aigle en plâtre et deux persans bigles, aussi aigris qu’eux, mais plus racés. Et puis la petite aux joues roses qui a repris la crémerie de la place pour en faire une sorte de troquet de gauche, mi-librairie mi-bistrot, et qui vivote en servant trois tranchettes de terrine de soja aux quelques hippies de passage… La pauvre chérie, elle en perdra ses joues, mais c’était prévisible. Comme si les touristes allaient en Périgord pour bouffer du tofu. Bref, tout ça je le sais, je le vois, preuve qu’il doit bien me  rester deux-trois neurones, mais pas moyen de me souvenir de son nom, ou de l’année de son arrivée d’ailleurs. Et ça, ça me bouffe.
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J'ai encore appelé Eddy "Émile", mais cette fois sans le faire exprès. À chaque fois que je joue les vieilles folles je ne fais que prendre un peu d'avance sur ce qui m'arrive réellement, c'est passablement déprimant. J'aimerais pouvoir sortir de ce personnage pour incarner une jeune première ou une soubrette délurée par exemple, mais il est un peu tard pour ça.
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Chez moi, au calme, j’y arrive encore à peu près, pour les factures, ces bêtises-là… mais en public, je perds tous mes moyens. C’est la honte, que je ne gère pas. Les regards. Toute cette saloperie de pitié. « Ah non, ma p’tite dame, vous m’avez donné trop, là… »
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Et puis il y a le pognon, ces saloperies d’euros que je m’éreinte à convertir, moi qui tenais sans effort les comptes de Maurice et de toute la bande. Je jonglais avec les conversions, les placements offshore, les intérêts. Une comptable-née, comme disait notre ami Jeannot. Eh bien la voilà morte, la comptable-née.
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La pauvre chérie, elle en perdra ses joues, mais c’était prévisible. Comme si les touristes allaient en Périgord pour bouffer du tofu. Bref, tout ça je le sais, je le vois, preuve qu’il doit bien me rester deux-trois neurones, mais pas moyen de me souvenir de son nom, ou de l’année de son arrivée d’ailleurs. Et ça, ça me bouffe.
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Et s’il n’y avait que Granger. Mais il y a les autres. Les nouveaux voisins, ceux qui ont racheté le pavillon moche et prétentieux qui fait le coin à l’entrée de l’impasse. Là où les Mesniers (ceux-là, je m’en souviens, mais pour combien de temps ?) ont fini leur pauvre vie mesquine de nouveaux presque-riches entre un aigle en plâtre et deux persans bigles, aussi aigris qu’eux, mais plus racés. Et puis la petite aux joues roses qui a repris la crémerie de la place pour en faire une sorte de troquet de gauche, mi-librairie mi-bistrot, et qui vivote en servant trois tranchettes de terrine de soja aux quelques hippies de passage…
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Comme ce con de docteur Granger. Ça fait deux fois que j’oublie son nom. « Je voudrais voir le docteur… » et rien. Qu’est-ce que j’aurais bien pu ajouter ? « Le joufflu » ? « Celui à lunettes » ? « Celui qui m’a ramassée dans le fossé » ? Et la petite standardiste qui me fixait avec son sourire compatissant de stagiaire-pas-encore-blasée, et que j’avais envie de gifler, tellement j’avais honte. « Celui qui s’occupe des vieilles carnes dans mon genre, vous savez, celles qui perdent la boule », j’ai dit, en la fusillant de l’œil gauche (la cataracte a désarmé le droit). Alors elle a trouvé. « Le docteur Granger ? » Ben oui, lui-même. Et quand je suis entrée dans son cabinet, j’ai tout de suite vu qu’elle m’avait balancée : j’ai eu beau claironner « Bonjour, Docteur Granger ! », ça fleurait la mauvaise arnaque à plein nez, ça sentait la répétition dans l’ascenseur GRANGER GRANGER GRANGER), ça puait la trouille.
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Ce con de docteur s’appelle Granger. Granger, Granger, Granger. Affreusement banal, comme sa tête d’ailleurs. Même à vingt ans, ce type me serait sorti de la mémoire en moins de deux.
Oui, mais non.
À vingt ans, même la dernière des buses avec une gueule de rat m’aurait marquée, si elle m’avait sauvé la peau. Comme ce con de docteur Granger. Ça fait deux fois que j’oublie son nom. « Je voudrais voir le docteur… » et rien. Qu’est-ce que j’aurais bien pu ajouter ? « Le joufflu » ? « Celui à lunettes » ? « Celui qui m’a ramassée dans le fossé » ? Et la petite standardiste qui me fixait avec son sourire compatissant de stagiaire-pas-encore-blasée, et que j’avais envie de gifler, tellement j’avais honte.
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(...) Cuisiner un individu de tempérament sanguin incite, instinctivement, à travailler la viande en lui conservant toute sa saveur par une cuisson brève.
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La gueule dans le fossé, le dentier de guingois, le Beretta échoué dans la haie de ronces à côté d'un escarpin orthopédique...
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