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Citations de Anthony Doerr (484)


L'Argos est un vaisseau interstellaire en forme de disque. À l'intérieur, il n'y a ni fenêtres ni escaliers, ni rampes ni ascenseurs. Quatre-vingt-six personnes y vivent. Soixante sont nées à bord. Parmi les autres, vingt-trois sont assez âgées pour se souvenir de la Terre et le père de Konstance en fait partie. Les chaussette sont renouvelées tous les deux ans, les combinaison tous les quatre ans. Le premier de chaque mois. six sacs de farine de deux kilos chacun sortent des caissons à provisions.
Nous sommes des privilégiés, répètent les adultes. Nous avons de l'eau potable ; nous produisons des denrées fraîches ; nous ne tombons jamais malades ; nous avons Sybil ; nous avons l'espoir. Si nous utilisons sagement nos ressources, ce dont nous disposons ici suffira à combler nos besoins. Et s'il y a un problème que nous ne savons pas résoudre, Sybil le résoudra pour nous.
Et surtout, ajoutent les adultes, il faut faire très attention aux parois du vaisseau. Derrière, c'est la disparition qui menace : rayonnements cosmiques, champ gravitationnel nul, 2,73 kelvins. À peine trois secondes à l'extérieur, et vos mains et vos pieds tripleraient de volume. Votre langue et vos yeux se dessécheraient, les molécules d'azote de votre sang se colleraient les unes aux autres. Vous commenceriez par suffoquer, et ensuite vous vous changeriez en bloc de glace.
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Un après-midi d'octobre en rentrant de l'école, Seymour tourne à droite pour prendre Arcady Lane. Là où il n'y avait rien le matin même se dresse un panneau ovale d'un mètre vingt sur un mètre cinquante planté sur deux piquets. EDEN'S GATE, peut-on y lire, puis en dessous:

PROCHAINEMENT
MAISONS MITOYENNES ET PAVILLONS
PROJETS PERSONNALISÉS
TERRAINS D'EXCEPTION À VENDRE

Sur l'image, un cerf dix-cors s'abreuve à une mare voilée de brume. Au-delà du panneau, la route ne semble pas avoir changé : un ruban poussiéreux et défoncé, flanqué de buissons d'airelles aux flamboyantes couleurs d'automne.
Un pivert traverse la voie en traçant une parabole au ras du sol, puis disparaît. Une martre jacasse quelque part. Les mélèzes ondulent. Il regarde la pancarte, se retourne vers la route. La panique déploie son premier tentacule noir au fond de sa poitrine.
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Un reposoir, dit-il enfin. Tu connais ce mot ? Un lieu de repos. Un texte-un livre-est un lieu de repos pour les souvenirs de ceux qui ont vécu avant nous. Un moyen de préserver la mémoire après que l'âme a poursuivi son voyage.
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« Voyons voir... Ce site estime à onze mille le nombre rotal de chouettes cendrées sur le sol des États-Unis aujourd’hui. » Marian va chercher sa grosse calculatrice, «Disons qu'on a trois cents millions d'habitants, pour simplifier. Tu tapes sur le trois et tu ajoutes huit zéros. C'est bien, Seymour. Tu connais le signe de la division ? Maintenant tu tapes trois fois un, et c'est parti. »
27027.
Ils fixent tous les deux le résultat affiché, s'imprégnant de sa signification. Pour 27 027 Américains, une seule chouette cendrée. Pour 27 027 Seymour, un seul Ami-Fidèle.
Assis à la table près des livres audio, il essaie de dessiner l'oiseau. Un ovale avec deux yeux au centre – c'est bien Ami-Fidèle. Et mintenant, les gens : 27 027 points disposés en cercles autour de la chouette. Un peu avant le sept centième, sa main tremble de fatigue, son crayon est tout émoussé et c'est l'heure de rentrer à la maison.
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Il voudrait solliciter ses yeux, mais on croirait qu'ils fonctionnent à l'envers, tournés vers l'intérieur de sa tête, vers un gouffre tourbillonnant de blancheur.
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Trente pas, quarante. Ouand il se retourne, la ville et les scieries ne sont plus visibles, il ne distingue même pas les arbres du rivage. Le vent et la neige etfacent les empreintes de ses pas ; il flotte dans un monde de blancheur.
Encore six pas. Sept, huit – pause.
Le néant à perte de vue : un puzzle tout blanc dont on a éparpillé les pièces dans les airs. Il se sent vaciller au seuil d'il ne sait quoi. Dans son dos, Lakeport : l'école pleine de courants d'air, les rues bourbeuses, Mrs Boydstun avec son haleine qui sent le pétrole et ses enfants en céramique. Là-bas, il est Huile d'Olive, Baiseur de Moutons, Zéro: un orphelin rachitique avec du sang étranger dans les veines et un nom bizarroïde. Et devant lui, qu'est-ce qui l'attend ?
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Pendant une fraction de seconde, la mère de Zeno descend du ciel sur un bateau doré, il monte à son bord avec Athéna sous les regards ébahis des témoins, et ils s'envolent tous ensemble vers la Cité céleste, où une mer turquoise se brise contre les falaises noires et où tous les arbres sont lourds de citrons tiédis par le soleil. Mais le voilà de retour sur son lit en laiton, le pasteur White qui empeste la lotion capillaire déplace énergiquement le soldat 404 autour du couvre-lit et Papa ne reviendra jamais.
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Cet endroit est plein de magie, semble dire la chouette. Il te suffit de rester assis, de respirer et d'attendre, et la magie viendra à toi.
Seymour reste assis, il respire et il attend, et la Terre parcourt mille kilomètres de plus sur son orbite. À l'intérieur de lui, les neuds de toujours se relâchent.
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Papa promet une isolation pour la maison, l'eau courante et un radiateur électrique Thermador flambant neuf, commandé directement chez Montgomery Ward, pourtant la plupart du temps il rentre si fatigué de la scierie qu'il n'a même pas la force de se déchausser. Il fait réchauffer des pâtes au beuf haché sur le poêle, fume une cigarette et s'endort à la table de la cuisine, les pieds dans une flaque de neige fondue, comme si lui-même fondait un peu pendant son sommeil pour retourner à l'état solide une fois l'aube venue, quand il franchit la porte.
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Alors qu'il regarde à travers la vitre, la porte s'ouvre et deux femmes identiques, vêtues de blouses à col montant, lui font signe d'entrer.
« Oh là, fait la prenmière, tu as l'air gelé, toi.
— Où est donc ta mère? » ajoute la deuxième.
Les tables de lecture sont éclairées par des lampes inclinables ; accroché au mur, un ouvrage au point de croix indique : Les renseignements, c'est ici.
« Maman, elle est montée au Ciel, répond Zeno. Dans la cité où tout le monde est à l'abri du chagrin et où personne ne manque de rien. »
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« Tu te bourres le crâne de choses inutiles », lui chuchote Maria. Peut-être – mais le point de chaîne câblée, le point noué et le point de marguerite, Anna ne les apprendra jamais. Quand elle manie l'aiguille, son talent le plus sûr consiste à se piquer accidentellement le bout du doigt et à tacher l'étoffe de sang.
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[...] la plupart du temps, il rentre si fatigué de la scierie qu'il n'a même pas la force de se déchausser. Il fait réchauffer des pâtes au bœuf haché sur le poêle, fume une cigarette et s'endort à la table de la cuisine, les pieds dans une flaque de neige fondue. Comme si lui-même fondait un peu pendant son sommeil pour retourner à l'état solide une fois l'aube venue, quand il franchit la porte.
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Et Zeno brûle d'apprendre la suite mais la chaleur du feu, l'odeur du vieux papier et le ton cadencé de la bibliothécaire se conjuguent pour le soumettre à un sortilège et il finit par s'assoupir.
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À l'école, la moitié des élèves sont finlandais et les autres suédois ; Zeno, lui, a les cils noirs, les yeux noisette et un teint couleur de thé au lait – et puis il y a la consonance de son nom. Huile d'olive, Baiseur de Moutons, Métèque, Zéro ; même quand il ne saisit pas les termes employés, le message est assez transparent : évite de puer comme ça, ne respire pas, arrête de grelotter, arrête d'être bizarre.
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Chacun sait que tu n'arrives même pas à compter jusqu'à cinq et toi tu t'imagines compter les vagues de la mer. Pour ce qui est de te remplir les yeux, tu ne verras jamais plus loin que le bout de ton nez.
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Le vent arrache un des cahiers de sa main, Anna le rattrape et l'époussette avant de le replacer sur ses genoux. Pendant un long moment, Licinius baisse les paupières sur ses yeux fatigués.
« Un reposoir, dit-il enfin. Tu connais ce mot ? Un lieu de repos. Un texte – un livre – est un lieu de repos pour les souvenirs de ceux qui ont vécu avant nous. Un moyen de préserver la mémoire après que l'âme a poursuivi son voyage. »
Alors il ouvre grand les yeux, comme s'il contemplait le fond de ténèbres infinies.
« Mais les livres meurent, de la même manière que les humains. Ils succombent aux incendies ou aux inondations, à la morsure des vers ou aux caprices des tyrans. Si personne ne se soucie de les m conserver, ils disparaissent de ce monde. Et quand un livre disparaît, la mémoire connaît une seconde mort. »
Licinius grimace, son souffle est laborieux et haché. Les feuilles crissent dans la ruelle, des nuages lumineux courent par-dessus les toits, plusieurs
chevaux de bât passent dans la rue, leurs cavaliers emmitouflés contre le froid, et Anna frissonne. Devrait-elle aller chercher le maître de maison ?
Appeler quelqu'un pour une saignée ?
Le bras de Licinius se lève ; sa main serre comme une griffe les trois cahiers défraîchis.
« Non, professeur, lui dit Anna. Ce sont les vôtres. »
Mais il les place de force entre ses mains. La fillette jette un regard dans la ruelle : la pension, la muraille, les arbres qui font grincer leurs branches. Elle récite une prière, puis camoufle sous sa robe les feuilles de parchemin.
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La dernière fois qu'Anna voit Licinius, il souffle un vent froid et le teint du vieil homme a la couleur d'un ciel d'orage. Ses yeux larmoient, il n'a pas touché au pain qu'elle lui a apporté, et son goitre, enflammé et violemment coloré, a plus que jamais l'air d'une créature funeste – comme si, ce soir, elle devait enfin dévorer son visage.
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Le regard d'un des hérauts s'arrête sur Omeir, et la répulsion lui tire une grimace ; alors le garçon se perçoit brièvement à travers ses yeux, lui et le lieu qu'il habite: un logis grossièrement aménagé dans une cavité rocheuse, demeure d'un garçon à la bouche balafrée, asile de la difformité.
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L'attention d'Anna est rivée aux feuillets placés devant ses yeux. Tant de mots ! Il faudrait bien sept vies pour les apprendre tous.

Chaque fois que Chryse la cuisinière l'envoie au marché, Anna trouve un prétexte pour rendre visite à Licinius. Elle lui apporte des croûtes de
pain, un poisson fumé, un demi-panier de grives ; à deux reprises, elle se débrouille pour voler une cruche de vin à Kalapathes.
En échange, il lui enseigne des choses. A égale alpha. B égale bêta. O égale oméga. Et qu'elle balaie le sol de l'atelier, qu'elle charrie encore un rouleau d'étoffe ou un seau de charbon, qu'elle se penche sur son métier aux côtés de Maria, les doigts gourds, le plumet de son haleine flottant au-dessus de la soie, elle ne cesse de reproduire les lettres sur les mille feuillets vierges de son esprit. À chaque signe correspond un son, associer les sons revient à former des mots, et en associant les mots on finit par bâtir des univers.
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Il aurait dû prendre davantage de risques. Il lui a fallu une vie entière pour s'accepter tel qu'il est, et il constate avec surprise qu'aujourd'hui il en est capable, pourtant il n'aspire pas à vivre une année, ni même un mois, de plus : ces quatre-vingt-six ans lui suffisent. Au cours d'une existence, on accumule une infinité de souvenirs, le cerveau ne cesse de les trier, pesant les répercussions et refoulant la souffrance, mais à l'âge qu'il a atteint, on traîne malgré tout une charge écrasante de souvenirs, un fardeau aussi lourd qu'un continent, et le moment vient où il faut quitter le monde en les emportant avec soi.
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