Anthony Powell

Être amoureux, c'est une affaire compliquée ; encore que celui qui est prêt à prétendre que l'amour est une affaire simple et sans détours se trouve toujours en position de force pour faire des conquêtes. En général, les choses tournent mal pour au moins un des partenaires ; et à terme seuls les plus fervents refusent d'admettre qu'une liaison sérieuse n'est pas nécessairement simple, alors que ces enthousiastes si déterminés ont généralement fini par donner au mot un sens à eux bien différent de ce qu'il signifie pour la plupart des gens au début de leur existence.

La vie était un rêve dont les promesses le plus souvent ne semblaient présenter aucun lien avec la réalité.

Vieillir offre deux compensations qui méritent d'être signalées. D'abord, cela offre une position avantageuse pour enjoliver des événements qui ont accompagné votre propre existence pendant des années, des embellissements qui parfois semblent même apporter la conclusion d'une affaire donnée, encore que cela ne soit jamais définitif, et qu'on puisse toujours y ajouter une dimension nouvelle. L'autre bénéficie, c'est une perception plus fine de la valeur de la mythologie traditionnelle mais aussi, quand elle vaut quelque chose, de la mythologie moderne des romans et de la poésie.

Je ne possède aucun talent de comédien, vraiment aucun, ce qui est souvent bien gênant dans la vie, mais après tout bien des acteurs n'en ont pas davantage.

- [...] J'aurais aimé connaitre la Vienne d'autrefois, avant la guerre.

- Et quelle importance la Mésopotamie a-t-elle pour nous? demanda mon père, sans se douter que bientôt il y serait blessé.
- Cela dépendra de l'endroit et du moment où les Allemands décideront d'attaquer.
- Et à votre avis, ce sera dans longtemps?
- Entre le Scylla de son système bancaire et le Charybde de son parti socialiste, l'Allemagne n'a pas d'alternative.

L'ennui atroce d'une société exclusivement masculine devient particulièrement insupportable quand on est loin du théâtre des opérations, bien qu'en état de guerre.

- Il n'est pas plus normal d'être directeur de banque ou receveur d'autobus que d'être Charles Baudelaire ou Gengis Khan, m'avais jadis fait remarquer Moreland. Simplement, les deux premiers cas sont plus fréquents.

C'était comme si la guerre avait rejeté sur toutes sortes de rivages toutes sortes d'épaves. Puis la mer s'était retirée, les entrainant de nouveau, et cela avait duré pendant des années, le temps que les vents se calment. Parmi les corps étalés ainsi sur les galets, certains s'étaient accrochés et avaient survécu là où ils s'étaient échoués. D'autres avaient eu la force, c'étaient les plus déterminés, de pénétrer à l'intérieur des terres.

Devenir vieux, c'est être de plus en plus puni pour un crime que l'on n'a pas commis .

Il fait souvent preuve d’un humour irrésistible, tout de flegme et de détachement. Le ton est presque celui de la conversation. Le lecteur en arrive même à se croire dialoguant librement avec un écrivain qui sait aussi se révéler, à l’occasion, un peu cancanier sur les auteurs qu’il a pu connaître et qui parfois s’oppose violemment aux idées reçues, s’en prenant par exemple à l’"horrible" Hemingway.

Les gens ont souvent tendances à mépriser les aides de camp. Or ils ne sont pas pires que les autres officiers, ils leur sont même supérieurs. Et le travail qu'ils effectuent constitue le meilleur entrainement possible, s'ils sont destinés à faire carrière en ce monde.

La littérature illumine uniquement la vie de ceux pour qui les livres sont une nécessité. Les livres constituent des biens qui ne se transmettent pas ; ils vont à qui les possèdent déjà.

- Tous les fruits de la Victoire ne sont pas également agréable au palais, fit remarquer Penniston. Une ration de fiel et d'amertume nous est servie.