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Critiques de Antoine Albertini (109)
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Banditi

Le polar débute en mai 2019, avec la mort du dernier Parrain Corse Cesar Orsini, 74 ans, qualifié de Bonaparte du crime par un journaliste et qui avait étendu son empire aux dimensions du planisphère.

Notre narrateur, ex-flic, devenu détective privé, alcoolique, inconsolable depuis le départ de sa femme 5 ans plus tôt sans explication, vivotant sur de piètres enquêtes tout en ayant du flair et en étant très perspicace, est appelé à l'aide par son ami Fabien, ex militant-nationaliste, l'oncle de celui-ci Baptiste Maestracci, vivant dans un village de montagne en Corse, octogénaire, un peu simplet ayant disparu dans la nature.

Notre enquêteur va faire une découverte pour le moins surprenante. Dans le palazzu, proche de la maison de Baptiste où les chiens policiers ont perdu sa trace, il va tomber sur un cadavre momifié qui pourrait bien être là, d'après le toubib depuis une bonne quinzaine d'années. Il s'agit d'un italien, crâne fracassé, mains liées dans le dos.

Nous voilà donc partis avec lui dans sa vieille Saxo brinquebalante à sillonner la Corse, pour tenter de remonter le temps et trouver les assassins. L'enquête nous conduira même en Italie.

Ce ne sera pas une visite touristique à proprement parler puisque l'auteur va plutôt nous faire découvrir l'envers du décor de ces trente dernières années avec le nationalisme corse et ses militants qui ont défrayé les chroniques, réclamant l'indépendance de l'île, les manipulations politiques des gouvernements qui pouvaient aussi bien les poursuivre que les aider, les jalousies, les trahisons, les compromissions, la corruption, et aussi les liens avec les Brigades Rouges d'Italie qu'Antoine Albertini fait même revivre avec un gang de justicières très remonté et très performant.

Comme vous l'aurez compris, on est loin des images de cartes postales, bien que l'on soit, du moins pour ceux qui aiment la nature et l'isolement, conquis et happés par ces magnifiques paysages sauvages à l'écart des métropoles ainsi que par ces bâtisses en pierres ayant défié le temps. Gros contraste bien mis en évidence avec les villes où la puanteur règne due à une situation qu'on peut qualifier de pourrie, les décharges étant saturées. La puanteur est en quelque sorte le fil rouge de ce livre.

J'ai beaucoup apprécié ce personnage détective, cet anti-héros, à la fois désabusé, déprimé, écorché, qui n'a plus grand chose à perdre, mais qui est néanmoins lucide et réaliste, coriace, parfois cynique et qui résiste et ne manque pas de sensibilité. L'humour et l'autodérision le qualifient aussi très bien.

Action et états d'âme alliés à un suspense maintenu jusqu'au bout permettent de savourer pleinement ce roman noir, parfois glaçant, tout en approfondissant la connaissance de ces combats menés par les corses pour leur identité.

C'est, néanmoins un tableau un peu désenchanté de la Corse que nous peint Antoine Albertini, avec toutefois une petite lueur d'espoir apportée par Fred, en fin d'ouvrage, Fred, copain du narrateur et personnage très touchant.

À noter que quelques mots ou phrases en corse aussitôt traduits crédibilisent encore davantage le récit.

Je remercie Lecteurs.com qui, dans le cadre des Explorateurs m'a permis de découvrir Banditi de Antoine Albertini, aux éditions JC Lattès.

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Malamorte

La Corse donc, du côté de Bastia. Deux affaires qui semblent n'avoir aucun point commun et qui forcément en ont un : un chef d'entreprise dans la bâtiment qui tue femme et fille avant de tenter de se suicide + une randonneuse assassinée sur un sentier isolée. Deux affaires a priori "mineures" qui vont déclencher une pagaille monstre dans toute l'île.



Le point de départ est classique mais le cadre corse est un terreau fertile pour le polar, surtout que l'auteur, s'il réutilise les clichés corses attendus ( scandales immobiliers, tensions politiques, corruption, règlements de compte, xénophobie etc ), il sait aussi très bien les contourner pour proposer une vision à la fois réaliste et vivante, mélancolique même. Car on sent l'amour de l'auteur pour la Corse, on sent à quel point il la connaît. le choix de placer son enquête au coeur de l'hiver, sous un déluge, est très pertinent pour créer un ambiance poisseuse fort à propos.



Si l'enquête est bien mené, ménageant le suspense, ne dévoilant le lien entre les deux affaires que tardivement, ce que j'ai le plus apprécié, c'est le personnage principal, narrateur anonyme. Il coche les cases de l'enquêteur borderline désabusé typique des polars hard-boiled, mais il a ce quelque chose en plus qui lui permet de se démarquer de ces confrères.

Placardisé suite à un pétage de plomb ( légitime certes ... ), il se voit attribuer le BHS, le Bureau des homicides simples : des affaires « peau de balle » dont tout le monde se contrefout, un bureau cagibi, des collègues ouvertement moqueurs ... Mais voilà, il a un flair pas possible, n'a rien à perdre. Et il régale le lecteur de sa faconde tour à tour truculente, poétique ou grossière même. Un borderline bavard et non taiseux, c'est assez jouissif et permet de passer un très bon moment de lecture .



« C'est James Ellroy sur l'île de Beauté » dixit L'Obs, c'est ce qui est indiqué sur la couverture du Livre de Poche ... Très exagéré, hein, non ce polar ne joue dans la catégorie poids lourd, mais ce premier roman est réussi et prometteur.



Lu dans le cadre du Prix des Lecteurs Livre de poche 2020, catégorie polar.
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Malamorte

La Corse , quel superbe cadre ...pour un tel déferlement dramatique..."L'île de beauté " mérite sans contestation possible son titre de paradis que lui attribuent , souvent au grand dam des autochtones , les milliers de touristes qui profitent des ses paysages grandioses chaque année.

Par contre , si vous suivez un peu la météo hivernale , vous savez parfaitement que l'image idyllique des saisons favorables , laisse la place à une vie plutôt difficile en hiver . Et c'est plutôt dans ce contexte qu'il faut placer le cadre de ce roman qui ne manque pas d'atouts pour faire passer un bon moment aux amateurs du genre .

Lui , c'est un policier que sa compagne a quitté. Disparue sans laisser d'adresse .Alors , l'alcool . le mépris des collègues et de la hiérarchie. La mise au " placard", affecté au " bureau des homicides simples " , dont il sera ....le seul membre ...C'est dire ....

Alors , quand arrive sur son bureau , le rapport d ' un terrible mais tristement banal drame familial , le voilà chargé de régler au mieux une situation qui ne pourrait que ralentir le travail de collègues qui ont bien d'autres chats à fouetter .....

Revenez au début, s'il vous plaît. Je vous l'ai dit , le décor est planté et ...l'histoire n'est pas aussi simple , vous vous en seriez doutés ...Un incroyable périple va se dérouler sous nos yeux , un périple qui , s'il nous réservera bien des surprises , nous permettra aussi d'apprendre à connaître et sans doute développer en nous une certaine sympathie pour ce policier , jeune flic prometteur

avant de se trouver confronté aux dures réalités de la vie . Et attention , le " beau vernis " de l'île de beauté " va s'effriter et nous montrer une facette bien différente, bien méconnue, peu engageante .Les vents vont souffler du côté de Bastia et du Cap Corse , la tempête va révéler des dessous glaçants .

J'ai franchement passé un très bon moment de lecture et je me suis beaucoup attaché au personnage principal , ce capitaine de police qui livrera certains de ses secrets avec pudeur .

J'ai apprécié également le style , vivant , bien adapté, tantôt " imagé " , tantôt plus " soigné " et c'est avec plaisir que j'accorderai encore toute ma confiance à Antoine Albertini .....

La Corse , aujourd'hui , elle est sous la neige , ça arrive souvent , je crois , en mars , et , surtout , elle aussi est assiégée par un virus dont on souhaite tous qu'il nous quitte au plus vite ....Vivement qu'elle redevienne l'île de lumière qui émerveille tous ceux qui y posent leurs valises pour un temps , même si cet engouement n'est pas toujours bien accepté....Que voulez - vous , elle est si belle , c'est bien compréhensible de vouloir la garder jalousement pour soi .
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La femme sans tête

J'ai parfois songé à fermer cet ouvrage et à passer à autre chose . Et puis , vous savez ce que c'est , le respect de l'écrivain et , j'ai continué ma lecture . C'est qu'elle ne manque pas d'intérêt cette histoire de femme retrouvée sans tête dans un caveau où doit bientôt reposer un " patriarche " respecté , comme tous les patriarches corses , du reste .

D'un côté, l'enquête minutieuse de Serrier , un super flic qui , au prix de la perte du respect de ses collègues et de l'amour de sa famille , s'obstine à vouloir mettre à jour une affaire qui s'inscrit dans le temps , dans l'omerta, dans les fausses pistes .

L'histoire de cette femme et de son fils retrouvés ( ou pas ) morts à cause de.... L'obstination d'un homme seul contre ....tous .

Le récit, pour " fouillé " et intéressant qu'il soit , n'a vraiment pas eu le don de " m'entraîner " , j'ai suivi le développement de l'affaire avec intérêt mais sans enthousiasme . Il s'agit là plus d'un documentaire que d'un roman . Imaginons , mais en plus long , un récit à la " Pierre Bellemare " ( je précise que j'adorais les histoires de Pierre Bellemare ) revu par la personnalité de l'auteur . Une sorte de " Faites entrer l'accusé " avec une grande part de frustration quant à toutes ces " ratés " qui feront que ....les coupables .....

Ce livre est loin d'être inintéressant mais j'avoue qu'il ne correspond pas vraiment à ce que je recherche .Sans m'ennuyer , il ne m'a pas embarqué, mais , et je le souhaite , il plaira à ceux et celles qui aiment pénétrer au coeur d'un problème, aussi tortueux et désespéré soit - il .

Hors de question de mentir , mon avis n'est que mon avis mais , bon , ce n'est qu'une rencontre sans lendemain pour moi . Après, vous détourner de ce roman ne serait que pure prétention de ma part . A vous de voir , chers amis et amies ...je ne peux vous en dire plus ....mais il y a bien d'autres avis( et de tres bons ) à consulter .
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Malamorte

Nous sommes à Bastia, dans un quartier résidentiel, « les Albatros » où un crime vient d’être commis: Mohamed Cherkaoui vient d’assassiner sa femme et sa fille avant de retourner l’arme contre lui. Mais, est-ce aussi simple, notre homme est transporté aux urgences et réussit à s’échapper. Innocent? Coupable? Victime d’un règlement de compte?



Cherkaoui avait une entreprise qui semblait connaître des difficultés, car il dépensait sans compter, et ses ex amis l’avaient mis sur la touche. On fait la connaissance au passage d’une cheffe d’entreprise, Sonia Mattei, dont le père a été abattu il y a quelques années, et qui est une ex du capitaine. Autre personnage, haut en couleur, l’entrepreneur François Massia magouilleur, ayant des appuis en haut lieu, et qui envoie ses sbires assassiner ceux qui se mettent sur son chemin. Tout est donc loin d’être aussi simple.



En parallèle, deux meurtres mystérieux de femmes sur lesquels notre capitaine va travailler aussi. On note au passage que tout le monde le prend pour un minable, et qu’on ne fait que le tolérer sur le terrain, à condition qu’il ne fasse pas de l’ombre aux policiers.



Sur l’enquête, on retrouve, un capitaine au placard pour insubordination, et quand je dis placard, c’est au sens littéral, il n’y a qu’une fenêtre et elle est condamnée, un bureau innommable, le tout dans un contexte d’imprégnation alcoolique massive pour oublier ses chagrins… notre est affecté au BHS , alias » bureau des homicides simples »… « Il est d’ailleurs le seul policier à y être affecté ».



L’auteur nous emmène dans une intrigue à rebondissements, dans une Corse qu’on n’a pas l’habitude de voir ( en littérature du moins). On se trouve confronté à toutes les magouilles mafieuses possibles et imaginables, la gangrène touchant également le milieu des policiers, des gendarmes (avec leur défiance traditionnelle!) et un procureur qui ne pense qu’à sa carrière.



Ce polar est surprenant, et je suis assez mitigée car beaucoup de choses sont caricaturales, ou du moins on le voudrait bien, sinon on tombe de haut, mais le capitaine alcoolique, qui se prend une cuite toutes les nuits, n’entendant jamais son téléphone, qui se promène au volant de sa « saxo brinquebalante » et conserve malgré l’alcool un flair considérable, ce capitaine donc est fort sympathique …



Un grand merci à NetGalley et aux éditions JC Lattès qui m’ont permis de découvrir de polar.

#Malamorte #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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La femme sans tête

Ce roman est basé sur des faits réels qui restent tristement célèbres en Corse. L'auteur, Antoine Albertini, offre ici une enquête très rigoureuse concernant cette affaire qui est maintenant classée. Les noms des protagonistes ont été modifiés, le roman n'en est pas vraiment un, mais plus un récit, qui fait frissonner d'horreur, donne des sueurs froides et fait pénétrer le lecteur dans un monde bien glauque. Certains fonctionnaires de gendarmerie et de justice, qui ont bâclé leur travail ou tout fait pour étouffer cette affaire n'en sortent pas grandis. Le lecteurs peut espérer que ces derniers n'auront pas obtenu d'avancement, mais on peut en douter, car les fonctionnaires qui ne font pas de vagues sont généralement très bien notés. Reste cette affaire criminelle qui reste impunie, qui n'a pas révélée tous ses mystères, zones d'ombre, et qui la dernière page refermée laisse le lecteur face à un énorme sentiment de malaise et de gâchis. Des personnes ont été volontairement protégées, par des personnages hauts placés pas regardants sur la vertu et l'honnêteté, et sont partis vivre au calme et dans le luxe, avec une virginité retrouvée, loin de leur crime. Le silence obstiné des villageois où s'est déroulé le drame, a concouru aussi à leur offrir l'impunité et à ne pas trop entacher leur "respectabilité".

Un excellent livre. A découvrir. Un travail fouillé et de très grande qualité du journaliste Antoine Albertini.

Après cette lecture j'ai à la fois une impression de dégoût, et ressens un sentiment d'injustice... dégoût contre les assassins restés impunis, contre l'administration aveugle ou pire qui a coopéré, le pouvoir qui avait d'autres chats à fouetter... et sentiment d'injustice vis à vis du chef de recherche de gendarmerie de l'époque, mis au placard par sa hiérarchie pour avoir voulu trop consciencieusement faire son travail.

Rien que pour cet homme, il faut espérer qu'un jour une conscience s'éveillera, et qu'un citoyen mutique jusqu'à présent délivrera enfin la clé du mystère.
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Banditi

«  Un cadavre de plus ou de moins: qu’est- ce que ça pouvait bien leur

faire? » .

——«  Et c’est aussi simple que ça ? Tuer et passer à autre chose » ?...

Deux extraits de ce polar noir et sombre à l’humour cynique, que j’ai vraiment apprécié .



Dans un village de montagne , le 6 mai 2019 disparaît , piqué par une abeille le Dernier Parrain Corse , César Orsini dit l’Empereur ..

De sa «  vie autrefois mouvementée » , le lecteur de Corsica - Matin n’apprenait rien , sinon un article truffé d’approximatives formules ...



Dans ce contexte , un ex- flic porté sur la boisson , le désespoir fiché au cœur, en quête de son grand amour perdu, est chargé de retrouver la trace de Baptiste Maestracci, un vieillard disparu de son village de montagne, sur les hauteurs de Bastia..



De découvertes spectaculaires en cadavres oubliés : mystérieuse demeure inhabitée ,plages de la côte Sarde, cimetière de Bologne , ruelles de Bastia l’auteur nous plonge dans les dérives de filles de bonne famille vers le terrorisme d’extrême gauche , au cœur de la mouvance nationaliste, brigades rouges , exécutions, activistes italiens, caïds, trafics , femmes faussement naïves , froides , vengeresses , jusqu’ aux boutistes , gueules locales , secrets corses, haines et mensonges, intimidations et menaces , fanatiques , commandos ,histoires de flingues et de came , descriptions fameuses, coulisses et ombres menaçantes, héros en quête de vérité, trucage de marchés publics , flics et gendarmes doublés et dépassés , nationalistes au pouvoir, anciens barbouzes prêts à tout pour solder leurs comptes, passé qui ne passe décidément pas, loin ,très loin de la Corse carte postale naïve , gorgée de soleil , que j’ai visitée ....



Un polar passionnant : phrases amples,, construction parfaitement maîtrisée, haletant , aux multiples rebondissements , aux personnages hauts en couleurs .

L’intrigue est riche, prenante, la narration soignée.

Je me suis un peu perdue à cause de la multitude des personnages , l’histoire et la ramification entre eux , mais je ne regrette pas ma lecture.

Il faut sans doute lire le premier roman de l’auteur : Malamorte ., avant .



Dernière Phrase : «  Le ciel était clair et tranquille, un temps à me faire éclater le cœur » .

L’auteur est correspondant du Monde en Corse.
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Malamorte

Titre : Malamorte

Auteur : Antoine Albertini

Editeur : JC Lattès

Année : 2019

Résumé : Faits divers sanglant dans une résidence Bastiaise : dans un accès de folie, Mohamed Cherkaoui a fait feu sur sa femme et sa fille âgée d'à peine cinq ans, avant de retourner son arme contre lui. Le capitaine envoyé sur place est affecté au BHS, le bureau des affaires simples, un placard où il végète et cuve son alcool depuis des années. La découverte du cadavre d'une femme, quelques jours plus tard, va pousser le flic à sortir de sa torpeur.

Mon humble avis : Depuis quelques semaines, Twitter regorge d'avis dithyrambiques sur ce roman d'Antoine Albertini : très grand polar, James Ellroy sur l'île de beauté, très grand bouquin, les compliments affluent et tout le monde s'accorde à trouver ce premier roman exceptionnel. Piqué par la curiosité, je ne pouvais décemment passer à côté d'un bouquin dont on dit tant de bien. Je commandais donc ce Malamorte et mettais de côté tous mes autres projets de lecture pour m'attaquer à ce roman insulaire. Quelques heures plus tard, je sortais de cette lecture avec un sentiment mitigé et je vais tenter de vous en expliquer les raisons. Tout d'abord, je tiens à souligner à quel point les premiers paragraphes de ce roman sont somptueux. Trouvailles stylistiques, description d'une Corse à mille lieux des cartes postales, installation d'une ambiance plombée en quelques lignes, regard sans concession sur ce qu'est devenu cette île, je me délectais à l'avance de ces quelques heures passées du côté de Bastia. Et puis au fil des pages, un style qui se délite, une intrigue qui patine, des clichés et les magnifiques promesses des premières pages qui s'évanouissent. Entendons nous bien, Malamorte est un bon polar, classique, solide, mais on sent que l'auteur en garde sous la semelle pour rester dans les clous du genre et c'est bien dommage. Evidemment l'exercice est ardu, le chemin mille fois balisé, et de ce point de vue l'auteur ne s'en tire pas si mal. Comme un élève appliqué, Albertini maîtrise son histoire jusqu'au dénouement, c'est carré, solide, mais sans surprises et si son personnage principal n'est pas dénué d'intérêt, il est trop caricatural pour emporter l'adhésion. Reste qu'il s'agit d'un galop d'essai, et j'imagine ce que pourrait donner un second roman d'Albertini délivré des angoisses et des doutes inhérents à la rédaction d'une première oeuvre de fiction. Pour cela, et pour la magie des premières pages de Malamorte, pour la passion que l'on sent poindre entre les lignes, j'attendrais avec impatience le prochain roman de cet auteur corse.

J'achète ? : Si tu es fan de polar, tu ne seras pas déçu par l'intrigue plutôt bien ficelée de ce roman. Si comme moi tu accordes plus d'importance à l'ambiance qu'à l'enquête proprement dite, si tu es plus attaché aux détails et aux personnages qu'à la résolution de cette enquête, tu resteras un peu sur ta faim. Je me répète, il me semble que l'auteur est loin d'avoir tout dit avec ce premier opus et j'ai réellement hâte de découvrir les prochains romans d'Antoine Albertini.
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Un très honnête bandit

« …Car laisser sans réponse une offense revient à se transformer en spectre que personne ne salue plus dans les rues du village, un mezz’omu, une moitié d’homme, et il faut alors se parjurer en faisant couler le sang pour retrouver sa place dans la société des vivants, quitte à s’en retrancher pour le restant de ses jours. »



À Murattelu, sur les hauteurs de Porto-Vecchio, les tensions sont ancestrales entre le clan Rocchini et le clan Tafani, pourtant cousins. Et la mort d’un chien Rocchini va suffire à réanimer le processus de vengeance dans le sang qui a déjà coûté tant de vies. Mais c’est un code d’honneur auquel nul corse ne peut déroger.



L’affront lavé à coups de fusil, Xavier Rocchini n’a plus d’autre choix que de prendre le maquis rejoignant dans une vie d’exil, de larcins et de crimes, le clan des bandits cachés, avec à ses trousses, l’iconoclaste gendarme Franchi (qui a dû inspirer Columbo tant dans son look que dans son flair).



S’inspirant d’un fait divers déterré des archives corses après un colossal travail d’enquête, Antoine Albertini nous embarque avec Un très honnête bandit, dans une épopée romanesque épique au fil de la vie de ce Rocchini dit l’Animali.



Mais très vite, le roman épique se double d’un regard historique et sociétal, atténuant peu à peu le regard bienveillant des premières pages pour ces bandits d’honneur, au profit d’une approche plus critique. Le romancier donne alors plus de place au journaliste et le ton change.



Et c’est là tout le sel de ce livre et l’habileté de l’auteur, capable de mettre un temps sa corsitude au vestiaire pour démythifier des comportements souvent glorifiés, mais finalement hautement condamnables.



Glorifiés, à l’image de ce qu’écrivait un auteur local en 1857 : « Qu’on ne confonde point le bandit corse avec le brigand continental, car ce serait une grande injustice. »



Condamnables, car « Jamais aucun bandit ne prit la défense de la veuve et de l’orphelin, jamais la Corse ne compta le moindre justicier s’enfuyant à triple galop à la barbe des gendarmes (…) Les bandits ne sont que putrescences vomies des boyaux de la terre, créatures de cauchemar chevauchant la peur et la nuit. »



Après avoir beaucoup apprécié ses précédents romans et malgré quelques longueurs dans les digressions historiques, je me suis délecté de ce livre addictif et intelligent, instructif et rythmé. Et bravo au passage pour ce petit clin d’œil amical au troubadour de Couffoulens…

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Malamorte

La Corse est un endroit que je souhaite visiter depuis de nombreuses années, pour la richesse de ses panoramas aux couleurs multiples, une faune et une flore très riches, de belles plages. Pourtant, ce polar « Malamorte » qui y prend ses quartiers là-bas, ce n’est pas un paysage, digne des plus belles cartes postales, qui y est conté, assombri par une pluie constante.



Les magouilles et la main-mise par la mafia sur l’île de Beauté ne sont des secrets de polichinelle pour personne. L’auteur, Antoine Albertini les ressuscite alors que les médias entretiennent une certaine omerta.



Tout commence par le meurtre d’une fillette et de sa mère par le père de famille qui aurait raté son suicide. C’est au BHS, le bureau des affaires simples d’un flic alcoolique, mis au ban du commissariat de Bastia que cette affaire va atterrir. En plus de cette enquête, les meurtres et viols de femmes viennent s’y ajouter.



J’ai apprécié que l’auteur présente cette double intrigue face à un flic sillonnant Bastia loin des sentiers battus, écoeuré par le système et rejeté par ses pairs. Anti-héros par excellence sans nom ni prénom, c’est son instinct et non les fricotages qui lui permettront de remplir à bien à sa mission. Pour certains lecteurs, ils y trouveront des clichés du genre, mais cela ne m’a pas ennuyée outre mesure.



Le fait d’écrire la trame à la première personne du singulier, plus rare en matière de littérature policière, pour cet obscur capitaine permet de rentrer plus profondément dans le récit et aussi une identification à son personnage.



L’ambiance est très sombre, voire glauque aux tréfonds des manipulations politiques. Cela engage de nombreux personnages et il faut faire attention de ne parfois pas s’y perdre.



C’est un polar à l’ancienne qui se lit bien. Chantages et trafics vous mèneront dans cette Corse, battue par les vents et les pluies. Le suspens est bien présent et ce n’est qu’aux dernières pages que se dévoile le dénouement que je n’avais pas vu venir. Ce livre est en fin de compte prometteur.



Ce livre fait partie de la sélection d’avril 2020 en lice pour le Prix des Lecteurs des éditions du Livre de Poche, catégorie « Polar ».
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Les invisibles

« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je viens vous parler d'un livre non fictif sur la Corse intitulé Les Invisibles et signé Antoine Albertini.



-Ah, la Corse ! L'Ile de Beauté ! Ses paysages enchanteurs, ses exquises spécialités, l'un des meilleurs tomes d'Astérix…



-Et son racisme assumé, sa violence dramatique, son taux de chômage alarmant...



-Oh nooon ! Ne casse pas mon rêve, s'il te plaît !



-Je n'ai pas le choix : avec ce qui va suivre, tu risques d'idéaliser un peu moins les lieux.



Or donc, Les Invisibles. On dirait le nom d'une caste vivant bannie de la société. C'est le cas, d'ailleurs : sans papiers, ils n'existent pas. Ils se font discrets pour ne pas s'attirer d'ennuis, travaillent dur au noir et sans droits.



Ils forment une communauté hétéroclite d'ouvriers agricoles venus d'Afrique du Nord. En novembre 2009, l'un d'entre eux est retrouvé mort sur une route isolée de la Plaine orientale. Assassiné. Qui a tué El Hassan Msarhati ? Et pourquoi ?



-Oh, chouette, une enquête policière !



-Oui. Et pas facile. Modère ton enthousiasme, s'il te plaît, ce n'est pas « juste une histoire ». Antoine Albertini présente et décortique des faits authentiques. L'enquête commence… et l'auteur la reconstitue pour nous, lecteurs, de façon intelligible, tout en menant en parallèle ses propres observations sur la Corse et ce que révèle cette affaire.



-Et elle révèle… quoi ?



-Beaucoup de choses. La misère dans laquelle ces ouvriers sont maintenus, l'exploitation impitoyable dont ils font l'objet dès leur départ pour l'Ile de Beauté, les raisons pour lesquelles ils ont quitté leur pays, comment et pourquoi ils constituent des cibles faciles… le livre présente également l'absurdité d'un système qui ne fonctionne pas, qui ne résout pas le problème de l'immigration clandestine, mais qui, au contraire, le complique.



Le tout se déroule sur fond de racisme parfaitement décomplexé de la part de plusieurs locaux.



-Pas vacances, l'ambiance… Il doit être insupportable, ce bouquin !



-Absolument pas. Je soupçonne son auteur de se révolter avec passion contre l'impunité des brutes et l'absurdité des règles. Ce sentiment d'indignation est perceptible à chaque page, dans un texte bellement travaillé.



Certaines pages sont froides et cliniques, notamment celles de l'autopsie (je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit détaillée à ce point, d'ailleurs), mais la plupart d'entre elles contiennent une colère froide, une horreur glacée et provoquent une profonde tristesse à te faire passer le goût des clémentines.



J'ai failli écrire « il est journaliste, mais il écrit bien », mais c'était pas gentil pour la profession de journaliste. L'auteur cisèle ses phrases, applique des italiques pour souligner l'horreur ou la bêtise navrante de ses contemporains. Ses mots sont choisis avec soin, ses phrases, bien que longues, ne sont jamais lourdes.



Il ressort de tout cela une atmosphère pesante, profondément noire, pessimiste aussi, et pourtant, je n'ai jamais éprouvé l'envie de poser le bouquin pour passer à autre chose, convaincue par la qualité du style.



Peut-être aussi parce que toute cette indignation révèle un autre sentiment.



-Lequel ?



-L'amour.



-Comment ça, l'amour ? Qu'est-ce que l'amour vient faire là-dedans ?



-Réfléchis un peu. Si tu n'éprouves qu'indifférence, est-ce que tu vas t'amuser à éplucher des dizaines de dossiers, de rapports d'enquête, à chercher des gens pour collecter leurs témoignages, à te rendre sur les lieux pour les décrire fidèlement juste pour écrire un bouquin de deux cents pages ? Non, tu n'y vas pas.



Je crois, mais ce n'est jamais que mon hypothèse de lectrice, que l'auteur éprouve un profond attachement à la fois pour cette terre et pour les humains qui la peuplent (ou au moins pour les droits desdits humains).



Si ce n'était pas le cas, le sort des Invisibles ne le mettrait pas autant en colère. »
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Malamorte

Prenant à rebours tous les clichés sur la Corse – le soleil, la plage, la vie douce, la destination de vacances -, Antoine Albertini nous donne à voir une autre facette de l’île, qu’il connait bien semble-t-il – il n’a probablement pas publié par hasard une enquête sur Les dessous de l’affaire Colonna -. Cette facette, c’est celle des magouilles entre politiciens et entrepreneurs, de la drogue et de la violence, du racisme et des règlements de compte entre truands…



L’ambiance est noire, le héros est désabusé, l’alcool est triste, la joie est aux abonnés absents. Même le climat se met de la partie : la saison est à la pluie, le vent souffle, on sent que tout se ligue pour ne donner qu’une seule envie, rester chez soi !



Et c’est dans cette noirceur que notre narrateur évolue, comme si le fait que, comme il le dit au début du livre, « Pour contempler mon avenir de flic, je n’avais qu’à me retourner » l’amène à un état de détachement qui lui autorise tout. Toutes les transgressions – aller mettre la pression sur les gendarmes ou débarquer sans prévenir dans la plus grosse entreprise de l’île, alors que l’on sait que le patron bénéficie à la fois de protections politiques et d’accointances dans le Milieu -, toutes les audaces. Mais c’est la liberté du désespoir… Et, naturellement, toute lueur d’espoir risque d’être rapidement noyée par les circonstances.



Et puisque tout est noir dans ce livre, l’humour également se met au diapason. Lorsqu’un témoin qui, naturellement, n’a rien vu et rien entendu se fout trop ouvertement de sa gueule, celui dont on ne connait pas le nom rêve tout éveillé de lui enfoncer la tête dans la cuvette des toilettes et de l’agripper par les cheveux. Le procureur de la République, qui espère juste que rien ne se passe, ne parvient même pas à retenir le nom des personnes concernées…



L’ensemble donne un livre sombre, dans lequel les bons ne gagnent pas totalement à la fin. Mais c’est très bien construit, le puzzle se reconstitue progressivement sous nos yeux, grâce à quelques fulgurances de notre ami capitaine de police. Mais le meilleur indice du fait que ce livre m’a vraiment plu, c’est que j’ai ressenti une pointe de déception en apprenant – attention, spoil – qu’il pose sa démission à la fin du livre. J’aurais bien lu une suite de ses aventures. Et j’ai même été jusqu’à aller vérifier, et par arborer un sourire lorsque j’ai vu que, dans le livre suivant, Banditi, il semble bien que l’on retrouve un personnage, ancien flic devenu détective… Je n’exclue pas, d’ailleurs, que l’on puisse, au fil de cette série naissante, découvrir que l’on ne sait pas de tout de cette disparition qui a favorisé sa chute, celle d’une femme dont on ne sait pour le moment pas grand-chose…
Lien : https://ogrimoire.com/2020/0..
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Un très honnête bandit

Xavier Rocchini est une sorte de prototype du bandit, celui qui a vengé son père en tuant son cousin et a pris le maquis. Nous suivrons sa cavale dans les montagnes de la Corse, au XIXème siècle.

Nous parcourrons ainsi cette île, ses paysages, ses traditions, sa criminalité… et bien plus encore.



Le titre du livre est ironique et coupe court à l’idée du romantisme chevaleresque des bandits corses en montrant leurs vilenies (cf citation).

Le roman s’inspire de faits réels et oscille tout du long entre une étude ethnologique des criminels insulaires et une aventure épique.

La couverture affiche ainsi cette dualité : de couleur crème marquée “roman” avec un petit fusil au dessus du nom de l’éditeur et une jaquette reproduisant la Une consacrée à l’affaire dans “Le Petit Bastiais”, journal du 07 juin 1888.



Antoine Albertini a parfaitement documenté cette histoire ; la bibliographie, si elle est sélective, ne compte pas moins de neuf pages !

En regard des aventures du bandit décrites sans empathie aucune, l’auteur fournit des analyses sur la réalité de la violence qui avait cours sur l’île.

Il cite des compte-rendus officiels d’audiences, de procès, d'articles de journaux…

Il pimente son texte de mots et d’expressions en langue corse.

Il décrit avec naturalisme les cérémonies insulaires.

Enfin, il s’essaye avec succès à utiliser un style en lien avec l’époque.



Le luxe de détails nous fait parfois perdre un peu de la dynamique du roman au profit d’un témoignage journalistique. C’était le risque mais c’est aussi son intérêt.



Le travail de l’auteur nous offre une immersion dans la géographie et l’histoire de l’île de beauté à travers le prisme de la vendetta qui explique encore des caractéristiques de la Corse d’aujourd’hui.



J’ai apprécié ce livre avec un regret, celui de ne pas être un natif pour retrouver les paysages, la culture et l’histoire de l’île que je ne connais qu’en touriste.

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Banditi

La disparition d’un vieillard dans un village de montagne sur les hauteurs de Bastia ; un ex-flic alcoolo chargé d’enquêter ; un cadavre revenu du passé… Départ assez classique de polar mais rassurez-vous avec Antoine Albertini, ça accélère fissa !



Car si le temps des nuits bleues, des guérillas nationalistes, des tractations avec l’état français, des flics et gendarmes aveugles ou dépassés, des trucages de marchés publics et autres vendettas avec les parrains bolognais est bien révolu, les comptes du passé sont loin d’être soldés et notre privé va rapidement se retrouver piégé dans d’inextricables enjeux croisés. L’époque a changé, mais pas encore pour tout le monde.



Rythmé et porté par un solide fond documentaire sur les trente dernières années de la petite et la grande histoire corse, Banditi est un polar noir efficace et réussi, qui évite les effets de manche pour laisser la part belle aux personnages : privé récurrent à l’impossible deuil amoureux, parrain vieillissant limite attendrissant, femmes fières et vengeresses, gueules locales criantes de réalisme, l’exercice est réussi haut la main !



Mais le véritable héros du livre, c’est la Corse, et Banditi est bien plus qu’un polar : c’est un grand roman d’amour… dans lequel Albertini n’a de cesse que de déclarer sa flamme à son île ! Car s’il y a bien comme un vent bizarre qui souffle sur la Corse, c’est un vent où se mélangent fiertés nostalgiques et velléités de renouveau, un vent qui transporte les effluves nauséabondes d’une grève d’éboueurs aux intentions trop évidentes, un vent qui tente de chasser les espérances si souvent déçues, mais un vent qui persiste à ramener sur l’île l’espoir de lendemains apaisés.
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Malamorte

Sur l'île de Beauté, Antoine Albertini nous propose un roman loin des clichés touristiques habituels , il pleut , il fait froid ,le vent est désagréable et les drames familiaux existent comme ailleurs ... Mohamed Cherkaoui a tenté de se suicider après avoir tiré sur sa femme et sa petite fille . L'affaire est simple et c'est donc au bureau des homicides simples qu'elle est confiée , juste une formalité avec un interrogatoire des proches voisins et des employés de cet entrepreneur de BTP qui connaissait des difficultés après avoir vécu un âge d'or grâce aux marchés conclus avec un magnat local , Massa . Le héros de ce polar est l'inspecteur en charge de ce bureau , une sorte de purgatoire , de mise à l'écart où il noie un drame personnel dans l'alcool et les nuits blanches ... Mais notre inspecteur n'en demeure pas moins professionnel et tique sur des conclusions trop hâtives.



Peu de temps après survient un meurtre d'une femme sur un sentier de randonnée qui ne semble pas intéresser grand monde mais la situation change lorsque c'est une mère de famille connue qui est assassinée... L'inspecteur , qui travaille en solo, avance sans que ses supérieurs soient bien convaincus de ses trouvailles ...



C'est bien fait, on retrouve tous les ingrédients d'un polar: des procureurs ambitieux, des flics blasés, la guéguerre flic-gendarme, des légionnaires douteux, des politiciens corrompus , la mafia locale , quelques indépendantistes égarés ... Et la fin arrive à surprendre .



Par moment, j'ai trouvé cela un peu laborieux mais peut-être est-ce un défaut de jeunesse chez cet auteur dont c'est le premier polar .



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Malamorte

Drame familial à Bastia : Mohamed Cherkaoui a abattu sa femme et sa fille d’une décharge de chevrotine avant de retourner l’arme contre lui. Le dossier est confié à un capitaine de police placardisé au « Bureau des homicides simples ». Autrement dit, personne ne doute que Cherkaoui soit l’auteur des coups de feu. Mais le policier refuse de se contenter d’une conclusion trop évidente. Il découvre que l’entrepreneur travaillait pour un promoteur influent de l’île aux fréquentations peu recommandables. Un matin, alors qu’il est de permanence, il est appelé sur une nouvelle scène de crime. Le cadavre d’une femme a été retrouvé sur le sentier des Glacières par un couple de randonneurs…Peu avant cette macabre découverte, ils avaient croisé le chemin d’un homme en tenue militaire…



Le personnage principal dont l’identité n’est jamais précisée cumule tous les poncifs du genre : c’est un policier en disgrâce qui noie un vieux traumatisme dans l’alcool. Son atout est de connaitre parfaitement l’île où il a grandi, ce qui lui permet de mener son enquête hors des sentiers battus. Dans ce roman, la Corse est délestée de ses clichés, vous n’y trouverez pas de paillotte ou d’indépendantiste cagoulé. L’auteur place son intrigue dans une île « hors saison » battue par la pluie et le vent. On découvre les quartiers périphériques de la région semblables à ceux de la métropole: des quartiers pavillonnaires sans charme, des zones d’activité pleines d’entrepôts et de hangars, et pour desservir tout ce fatras urbanistique, une multitude de ronds-points.



La Corse est grignotée par des promoteurs immobiliers insatiables. Et sans surprise, en grattant un peu le vernis de la notabilité, on tombe sur une collusion entre affairistes, truands et fonctionnaires corrompus. Du côté de l’Etat, le tableau n’est pas plus reluisant. La République est représentée par des magistrats carriéristes, des sous-préfets véreux et des gendarmes et des policiers qui n’hésitent pas à franchir la ligne rouge.



Ce roman est remarquable. Il se démarque par son réalisme désabusé, son exploration des strates de la société corse, son ton à la fois grave et cocasse et son ambiance pesante. On pardonne à l’auteur son anti-héros stéréotypé et sa fin rocambolesque. Malamorte est un premier roman prometteur qui nous rappelle que l’île avec sa beauté sauvage est un cadre idéal pour un roman noir.



Je remercie NetGalley et les éditions JC Lattès de m’avoir permis de découvrir ce livre.

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Malamorte

Malamorte Antoine Albertini J.C Lattès mai 2019#Malamorte #NetGalleyFrance



Bastia, les Albatros, le BHS a été appelé pour une tragédie familiale. Mohamed Cherkaoui a tué sa femme et sa fille de 5 ans avant de se suicider. BHS comprenez Bureau des homicides simples. Un titre bien ronflant pour un placard au fond du couloir ... le flic dépêché sur les lieux est le seul exerçant ses fonctions au BHS. Un flic en disgrâce , un flic en guerre avec lui-même et l'alcool , je vous présente Je , le narrateur.

Pas de bol d'astreinte il est appelé sur les lieux d'un assassinat, une femme a été étranglée. Peu d'indices mais il cherche. Chrekaoui est toujours en vie , il essaye de comprendre ce qui a pu provoquer ce geste.Un autre assassinat , une autre femme. Il reste sur l'affaire alors il cherche, il fouine et va finir par trouver..

Antoine Albertini est journaliste, il vit et travaille sur l'île. le regard qu'il porte sur les protagonistes de son roman est donc un regard averti et informé. Certes c'est un roman policier avec meurtres, enquête et résolution de l'énigme, mais c'est surtout un roman noir se déroulant en Corse et cela change tout...Un roman que la continentale que je suis a dévoré et vous recommande chaleureusement.

Un très grand merci aux éditions J.C Lattès pour ce partage.
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Les invisibles

Étrange de commencer un livre en pensant découvrir une fiction et soudain, se dire que non, pas du tout, cette « enquête en Corse » n'est pas un roman policier mais une vraie enquête de terrain menée par un journaliste courageux, rédacteur en chef adjoint de Corse-Matin et correspondant du Monde, qui a voulu que soient connues des pratiques dont on parle peu ou pas assez.

Et pourtant…

Pour sûr que vous ne verrez plus jamais vos clémentines corses du même œil, je dis ça mais, à mon avis, les fraises espagnoles dont le rouge séduisant explose sur tous les étals actuellement sont les fruits de la même misère.

Tout commence par un meurtre : celui de El Hassan Msarhati, 40 ans, marocain, travailleur immigré clandestin, assassiné en pleine journée d'une balle dans la tête le 16 novembre 2009 sur la route de l'ancienne voie ferrée de San Giuliano, en Corse.

Pendant plusieurs années, Antoine Albertini a mené l'enquête dans le détail pour tenter de comprendre. Mais « reconstituer le parcours d'un Invisible est une tâche difficile » avoue-t-il et pourtant, il s'y colle et l'on comprend ce qui le motive : quinze jours avant d'être sauvagement assassiné, le travailleur immigré avait prévenu le journaliste : « Si je parle, je vais prendre une balle dans la tête » et il avait parlé.

En effet, devant le micro même d'Antoine Albertini, il avait expliqué ce que tout le monde savait déjà. Un système tout simple : pour ramasser les fruits (clémentines, kiwis, raisins) sur la plaine orientale de l'île (à l'est, entre Bastia et Porto-Vecchio), il faut de la main- d'oeuvre. Beaucoup de main-d'oeuvre. Ça tombe bien parce que de l'autre côté de la Méditerranée, ils sont nombreux à vouloir tenter leur chance en France, obtenir des papiers, et travailler pour que ceux restés au pays s'en sortent un peu moins mal.

Pour ça, des passeurs leur proposent, contre une somme exorbitante (entre six et dix mille euros), un contrat de travail temporaire (au bout de quatre mois, ils doivent repartir) et leur font aussi miroiter l'espoir d'obtenir des papiers. Alors, ils deviennent ce que l'on peut appeler des esclaves modernes : ils sont logés dans des caves humides, des hangars en ruine ou des caravanes pourries : « l'habitat des Invisibles peut être classé sur une échelle allant du « médiéval » au « quart-monde » » et ils travaillent des douze heures par jour pour une quarantaine d'euros. S'ils se plaignent, ils virent. Alors, ils se taisent, disent « oui, oui, d'accord », bossent, ne se soignent pas et vieillissent prématurément. On les appelle les Invisibles. Ils n'ont ni identité, ni statut, sont à peine considérés comme des êtres humains. Ils restent entre eux. Tout le monde sait ça sur l'île mais l'économie insulaire a besoin d'eux, que ce soit dans le domaine agricole ou la restauration, donc on ferme les yeux. C'est comme ça. Cela se nomme un trafic d'êtres humains.

Et en plus, payés en liquide, nombreux sont ceux qui se font racketter, parfois par les membres mêmes de leur communauté ! Terrible cercle vicieux… L'exploitation de l'homme par l'homme.. Pas joli joli...

Quant aux pauvres gendarmes, coincés entre le silence des travailleurs immigrés et de leurs patrons et les hauts fonctionnaires qui préfèrent faire l'autruche afin d'éviter de regarder la réalité en face, ils font tout ce qu'ils peuvent pour mener à bien leur enquête jusqu'à ce qu'on leur demande de s'occuper d'une autre affaire. À moins qu'une mutation ne leur tombe dessus...

El Hassan Msarhati voulait-il dénoncer cet insupportable trafic ? Ou bien a-t-il été victime d'un acte raciste perpétré par quelque petite frappe du coin confondant jeux sur console et réalité ?

Une enquête coup de poing intelligemment replacée dans le contexte historique et socio-économique de la Corse : avec une très grande clarté et beaucoup de minutie, Antoine Albertini explique comment, dans les années 50, les pieds-noirs marocains et algériens acquièrent des terres - des lots importants - et pas mal de subventions de la part du gouvernement français au détriment des petits agriculteurs locaux qui se sentent dépossédés. Les profits sont tels qu'ils entraînent de vives jalousies. Peu de temps après, revendications « nationalistes » et graffiti racistes explosent.

Le journaliste rappelle tous les paradoxes de notre société : on refuse des papiers à des travailleurs dont on ne peut se passer d'un point de vue économique, on les maintient dans l'illégalité ce qui entraîne moult trafics, on tente de les ficher si bien qu'ils préfèrent masquer leur identité et enfin, on accepte que, dans les cuisines des restaurants où l'on passe du bon temps, dans les bureaux, très tôt le matin, avant même que nous y mettions les pieds ou dans les plantations d'agrumes sous un soleil de plomb, souffrent des hommes qui se taisent, des hommes qui ne sont rien. D'ailleurs, quand ils disparaissent, comme ils ne « comptent pour personne » comme le dit un gendarme qui a mené l'enquête, eh bien, on passe à autre chose…

Un texte très fort, bien écrit et qui se lit d'une traite, comme un roman policier (finalement, je ne me trompais pas tant que ça!) : évidemment, je vous en recommande vivement la lecture. L'île de Beauté vire au noir. C'est sombre, bien sombre même. Loin, très loin des clichés touristiques ! Comment imaginer en effet qu'à notre époque et sur notre sol existe encore l'esclavage ?

Quand la réalité rattrape la fiction…

« Dans la France de 2018, les belles âmes rivalisent de compassion envers les migrants, ces centaines de milliers d'hommes, de femmes, de nourrissons africains, libyens, syriens, qui fuient la misère ou l'absurde cauchemar islamiste. Pas une semaine sans cette insoutenable indignation moralisatrice qui pousse les professionnels de la commisération à empoigner un micro pour crier leur solidarité.

Les mêmes ignorent-ils que d'autres migrants, africains, marocains, algériens, pakistanais, roumains, préparent leurs plats dans les cuisines de leurs restaurants préférés, nettoient leurs bureaux depuis des années, cueillent les fruits frais vendus chez l'épicier du coin, balayaient déjà leurs rues bien avant qu'ils n'y habitent ? Il suffit pourtant d'ouvrir les yeux pour apercevoir cette misère du quotidien. Il suffit de le vouloir. Les Invisibles sont partout. C'est pour cette raison qu'on ne les voit pas. »

Antoine Albertini nous donne à voir ces gens, ces Invisibles.

En espérant qu'un tel livre puisse faire changer les choses !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Les invisibles

Village de San Giuliano en Haute-Corse, le 16 novembre 2009. Un cadavre est étendu sur le dos, bras en croix et jambes écartées, au milieu d'un chemin de campagne. le visage a été emporté par une munition de gros calibre. Les écouteurs du baladeur numérique de la victime continuent à diffuser une musique orientale à plein volume. le mort est identifié non sans difficulté par les gendarmes. El Hassan Msarhati était un Marocain en situation irrégulière arrivé en Corse pour travailler dans les exploitations agricoles. le drame interpelle le journaliste Antoine Albertini qui avait rencontré la victime quelques jours plus tôt dans le cadre d'un reportage sur les filières d'immigration clandestine.



Ce fait divers est le point de départ d'une enquête sur les « invisibles ». Qui sont-ils ? Ce sont principalement des Marocains entrés sur l'Île grâce à un contrat saisonnier mais qui vont rester sur place à son échéance. Ils vivent en marge dans des taudis : caves insalubres, huttes dissimulées dans un bosquet, caravanes délabrées ou chambres froides désaffectées. C'est un sous-prolétariat qui accepte les travaux les plus durs pour un salaire avoisinant 2€ de l'heure. Les services de l'Etat ferment les yeux sur la situation de ces hommes qui n'ont ni papiers, ni contrats car les exploitations agricoles ne tiendraient pas sans le recours à cette main d'oeuvre. Payés en liquide le vendredi, ils sont parfois la proie de racketteurs qui profitent de leur isolement et de leur vulnérabilité.



Si le texte est succinct, Antoine Albertini parvient à relater l'enquête des gendarmes sur l'assassinat de El Hassan Msarhat, à décrire l'organisation des filières de l'immigration clandestine et à mettre en lumière les conditions de vie de ces parias. Son but n'est évidemment pas de fustiger la Corse. le mécanisme est identique sur le continent. Et comme le dit le journaliste : « les Invisibles sont partout. C'est pour ça qu'on ne les voit pas. » Sur les chantiers, dans les exploitations agricoles ou les cuisines des restaurants. Ils vivent en marge de notre confort, corvéables, anonymes et muets.





Je remercie les éditions Points et Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une Masse critique.
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Les invisibles

L'homme est étendu sur le dos, la balle de gros calibre a pénétré par le côté arrière du cou, et a emporté la moitié inférieure du visage, un Arabe qui a été fumé près de l'ancienne voie ferrée. Il s'appelait El Hassan, surnommé "La vache", c'était un menteur, une grande gueule, un mécréant qui aimait un peu trop les femmes, il buvait pas mal et avait toujours de belles sommes d'argent sur lui. Était-il un prospère trafiquant de drogue ?



El Hassan a participé à un documentaire consacré à l'immigration clandestine, vingt-huit secondes pour dénoncer ce qui se passe avec les ouvriers clandestins, un sous-prolétariat agricole, une population invisible et muette. Est-il mort d'avoir trop parlé ?



À travers l'enquête sur ce meurtre, l'auteur dénonce ce quart- monde, à deux cents mètres de la route qui mène les touristes vers les plages du sud de l'île, ces invisibles qui acceptent les plus basses besognes pour un billet de vingt euros. Une enquête minutieuse qui nous raconte l'arrivée des pieds-noirs en Corse qui accaparent les terres, apportant un nouvel essor, une agriculture mécanisée et intensive, profitants de facilités et d'aides auxquelles les Corses n'ont jamais eu droit. Les paysans corses sont étranglés, la mèche est allumée, le nationalisme corse vient de naître. Les arrangements avec la loi, les combines, les menaces la brutalité, le vin importé du continent que l'on met dans des bouteilles tête-de-Maure et que l'on vend par milliers de bouteilles dans les supermarchés norvégiens.



Ces nouveaux colons venus dans leurs bagages avec des milliers de travailleurs marocains, une filière clandestine liant passeurs marocains et agriculteurs corses, ces travailleurs accusés de voler le pain, d'occuper des emplois qu'aucun corse ne veut, injures et vexations, la violence qui gagne du terrain, les rackets, des vagues d'attentats , on les rend responsables du trafic de drogue, la montée du racisme d'une partie de la société corse.



Le travail remarquable d'Antoine Albertini à partir de faits exacts permet de mettre en pleine lumière ces invisibles, esclaves des temps modernes.








Lien : http://notreavis.canalblog.c..
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