Je ne vous retracerai pas les commentaires complets des événements de mon règne ; ils furent trop importants et trop compliqués pour qu’on puisse les raconter avant que les grands personnages qui y prirent part, pour ou contre moi, aient publié leurs mémoires, développé leurs vues, expliqué leurs actions. Il faudra laisser le soin de cet immense travail à la postérité, à un disciple fidèle de la sévère Clio…
Dans tous les arts comme dans toutes les situations de la vie, le savoir et le savoir-faire sont deux choses tout à fait différente, et si l'on réussit souvent par le dernier seulement, ce n'est jamais que la réunion des deux qui constitue un homme supérieur et assure un succès complet.
Le but essentiel de cet ouvrage est de démontrer qu'il existe un principe fondamental de toutes les opérations de la guerre, principe qui doit présider à toutes les combinaisons pour qu'elles soient bonnes. Il consiste:
1° A porter, par des combinaisons stratégiques, le gros des forces d'une armée, successivement sur les points décisifs d'un théâtre de guerre, et autant que possible sur les communications de l'ennemi sans compromettre les siennes.
2° A manœuvrer de manière à engager ce gros des forces contre des fractions seulement de l'armée ennemie.
3° Au jour de la bataille, à diriger également, par des manœuvres tactiques, le gros de ses forces sur le point décisif du champ de bataille, ou sur la partie de la ligne ennemie qu'il importerait d'accabler.
4° A faire en sorte que ces masses ne soient pas seulement présentes sur le point décisif, mais qu'elles y soient mises en action avec énergie et ensemble, de manière à produire un effort simultané.
Je ne saurais terminer cet article sans citer un propos de Napoléon. Je lui ai entendu dire que, dans ses premières campagnes, l'armée ennemi était toujours si bien pourvue, que, lorsqu'il se trouvait embarrassé de nourrir la sienne, il n'avait qu'à la jeter sur les derrières de l'ennemi, où il était certain de trouver tout en abondance.
L'histoire est la seule école dans laquelle on puisse trouver quelques bons préceptes, et il est encore bien rare de rencontrer des circonstances qui se ressemblent assez, pour qu'on doive se régler, à une certaine époque, sur ce qui aurait été fait quelques siècles auparavant. Les passions des hommes influent trop sur les événements, pour que les uns n'échouent pas, là même où d'autres ont réussi.
On objectera peut-être que dans la plupart des articles de ce Précis, je reconnais moi-même qu'il y a peu de règles absolues à donner sur les divers objets dont ils traitent : je conviens de bonne foi de cette vérité, mais cela veut-il dire qu'il n'y ait pas de théorie ?
Appliquée à une simple opération passagère, c'est-à-dire considérée comme initiative des mouvements, l'offensive est presque toujours avantageuse, surtout en stratégie.