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Citations de Antonin Artaud (995)


Antonin Artaud
Révolte contre la poésie

Nous n’avons jamais écrit qu’avec la mise en incarnation de l’âme, mais elle était déjà faite, et pas par nous-mêmes, quand nous sommes entrés dans la poésie.
Le poète qui écrit s’adresse au Verbe et le Verbe a ses lois. Il est dans l’inconscient du poète de croire automatiquement à ces lois. Il se croit libre et il ne l’est pas.
Il y a quelque chose derrière sa tête, autour de ses oreilles de sa pensée. Quelque chose est en germe dans sa nuque, où il était déjà quand il a commencé. Il est le fils de ses oeuvres, peut-être, mais ses oeuvres ne sont pas de lui, car ce qui était de lui-même dans sa poésie, ce n’est pas lui qui l’y avait mis, mais cet inconscient producteur de la vie qui l’avait désigné pour être son poète et qu’il n’avait pas désigné lui. Et qui ne fut jamais bien disposé pour lui.

Je ne veux pas être le poète de mon poète, de ce moi qui a voulu me choisir poète, mais le poète créateur, en rébellion contre le moi et le soi. Et je me souviens de la rébellion antique contre les formes qui venaient sur moi.

C’est par révolte contre le moi et le soi que je me suis débarrassé de toutes les mauvaises incarnations du Verbe qui ne furent jamais pour l’homme qu’un compromis de lâcheté et d’illusion et je ne sais quelle fornication abjecte entre la lâcheté et l’illusion. Je ne veux pas d’un verbe venu de je ne sais quelle libido astrale et qui fut toute consciente aux formations de mon désir en moi.

Il y a dans les formes du Verbe humain je ne sais quelle opération de rapace, quelle autodévoration de rapace où le poète, se bornant à l’objet, se voit mangé par cet objet.
Un crime pèse sur le Verbe fait chair, mais le crime est de l’avoir admis. La libido est une pensée d’animaux et ce sont ces animaux qui, un jour, se sont mués en hommes.

Le verbe produit par les hommes est l’idée d’un inverti enfoui par les réflexes animaux des choses et qui, par le martyre du temps et des choses, a oublié qu’on l’avait inventé.

L’inverti est celui qui mange son soi et veut que son soi le nourrisse, cherche dans son soi sa mère et veut la posséder pour lui. Le crime primitif de l’inceste est l’ennemi de la poésie et tueur de son immaculée poésie.

Je ne veux pas manger mon poème, mais je veux donner mon coeur à mon poème et qu’est-ce que c’est que mon coeur et mon poème. Mon coeur est ce qui n’est pas moi. Donner son soi à son poème, c’est risquer aussi d’être violé par lui. Et si je suis Vierge pour mon poème, il doit rester vierge pour moi.

Je suis ce poète oublié, qui s’est vu tomber dans la matière un jour, et la matière ne me mangera pas, moi.
Je ne veux pas de ces réflexes vieillis, conséquence d’un antique inceste venu de l’ignorance animale de la loi Vierge de la vie. Le moi et le soi sont ces états catastrophiques de l’être où le vivant se laisse emprisonner par les formes qu’il perçoit en lui. Aimer son moi, c’est aimer un mort et la loi du Vierge est l’infini. Le producteur inconscient de nous-même est celui d’un antique copulateur qui s’est livré aux plus basses magies et qui a tiré une magie de l’infâme qu’il y a à se ramener soi-même sur soi-même sans fin jusqu’à faire sortir un verbe du cadavre. La libido est la définition de ce désir de cadavre et l’homme en chute est un criminel inverti.

Je suis ce primitif mécontent de l’horreur inexpiable des choses. Je ne veux pas me reproduire dans les choses, mais je veux que les choses se produisent par moi. Je ne veux pas d’une idée du moi dans mon poème et je ne veux pas m’y revoir, moi.

Mon coeur est cette Rose éternelle venue de la force magique de l’initiale Croix. Celui qui s’est mis en croix en Lui-Même et pour Lui-Même n’est jamais revenu sur lui-même. Jamais, car ce lui-même par lequel il s’est sacrifié Lui-Même, celui-là aussi il l’a donné à la Vie après avoir forcé en lui-même à devenir sa propre vie.

Je ne veux être que ce poète à jamais qui s’est sacrifié dans la Kabbale du soi à la conception immaculée des choses.

Textes écrits à Rodez en 1944
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LA NUIT OPÈRE

Dans les outres des draps gonflés
où la nuit entière respire,
le poète sent ses cheveux
grandir et se multiplier.
Sur tous les comptoirs de la terre
montent des verres déracinés,
le poète sent sa pensée
et son sexe l’abandonner.
Car ici la vie est en cause
et le ventre de la pensée ;
les bouteilles heurtent les crânes
de l’aérienne assemblée.
Le Verbe pousse du sommeil
comme une fleur ou comme un verre
plein de formes et de fumées.
Le verre et le ventre se heurtent,
la vie est claire
dans les crânes vitrifiés.
L’aréopage ardent des poètes
s’assemble autour du tapis vert,
le vide tourne.
La vie traverse la pensée
du poète aux cheveux épais.
Dans la rue rien qu’une fenêtre,
les cartes battent ;
dans la fenêtre la femme au sexe¨
met son ventre en délibéré.
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NUIT

Les zincs passent dans les égouts,
la pluie remonte dans la lune ;
dans l’avenue une fenêtre
nous découvre une femme nue.
Dans les outres des draps gonflés
où la nuit entière respire,
le poète sent ses cheveux
grandir et se multiplier.
La face obtuse des plafonds
contemple les corps allongés
entre le ciel et les pavés,
la vie est un repas profond.
Poète, ce qui te travaille
n’a rien à voir avec la lune ;
la pluie est fraîche,
le ventre est bon.
Vois comme montent les verres
sur tous les comptoirs de la terre
la vie est vide,
la tête est loin.
Quelque part un poète pense.
Nous n’avons pas besoin de lune,
la tête est grande,
le monde est plein.
Dans chaque chambre
le monde tremble,
la vie accouche quelque chose
qui remonte vers les plafonds.
Un jeu de cartes flotte dans l’air
autour des verres ;
fumée des vins, fumées des vers,
et des pipes de la soirée.
Dans l’angle oblique des plafonds
de toutes les chambres qui tremblent
s’amassent les fumées marines
des rêves mal échafaudés.
Car ici la vie est en cause
et le ventre de la pensée ;
les bouteilles heurtent les crânes
de l’aérienne assemblée.
Le Verbe pousse du sommeil
comme une fleur, ou comme un verre
plein de formes et de fumées.
Le verre et le ventre se heurtent ;
la vie est claire
dans les crânes vitrifiés.
L’aréopage ardent des poètes
s’assemble autour du tapis vert,
le vide tourne.
La vie traverse la pensée
du poète aux cheveux épais.
Dans la rue rien qu’une fenêtre ;
les cartes battent,
dans la fenêtre la femme au sexe
met son ventre en délibéré.
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POUR LISE

Je veux faire rugir sous ta bague violette
Un Être dont les cris feront flamber ta tête de
poète ;
Je veux faire briller dans ton immense bague
Blanche,
Qui fait de ta main une eau dormante,
Un regard enfin prisonnier
Et qui se donne enfin
Comme une âme marine offerte aux feux premiers
D’un soleil engourdi dans les glaces polaires.
Enfin pour mieux marquer dans ces jours de
colère
L’apaisement venu de tes cils clandestins,
Je veux faire tomber la rosée du matin
Dans ce trou d’améthyste où murmure sans fin
Un poète enivré par ton âme lunaire.
Les reines d’aujourd’hui ne font plus de jardins
en étages
Où puissent s’élever la science et la rage
De nos cœurs lentement possédés ;
Mais comme un roi des jours anciens
Porte comme un calendrier
Son corps barbare et tatoué,
Ainsi de ta tête à tes pieds
Avec tes yeux, tes colliers, tes bagues
Tu fais tourbillonner des mirages
Capables de tuer notre faim.

25 août 1935.
Dimanche
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13

La littérature des modernes ne dépasse pas
le niveau de ce que peut donner une certaine
intelligence alliée à une heureuse culture. Il est
même piquant de voir à quel point une certaine faculté d’assimilation jointe à cette espèce de rouerie, de précocité propre aux âges
pourris, peut tenir lieu de talent. L’aigu désir
d’avoir du talent, et l’approfondissement par
leur intelligence propre de ce que renferme
l’idée de talent, confère à MM. Raval, Fierens,
Crémieux, Morand, une existence littéraire de
contrebande. En matière de style, notre
époque possède un seul inventeur : Jean Giraudoux. Les autres ne sont que piraterie, sur-
impression, mimétisme. Ces autres, une élégance identique les marque, une même uniforme bonne tenue, un même air d’être à la
page, et de savoir de quoi il retourne. Ce qui
fait le poète c’est, à la fois, la nouveauté (mais
une nouveauté authentique, dense, spontanée), et la substance de l’image, l’échelle du
sentiment, le courant souterrain, – car le sentiment a certainement une échelle dont le degré marque la beauté. Il serait faux de croire
que l’exaltation (je ne dis pas la qualité du sentiment, mais la classe, le rang, mais son ampleur) ne puisse avoir des degrés.
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12
BARAQUE

L’orgue n’avait pas d’accoucheuse
Mais la baraque crépitait
Et ma mère était la logeuse
Où je m’enfournai tout entier.
Des colombes de feu léger
Dardaient leurs flammes floconneuses
Sur la poitrine captieuse
Où le rêve me ligotait.
Mais plus tard la mariée creva
La membrane de toile claire
Où l’étroite tente solaire
Emprisonne tous nos ébats.
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11
MUSICIEN

Voici que s’embrase ton masque
Musicien aux veines cireuses
Allume les bobèches creuses
Avec tes notes en fusion.
La foudre partage les ventres
Des vaisseaux nouveaux que tu lances
Construis-nous un petit enfer
Avec tes firmaments en antres.
Les astres que tu dilapides
Les métaux précieux que tu crées
Composent le temple rapide
De nos sentiments familiers.
Mais voici la plus belle église
Qui ouvre ses canaux profonds
Belle église cent fois décrite
Où n’habitent que des démons.
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10
LE FLEUVE DE FEU

François Mauriac vient de terminer dans la
N. R. F. la publication d’un roman d’une haute
envergure morale, et, s’il est vrai que la morale
est à la base de l’être entier, et juge non seulement la qualité, mais encore la substance et
le poids de nos sentiments, d’une haute classe
littéraire. Je crois que François Mauriac ne se
sera vraiment trouvé qu’à partir du Fleuve de
feu. Car c’est le premier livre où il aura réussi
à opérer autour de trois ou quatre figures centrales, et suffisamment représentatives, le rassemblement de ses forces sensibles, de sa
haute impressionnabilité.
Le catholicisme est la pierre angulaire de
son talent. Il alimente et approfondit la matière
de ses sensations, que le goût du péché pimente. La préoccupation du péché, cette espèce d’angle moral sous lequel Mauriac nous
force à considérer chacun des gestes de ses
personnages, confère à ces personnages, et au
déploiement de l’atmosphère où ils se
meuvent, un haut sens humain qui creuse et
sensibilise leurs actions. En face de leurs
moindres élans, l’idée du péché agit par rapport à nous, lecteurs, à la façon d’un réactif.
On peut mettre le Fleuve de feu à côté d’Aimée
de Jacques Rivière. Il y a entre ces deux livres
toute la distance qui sépare une opération chirurgicale des épanchements du confessionnal.
Jacques Rivière semble travailler sur une espèce de matière morte dont chacun des états
serait à tout jamais déterminé. François Mauriac ne renonce rien de la vie, de cette espèce
d’attraction sensible que possèdent nos gestes,
les plus abjectes impulsions de notre âme,
quand on veut bien les considérer sur le plan
des principes supérieurs qui les conditionnent.
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9
UN PEINTRE MENTAL

Dans le genre fœtus Paul Klee (allemand)
organise quelques intéressantes visions.
J’aime assez quelques-uns de ses cauchemars, ses synthèses mentales conçues comme
des architectures (ou ses architectures au caractère mental), et quelques synthèses cosmiques où toute l’objectivité secrète des
choses est rendue sensible, plus que dans les
synthèses de Georges Grosz. Considérées en
même temps, la différence profonde de leur
inspiration apparaît. Georges Grosz crible le
monde et le ramène à sa vision ; en Paul Klee
les choses du monde s’organisent, – et il n’a
plus l’air que d’écrire sous leur dictée. Organi-
sation de visions, de formes, et aussi fixation,
stabilisation de pensées, inductions et déductions d’images, avec la conclusion qui en découle, et aussi organisation d’images, recherche du sens sous-jacent de certaines
images, clarifications de visions de l’esprit, tel
m’apparaît cet art. La sécheresse, la netteté de
Grosz éclatent devant ces visions organisées,
auxquelles demeure leur aspect de visions, leur
caractère de chose mentale.
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7

RIMBAUD & LES MODERNES

Faits nouveaux de pensées, branle, animation de rapports, – rapports non pas de sentiments, de l’intérieur d’un sentiment à l’intérieur d’un autre sentiment, mais de l’extérieur
d’un sentiment, de la place, du rang, de l’importance d’un sentiment avec l’importance d’un
autre sentiment, de la valeur extérieure, figurative d’une pensée par rapport à une autre pensée, – et de ses réactions par rapport à elles, de
leur admission en lui, de ses plis, de ses pentes,
– voilà l’apport de Rimbaud.
Rimbaud nous a enseigné une nouvelle manière d’être, de nous tenir au milieu des choses.
Pillé par les modernes uniquement dans ses
plis, dans ses pentes, dans le jeu des rapports
inventés par lui et non pas même dans la nature des choses agitées, – que lui-même
d’ailleurs n’agite que du dehors (en sentant extérieurement ce dehors), et s’il creuse c’est
pour retirer encore d’autres dehors ; le suc intérieur des phénomènes lui demeura toujours
inconnu, – et les modernes n’ont même pas retenu ces phénomènes mais des façons de l’agiter. N’est-ce pas, Raval, Fierens, et les autres
suiveurs. Un autre esprit est à l’origine de certains tics du style contemporain, bientôt aussi
démodé que toutes les affectations du décadentisme, c’est le Mallarmé de Divagations.
Le premier, par son souci de rendre à
chaque mot sa totale contenance de sens, il
classa ses mots comme des valeurs existant
en dehors de la pensée qui les conditionne, et
opéra ces étranges renversements de syntaxe
où chaque syllabe semble s’objectiver et devenir prépondérante. Mais Mallarmé était diffiPoèmes 91/136
cile en face de sa pensée, là où Paul Fierens
n’est difficile que pour ceux qui le lisent, et
avec un sujet de l’être insignifiant. Je m’empresse de dire que Paul Fierens compose de
petits poèmes parfaits, et qui m’apparaissent
comme d’heureuses élucidations de la pensée
contemporaine. Je n’en veux qu’à ses comptes
rendus.
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3

Nous écrivons rarement sur le plan de l’automatisme qui préside à l’accomplissement de
nos pensées.
L’art suprême est de rendre, par le truchement d’une rhétorique bien appliquée, à l’expression de notre pensée, la roideur et la vérité
de ses stratifications initiales, ainsi que dans le
langage parlé. Et l’art est de ramener cette rhétorique au point de cristallisation nécessaire
pour ne faire plus qu’un avec de certaines manières d’être, réelles, du sentiment et de la pensée. – En un mot le seul écrivain durable est
celui qui aura su faire se comporter cette rhétorique comme si elle était déjà de la pensée,
et non le geste de la pensée. Et Jean Paulhan
qui dans le Pont traversé fixa de certaines ma-
nières de notre pensée de se comporter par
rapport aux rêves, révéla telles stratifications
de la pensée humaine avec infiniment plus de
tact, de bonheur et de certitude que Maeterlinck telles contingences de l’âme, – par une
plus grande soumission au sujet, et par l’exacte
élucidation de ce sujet.
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FÊTE NOCTURNE 2

Cette fête lie les étangs
Au fulgurant charroi des astres
Avec ses cornes d’abondance
Où roulent nos pensers brillants.
Quelque part entre terre et ciel
Elle vide ces déchets d’âmes
Que d’aucuns dans la nuit en flammes
Prennent pour des cygnes volants
Et nous paternes assistants
De la transfusion de nos moelles
Voyons fondre aussi les étoiles
De nos rêves exhilarants.
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EXTASE 1

Argentin brasier, braise creusée
Avec la musique de son intime force
Braise évidée, délivrée, écorce
Occupée à livrer ses mondes.
Recherche épuisante du moi
Pénétration qui se dépasse
Ah ! joindre le bûcher de glace
Avec l’esprit qui le pensa.
La vieille poursuite insondable
En jouissance s’extravase
Sensualités sensibles, extase
Aux cristaux chantants véritables.
Ô musique d’encre, musique
Musique des charbons enterrés
Douce, pesante qui nous délivre
Avec ses phosphores secrets.
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BILBOQUET

Il n’y a pas assez de revues, ou si l’on veut
toutes les revues sont inutiles. Nous paraissons
parce que nous croyons répondre à quelque
chose. Nous sommes réels. Ceci au besoin nous
dispense d’être nécessaires. Il devrait y avoir
autant de revues qu’il y a d’états d’esprit valables. Le nombre des papiers imprimés serait
alors réduit à très peu, mais ce très peu donnerait le précis et la somme de ce qui doit être
pensé, ou de ce qui vaut d’être publié.
Toutes les revues sont les esclaves d’une
manière de penser, et, par le fait, elles méprisent
la pensée. Elles ont toutes ce grave défaut
d’être rédigées par plusieurs hommes. Elles
s’imaginent ainsi refléter un état de l’opinion,
elles n’en sont que le pot-pourri. Car il n’y a pas
d’état de l’opinion, il y a des opinions diverses
qui valent plus ou moins d’être formulées. Mais
l’humanité est inguérissable, on n’empêchera
jamais les hommes d’être certains de leur pensée et méfiants de celle d’autrui ; que si quelqu’un qui a une opinion juste veut lui donner
un public il ne lui reste que de fonder une revue. Nous avons une opinion qui vaut la peine
d’être exprimée. Des contingences extérieures
au fait de bien ou de mal penser empêchent les
revues d’accueillir cette opinion dans sa nudité
absolue. Il n’y a pas de revue libre, toutes les
revues ont plus ou moins un canon. Nous choisissons donc le seul moyen d’être nous-même
et de l’être totalement.
Nous paraîtrons quand nous aurons
quelque chose à dire. Quand nous croirons
avoir une vue intéressante sur une fausse manière de penser, ou qu’un fait esthétique ou
moral nous semblera susceptible d’être discuté. Cette revue sera donc une revue personnelle,
intéressante en tant que la chose d’un seul,
mais nous accueillerons à titre d’invités les artistes et écrivains dont les productions nous
paraîtront s’accorder avec notre état d’esprit,
l’illustrer, ou s’y rapporter d’une manière quelconque.

Eno Dailor
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8

LUNE

Amer au goût ce soir, jaloux
De quelle obscure poufìasse
Caverneux, noir, chargé de crasses
Flottant entre la lune et nous
Fielleuse lune sur la mer
Elle était la lune maussade
Comme la pensée d’un malade
Sur l’essence de l’univers
Dans l’obscurité fabuleuse
Où cette lune était montée
La placidité de l’été
Tendait ses ramures fumeuses
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7

L’ORGUE ET LE VITRIOL

La minute est bonne pour l’orgue
Que les vents sèment dans la nuit
L’orgue emplit la petite place
De son givre qui s’ossifie
Toi petite ville canaille
Mets des femmes à tous les balcons
Cette manne qui monte des pierres
Est meilleure que tes frissons
J’invite à des agapes noires
Où gicle l’âcre vin des bruits
Le rôdeur que poursuit la nuit
Et l’adolescent sans mémoire
Et celui qui cherche ses phrases
Dans les dédales de son rêve
Et celui qui cherche sa mère
Qui repose à côté de lui
Ville de sperme et de scapulaires
Ville aux lits croisés dans le ciel
J’invite au festin sexuel
Jusqu’aux anges de tes églises
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6
ROMANCE

La musique sort des fenêtres
Dissolvez-vous moelles de nos os
La ville entière se renverse
Dans un spasme délicieux
Dans la ville noire le bruit
Que font quelles orgues obscures
À coups de manivelle dure
Gagne, gagne à chaque cahot
Ah la ville en a plein les os
De cette liqueur sans pareille
Qui l’inonde par les oreilles
Et la perce de ses cristaux
Un silence réside au fond
De la mélodie enivrante
Que toute la ville en attente
Puise au cœur de l’orgue profond
Et l’attente se réitère
Dans l’espace de chaque ressaut
Que la manivelle au cœur faux
Imprime à la musique claire
Quelle Arabie ou quelle Afrique
Tient le refrain que nous cherchons
Brise les glaces de nos fronts
Ô musique, blessante musique
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LA TRAPPE 5

La trappe, la trappe roule le ciel
Frère porcher tu t’extravases
Tes cochons en état de grâce
Se révèlent emmanuels
Un esprit souffle sur les bouses
Un vent venu on ne sait d’où
Où se transfigurent les choux
Du petit jardin sans pelouses
Au travers des palais terreux
De leur humilité plénière
Les moines couchent leurs poussières
Ils sont vils, ils sont lumineux
L’ordure enferme le secret
De la membrane planétaire
Où se ramasse la matière
De leurs rêves outrepassés
Voici venir l’hyper-espace
Le béquillard sanctifié
La ribaude en état de grâce
Et la veuve au ventre gelé
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AMOUR 4

Et l’amour ? Il faut nous laver
De cette crasse héréditaire
Où notre vermine stellaire
Continue à se prélasser
L’orgue, l’orgue qui moud le vent
Le ressac de la mer furieuse
Sont comme la mélodie creuse
De ce rêve déconcertant
D’Elle, de nous, ou de cette âme
Que nous assîmes au banquet
Dites-nous quel est le trompé
Ô Inspirateur des infâmes
Celle qui couche dans mon lit
Et partage l’air de ma chambre
Peut jouer aux dés sur la table
Le ciel même de mon esprit
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PRIÈRE 3

Ah donne-nous des crânes de braises
Des crânes brûlés aux foudres du ciel
Des crânes lucides, des crânes réels
Et traversés de ta présence
Fais-nous naître aux cieux du dedans
Criblés de gouffres en averses
Et qu’un vertige nous traverse
Avec un ongle incandescent
Rassasie-nous nous avons faim
De commotions inter-sidérales
Ah verse-nous des laves astrales
À la place de notre sang
Détache-nous. Divise-nous
Avec tes mains de braises coupantes
Ouvre-nous ces routes brûlantes
Où l’on meurt plus loin que la mort
Fais vaciller notre cerveau
Au sein de sa propre science
Et ravis-nous l’intelligence
Aux griffes d’un typhon nouveau
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