Ariane Ascaride se raconte
Maintenant, il faudrait vraiment que tout le monde se dise qu’on ne peut pas vivre en dehors de la nature, en dehors du respect de la nature. On sait très bien que tout ça est dû à des comportements complètement démentiels du profit, et voilà pourquoi des tas de gens sont malades et d’autres meurent, malheureusement.
Source France Info / Radio France
J'ai puisé, dans cette enfance chaotique et solitaire, au milieu d'une famille qui pourrait être le sujet d'un roman, une force défiant toute logique. La seule échappatoire à la douleur que j'éprouvais dans certaines situations familiales était de plonger dans les livres qui me donnaient la sensation et l'illusion que l'on pouvait tout transformer. Les livres me réconfortaient en me présentant des comportements ou des situations égales ou pires que la mienne.
Aujourd'hui, la littérature m'aide à supporter le réel, le monde, le temps qui passe... la vie, quoi. La littérature me console de la vie. Oui, c'est ça... La littérature est une consolation et une force.
C'est une lettre du soir, cette fois. Les journées s'étirent sans fin et sans surprise. Chaque jour se rapproche à l'autre, sans évenement, si ce n'est un jour sans cesse grandissant de morts, qui quittent leurs vies seuls, sans aucun accompagnement possible, ça me désespere. La vie d'un être humain commence avec des gens qui l'accueillent et finit avec ceux qui l'accompagnent dans un dernier adieu.Jusqu'à présent, c'était ainsi que l'on célébrait le début et la fin d'une vie. Depuis un mois, les enfants naissent et à part leur mère épuisée, personne n'est là pour les prendre dans les bras. D'autres qui ont eu toute une vie d'émotions heureuses et tristes, font un dernier tour de piste dans la solitude la plus complète au son des respirateurs artificiels.Je trouve cela épouvantable.
Je suis la fille d'une génération d'hommes et de femmes qui ne savaient pas se parler, s'écouter, mais parfois savaient s'aimer.
Dans ces années-là, personne ne venait courir sur les plages et il n'était pas dans les habitudes des Marseillais d'aller se geler sur le sable humide un dimanche matin de novembre ou décembre. Je garde de ces sorties dominicales un amour immodéré pour la mer Méditerranée en hiver. Elle redevient archaïque, mythologique. Je pensais souvent que j'allais voir accoster le bateau d'Ulysse, l'un des héros de mon enfance. J'écoutais en boucle le disque de l'Odyssée et, pour moi, Ulysse aura toujours la voix de François Périer.
Je déteste vivre cette époque ,je n'y suis pas du tout préparée et je n'ai absolument pas envie d'aborder la vie comme cela.
Je trouve ça magnifique, les lectures publiques. Elles font fonctionner l'imaginaire. J'aime beaucoup lire en public, c'est presque jouissif... C'est inimaginable comme ça me plaît! D'être juste l'interprète. De faire partager. J'aime cette transmission.
Mon enfance appartient à un monde de fenêtres ouvertes et de voisines curieuses qui se nourrissaient de la vie des autres. Je connais les travers que cela peut engendrer parfois, mais je préfère des voisins qui se disputent à des voisins qui s'ignorent.
Tous les jours la nature nous met une grande claque, sans acrimonie d'ailleurs, mais chaque jour comme une grande pédagogue, elle nous signifie l'absurdité de nos comportements. Espérons que la terre ne soit pas seulement peuplée de cancres.
Tout en écrivant, je réalise qu'à chaque moment terrible de ma vie, je t'ai convoqué. J'ai le souvenir précis d'avoir hurlé ton nom, un véritable appel à l'aide, alors que tu étais déjà mort depuis plusieurs années.