Citations de Armand Salacrou (40)
« Je suis toujours la ligne droite, mais je change parfois de ligne droite. »
MINUTELLO
Tu lis trop. Tous ces romans te tournent la tête. Qu'as-tu besoin de t'intéresser à des histoires de gens que tu ne connais pas ?
LUCIANA
Je ne suis pas assez savante, mon père, pour vous expliquer le plaisir de lire.
MINUTELLO
Des histoires qui, quelquefois, ne sont même pas vraies ?
LUCIANA
Elles pourraient l'être.
Le Président :
....Attendu que le jury a déclaré Durand, coupable d'avoir provoqué le crime par dons, promesses, menaces, abus d'autorité, machinations et artifices, avec préméditation et guet-apens, condamne Durand Jules, à la peine de mort. Le condamné aura la tête tranchée sur l'une ds places publiques de la ville.
Jules :
La tête tranchée ? ce n'est pas possible ! Messieurs, c'est encore une erreur! Maman, maintenant, ils veulent me couper le cou.
Acte Premier - A Florence - Scène première - Place publique -
Manente, apothicaire, au comble de la fureur et un masque à la main :
- Non ! Non ! Non ! Je ne vous laisserai pas raisonner en 1492 comme on raisonnait en 1482.
La sottise, monsieur, doit, elle aussi, avoir des limites.
Fra Mariano, moine franciscain :
- Mais, mon frère....
Manente :
- Et en dix années, tout change, monsieur ! Le progrès....
(lever de rideau de la pièce extraite du volume paru chez "Folio" en 1973)
Cette comédie est particulièrement représentative des tendances de l'auteur. D'un fait divers qui l'avait frappé - un petit commerçant "exécuté par sa famille parce qu'il voulait fermer boutique et fuir les siens - Salacrou a tiré une farce débridée, une satire incisive de la bourgeoisie riche, et l'occasion de scruter à nouveau l'abime de la vie et de la mort. Si son "histoire de rire" est une "farce dramatique", on pourrait parler ici de "farce philosophique".
Paul-Albert Lenoir, le respectable ancêtre, le grand patron de la distillerie Lenoir, va être arrêté. Il a séduit, depuis son veuvage, une mineure, Liliane, dont le père n'a accepté aucun arrangement (pas même le mariage, offert par le vieillard), car il tient à ce que Mr Lenoir aille en prison.
Comment éviter le déshonneur, et peut-être la ruine ? Tel est le problème que se pose la famille, scandalisée et affolée.
(extrait de "Lagarde et Michard" - XX° siècle - Le Théâtre de 1919 à 1939)
"La terre est ronde" (1937) évoque la découverte du continent américain. La pièce commence quand la nouvelle en arrive à Florence et elle se déroule pendant les six années où, comme un météore, Savonarole passe et s'éteint.
Salacrou y décrit les réactions d'un groupe de personnages, il illustre les bouleversements que les circonstances historiques produisent dans leurs affaires personnelles. Il fait planer sur eux l'ombre du frère, qui oscille entre l'exaltation et la dépression, entre la logique et l'hystérie.
(extrait de "Histoire du Théâtre" - tome 4 - parue aux éditions "Marabout" en 1964)
Dix minutes d'égarement valent depuis plusieurs semaines au chef de la famille Lenoir des séances déplaisantes chez le juges d'instruction et, depuis l'instant même, un mandat d'amener - heureusement suspendu grâce à l'intervention du prince Boresku dit Bobo, un cousin par alliance. Le policier venu procéder à l'arrestation a accepté de surseoir jusqu'au lendemain matin. D'ici là les Lenoir chercheront le moyen d'éviter le scandale....
(extrait de la quatrième de couverture de l'édition de poche parue en 1954)
L’homme ne sortira jamais de son malheur en cherchant le malheur des autres.
Ils [ les animaux] sont de la race de ceux qui devront mourir.
Aujourd’hui ton jesus, s’il vivait, il serait avec moi dans la poussière du charbon, où j’ai jamais rencontré même un curé.
FAUSTINA
Tu n'as pas su diriger ta vie, non plus. A-t-on idée d'épouser Manente et de lui être fidèle, lorsqu'on aime Silvio ?
LUCIANA
Crois-tu que tu t'es enfuie hier ? Depuis six ans bien des choses ont changé à Florence et dans nos coeurs. Oui, j'aime Frère Silvio, mais ce mot aimer n'a pas le même sens dans ta bouche et dans la mienne.
FAUSTINA
Ose dire que tu n'aies pas Siivio, comme une femme aime un homme. Ose dire que tu ne regrettes pas qu'il soit moine. Ose dire que tu ne regrettes pas, pour prendre tes belles phrases, qu'il ait fait son salut. Ose dire que tu ne regrettes pas qu'il gâche sa vie comme tu gâches la tienne ?
FRA SILVIO
La présence Dieu est aussi terrible que son absence.
SAVONAROLE
Femmes qui vous glorifiez de vos ornements, de vos cheveux teints, de vos mains peintes, de vos parfums, je vous dis que vous sentez toutes mauvais et que vous êtes toutes laides. Quoi ? Vous me répondez que vous allez à l'église le dimanche ?
MINUTELLO
Ne me torture pas. Je te donnerai tout l'argent que tu voudras. Je te sens jeune, je te sais belle, j'ai vu ton portrait? Je ne suis plus jeune. Tu m'aimes. On m'a dit que tu pleurais pour moi? Tu es la dernière femme que je vais aimer. Après toi, il n'y aura pus rien dans ma vie que l'attente de la mort. Si tu savais comme je m'étais difficilement résolu à la vieillesse. Et maintenant, avec toi, je vais vivre encore.
MINUTELLO
Ce n'est as ce que je veux dire, mais que tu m'aimes ne regarde que ton mari.
LA FEMME
Croyez-vous que je doive lui en parler ?
MINUTELLO
Es-tu sotte ?
LA FEMME
Je ne sais pas. Je sais seulement qu'on dit toujours qu'une fille paraît un peu sotte à l'homme qu'elle refuse.
MINUTELLO
Pourquoi te refuses-tu si tu m'aimes ?
LA FEMME
J'ai peur.
MINUTELLO
De quoi ? Ma maison est solide. Secrètement, tu y viendras cette nuit, et toi et moi, seuls dans ma chambre nous nous réjouirons d'être vivants.
LA FEMME
Et demain je serai fatiguée. Mon père s'étonnera de ma pâleur, de ma langueur [...].
MINUTELLO
Je sais ce que j'aurai à dire, petit fou. J'ai courtisé des femmes que tu n'étais pas né, et quand je veux, je séduis.
SILVIO
Taisez-vous, séducteur, la voici.
BARTHOLOMEO
Ne vous conduisez pas avec la sottise d'un moine mendiant.
SILVIO
Parlez-lui un peu avant d'essayer de la violer.
Entre une femme masquée [...].
SAVONAROLE
Mais vous tous, les riches aussi pourris que les pauvres, avec la pourriture de l'argent en plus, je vous le dis, je vous combattrai. Que ma malédiction et celle de Dieu retombent sur ceux qui possèdent, quand il y a des petits enfants qui meurent de faim.
Jules Durand : « Pour eux nous ne sommes que des chiffres. Nos souffrances se traduisent dans leurs livres par des additions et des soustractions. Que leur importe notre misère, si leur balance comptable se balance bien, sans un sou de perdu sur leurs bénéfices. Nous réclamons le droit de vivre et ils font des preuves par neuf. » (Page 67)
Roussel « Que nos ouvriers cessent pour nous d’être des machines et les accidents du travail nous transforment en criminels. Du sang coule sur les bénéfices. Il y a dans l’homme, ouvrier ou patron, un destin et une mécanique. Et cette mécanique, si vous saviez de quelle façon la concurrence nous contraint de l’employer et de la traiter ! Comme de la ferraille ! Oui, Monsieur le Maire, comme de la ferraille ! D’ailleurs si demain la guerre éclate entre l’Allemagne et la France, avant de faire battre la charge, le général demandera-t-il à ses soldats combien ils ont d’enfants et comment ils aiment leur femme ? Dans sa tête, une seule idée, une seule : gagner la bataille avec ses soldats et ses canons. Et ses soldats se transforment d’un coup, en chiffres, en machines, en canons ! »
Roussel « Nous savons comment votent ceux qui ont encore le droit de vote, le jour de l’élection : pour le candidat qui paie le plus cher ! Ils arrivent en colonne, le chef de file donnant en même temps, le bulletin et la pièce de cent sous. » (Page 28)