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Citations de Arnaud Maïsetti (36)


Nous avons de l'histoire une idée vague et défaite. Nous savons qu'elle a eu lieu. Nous supposons les hommes et les dates. Nous supposons les mots, nous imaginons les foules en armes, le sang craché et tombé à cause des mots. Nous pensons en être issus. Nous regardons les murs des villes, les rues qui portent les noms de ceux qui autrefois ont dit les mots et craché le sang.
(page 9)
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dans cette ville, impossible de voir le ciel directement, il y avait trop de ces tours levées comme des échafaudages.
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chacun se retrouvait dans son envie de se réfugier à l’abri du temps, dans sa peur aussi : là-bas, on ne risquait rien, on n’éprouvait rien, on ne vieillirait pas. Là-bas, on n’avait rien à oublier. On n’aurait rien à regretter, aucun compte rendre. Quand on se réveillait, c’était alors que le rêve insupportable commençait, il n’avait pas d’importance, rien de ce qui s’y passait n’était essentiel, tout était trop plongé dans les choses et le déroulement insensé de la vie et de la douleur. Là-bas, dans le sommeil, on n’avait pas ce mal de crâne, cette nausée, ce vertige incessant, ce corps qui nous encombrait, cette vie à faire comme une tâche qui recommençait mais ne renouvelait rien.
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C’est le rêve, il y a deux jours, qui lance, comme une douleur, ce mouvement terrible, et la peur depuis ne me quitte pas. Le rêve disait la maladie, alors je suis malade. Le rêve disait, c’est fini – je viens ici pour l’apprendre, dans la bouche de la réalité, même si le rêve me l’a déjà dit. Le rêve ne peut pas se tromper, d’ailleurs, et depuis, cette pensée ne me quitte plus, cette pensée qui fore et dit je suis malade, je suis déjà mort d’être malade de cette maladie-là, incurable, invisible.
Quand je croise les types dans la rue, je ne vois pas des hommes, mais des survivants. Et moi, je me dis : j’ai été incapable d’être survivant, j’ai été incapable de survivre à leur vie, à ma propre vie.
Dans la salle d’attente, on appelle invariablement ceux qui sont là pour le sang, et ceux qui sont là pour le chiffre du sang. Ce n’est pas la même chose. Je lève les yeux surtout pour ceux dont on va annoncer le chiffre. Je cherche dans leur regard les dernières secondes de la vie, et l’espoir insensé qu’il reste encore à brûler. Tout à l’heure ils entendront qu’ils vont mourir, cette maladie ne laisse aucun jour de répit à ceux qui savent ; un jour, ou deux, le temps de dormir une fois. On pourrait très bien ne pas savoir, et continuer de vivre, mais ce sera dans l’attente, et le temps mort ; alors, on préfère tous savoir, quand on fait ce rêve. Le rêve nous dit déjà ce qu’il en est. Il y a des rêves moins précis, et certains y vont seulement pour entendre la confirmation de la vie, mais le rêve aussi, dans l’imprécision, aura tout dit. Le frôlement de la mort aura rendu plus vivant, c’est une loi générale, banalité de la banalité.
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Le soleil continue sa course vers la mer, dans une lenteur encore redoublée par sa pâleur qui s’accentue. Il semble même s’arrêter, pierre dans le ciel fixée là comme pour toujours — mais ce n’est qu’une illusion. La couleur du ciel est d’un rose efflé, éparpillé en lambeaux oranges et quasi violets des aurores boréales. Puis, peu à peu, la couleur vire au gris-bleu amer fondu avec la nacre des vagues. Tout s’accélère. Quelques cris sortent de la foule. Je me penche à la fenêtre. Et avant qu’il ne touche la mer, le soleil s’éteint
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Nous ne sommes pas résignés, nous qui veillons dans nos chambres les heures faibles qui s’éloignent. Qui n’avons pas autre chose à faire – puisque l’histoire est passée – que de planter doigts et ongles et os dans l’instant pour ne pas être emportés – nous sommes plus légers que des noyés – plus faibles que les heures qu’on efface
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la veille de sa démolition, sur plusieurs mètres, une phrase en noir, les murs meurent le ventre ouvert. Le lendemain, la maladie était de nouveau entrée dans la ville
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De La Nuit juste avant les forêts, il faudrait parler comme d’une pièce creusée dans une langue que n’épuiserait jamais rien, au cœur d’une durée affranchie de son terme, don d’une présence enfin, qu’aucun espace ne saurait circonscrire – hors le corps même, le corps proféré d’un théâtre faisant violence à l’acte de lecture.
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Ici, de cette chambre où je suis et d'où je peux voir toute la ville, cette chambre petite, murs blancs, fenêtre unique ouverte sur le dehors, cette rue étroite où l'on passe beaucoup, surtout le jour, et surtout la nuit, d'où les voix montent: je vois les histoires, je recueille les bribes de voix qui tissent dans le noir le voile épais où se défait le monde
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À partir de quoi nous pouvons penser l’écran allumé non plus comme une surface mais comme la frontière de deux réalités, matérielle et immatérielle. Il y a des raisons de penser que l’écran allumé est une frontière entre une région du monde à laquelle nous avons accès immédiatement, et un région de notre monde à laquelle nous n’avons affaire que par l’intermédiaire de notre ordinateur qua allumé. Si nous pensons l’écran comme une frontière logique, et non pas physique, en suivant les termes de Léonard de Vinci, nous sommes en mesure de résoudre un certain nombre de difficultés qu’il pourrait y avoir à penser le contact entre cette région du monde immédiatement accessible, par l’intermédiaire des seuls sens, et cette région du même monde, qui demande, pour être accessible, un écran d’ordinateur ou de smartphone ou d’iPad. L’analogie entre l’écran et la fenêtre se termine donc là : la fenêtre est un obstacle entre deux régions du monde, alors que l’écran est une frontière, donc une connexion, entre deux régions du monde.
(Isabelle Pariente Butterlin)
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On s’enfonçait dans des territoires dont on soupçonnait à peine l’existence : des corridors de plusieurs centaines de mètres, humides et étroits, peut-être immenses au-dessus de nous, qui débouchaient sur de grandes salles rondes distribuant à leur tour d’autres corridors vers d’autres salles rondes. C’étaient des journées de plusieurs dizaines d’heures à avancer dans ce noir. Derrière soi et devant soi, il y avait cette colonne de corps qu’on sentait, qu’on devinait, mais personne ne parlait. L’un derrière l’autre, comme grattant le noir mètre après mètre, comme traversant un rideau à mille épaisseurs, les mains tendues, les yeux plus fermés encore pour mieux sentir avec les oreilles et chaque pore de la peau ce qui se trouvait devant soi. Dans les égouts, ce n’était pas l’odeur qui prenait et manquait de nous évanouir à chaque seconde. C’étaient les bruits, au cœur de cette épaisseur de silence qui se creusait dans le tunnel, le moindre bruit déchirait nos corps — un pas posé plus sourdement, une glissade du pied dans le filet d’eau, une toux, un cri lointain, derrière, lâché par quelqu’un de plus faible qui s’effondrait.
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Nous ne savons pas grand chose au juste. Nous savons que le jour est grand ouvert derrière nous et qu'il a laissé passer la nuit entre ses côtes mais quand nous levons la tête c'est un ciel sans soleil qui nous dévisage et s'écroule sur la terre mourant de faim et lançant des cris en cascade sur toute la surface et en heurtant nod oreilles ces cris dégringolent jusque sur le sol et sur les pierres où nous sommes allongés car nous ne sommes pas des veilleurs de nuit nous sommes des animaux vivant au rythme des saisons et des lumières qui traversent là-haut l'espace mais ici nous avons faim et soif et nous ouvrons la bouche comme pour crier parce que nous ne connaissons pas d'autres langages que la demande et l'espoir..
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Des cathédrales d’un autre temps, même volonté que jadis de s’absorber dan l’élan, qu’il ne reste trace d’aucune signature de soi, mais un geste
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Centre fuyant sans cesse à mesure qu’il se construit, se conçoit ; désir et ignorance de la centralité de l’objet qui se fabrique – lointain inapprochable en dehors de ce désir même qui l’approche et pourrait bien, de fait, le repousser : ici il me semble que se formule avec justesse, par anticipation bien sûr – mais pour le dire avec Blanchot : « prophétique dans l’absence de temps » – ce qui est l’espace même d’un site littéraire : quand le site est à la fois un espace donné, une construction de langue, un processus toujours déjà là du à venir, d’un livre ou d’un espace en train de se construire.
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Coupable d’être fautif, coupable d’être coupable : coupable d’être avant tout, un pas dehors, sorti de chez-soi, et mêlé au grand ensemble mouvant du réel. Coupable d’y avoir participé, d’avoir troublé, comme on plonge un orteil dans l’eau d’un lac de montagne, et ébranlé pour toujours l’immobilité de l’air : une respiration tranchée dans l’innocence
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Cadre fixe sur monde mobile — et de là, les récits de l’image immobile sur la plaine en mouvement, à l’arrière plan. Dans le long travelling que le train m’impose, que l’image en retour recompose et travaille, j’imagine les histoires qui s’insinuent entre ce qui dans l’image semble se priver de mots pour exister , et ce qui entre les images conduit toute une circulation que seule une fiction pourrait nommer , dont la fiction a charge d’endosser sous peine de n’être qu’un décor , un habillage. Entre les images donc : c’est raconter les différences de potentiel qui les font se succéder — comme si existait une hauteur propre à chaque image, de laquelle elle chutait pour retomber sur l’image suivante : comme si surtout la force inhérente à chaque image dépendait de cette chute, comme si sa puissance provenait de la violence de son écroulement. Et raconter cette histoire de chute des corps, ce serait faire le récit de ce qui se passe au-dehors quand le monde défile en continu mais que je ne peux l’aborder qu’ainsi : fragments arrachés, moments successifs..
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Deux recommence - et termine. Deux répète le début, mais rien ne sera tout à fait identique. Car la nuit n'est plus le moment du jour dérobé au temps des hommes. Tout à coup et pour un temps dont nul n'ignore la durée exacte, elle devient le lieu des crachats lancés contre le sol. L'espace des pardons jamais accordés – des affrontements anonymes dans les rues. Et sans raison. Des passages. Des endroits où passer. Des vols et des impasses où reculer est impossible. Si je marche dans la nuit, je ne sais plus si la nuit est l'endroit où je passe. La lumière traversée par les paroles échangées. L'espace qui sépare deux levers de soleil – ou bien deux couchers. Deux pour toujours sera le commencement de la fin encore.
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Une nuit avait passé, et si on ne sait rien de cette, que les historiens n’ont sous les yeux qu’une porte battante entre deux jours, aucun document à commenter doctement, on peut rêver cette nuit, sûr au moins que Saint-Just ne fit aucun rêve. Qu’il passa la nuit à la bougie, à scander l’air auprès de quelques amis des phrases qu’il avançait devant lui comme un somnambule, étonné lui-même par elles et la force qu’il avait de les dire. Saint-Just voit l’occasion où nous ne voyons que les coulisses obscures. L’occasion d’éprouver les Gellé, les mondes vieux. (…) On bat le rappel des troupes. On convainc. On dessine des hypothèses, des perspectives. Quand le jour se lève, on est plein de courage. On vote en levant haut la main. Des amis qu’on ignorait avoir autour sont là pour voter comme un seul homme.
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On dit que la Terreur est la Révolution elle-même, son régime, son principe : son devenir fatal comme il en est de toute révolution. On dit : c'est le bloc dans lequel est taillé l'édifice funeste de ces années. On dit cela comme on crache, la nuit, en l'air.
On ne voit pas les mille anfractuosités par où passe chaque jour de ces jours, et que ce bloc est moins pierre que fleuve, labile et redoutable, aux courants irréguliers, torrents filant et roulant sur cent rochers âpres, s'enfonçant parfois sous la terre même, rejaillissant plus loin, plus faible ou plus large, plus emporté ou parfois presque étale comme un lac.
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IL PARAîT QUE LE TEMPS PASSE, le temps que passe ce qui défait le temps : il paraît que tout passe, et c'est faux. Le passé demeure, seul et intact. Il suffit de se baisser. On tendrait les mains et on le ramasserait. Il est là. Il ne nous attend même pas.
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