J'avais son nom qui tournait en boucle dans ma tête. Viviane Vernon.
La remplaçante de Mathieu. Une remplaçante. Je me méfie toujours des remplaçants. Pourquoi n'ont-ils pas leur classe à eux?
- Des plaquages à ton âge ? Ah non, ça il en est hors de question ! On est là pour s'amuser, pas pour se faire mal.
D'un coup je me suis senti léger.
( p 38)
Quand ton cercueil a touché la terre froide et noire, on s'est tous serrés les uns contre les autres. Le vent était à des kilomètres de nous, les oiseaux fermaient leur grande gueule, et malgré tout, c'était assourdissant. C'était insoutenable.
Maintenant, fais un vœu. Mais pas un petit vœu de rien du tout. Par pitié, ne demande pas une console ou un nouveau vélo. Demande ce que tu souhaites le plus au monde.
ça y est, je me disais, je pars. Ma valise était prête depuis trois jours. Mon père avait dû oublier. Parce qu'il buvait beaucoup. Et qu'il dormait autant.
( p 7)
Il faut voir les ombres déambuler, dès l’aube, et je ne parle pas du service de nuit, les trois huit pour certains, comme les bras se soulèvent et doivent plier les plaques, faire sortir de la forme, tirer davantage de bobine, dégager des espaces, remplir des palettes, livrer des clients, être dans les temps, y passer son temps, sa vie, y passer tout court.
On a parcouru la moitié de la terre, mais apparemment, ça ne compte pas. Apparemment, on n'existe pas.
J'aurais voulu une fanfare. Un bordel monstre. Une tempête.
N'importe quoi.
La foudre, même, pour tout faire éclater.
Et qu'au milieu du chaos, revienne ma mémoire.
La nuit, parfois, je rêve.
Je rêve qu'on me dévore.
La petite musique du compteur s’affolait. Elle ne
s’arrêtait plus pareille aux battements de mon cœur.
Tanya pleurait en silence dans mon dos.
Elle répétait à l’infini que tout était de sa faute.
Mais comme nous l’avions décidé, pour Anton, pour
Émilie, nous ne bougerions pas.
Nous ramènerions ce putain de sac à dos.