Citations de Arthur Mugnier (29)
14 Juin 1911
Quand pourrais-je mettre de l'ordre en moi, au plus profond de moi-même ? Impossible ! la vie est confusion, oscillation, complication.
Il ne faut pas céder une première fois à la tentation charnelle car il n'y a pas d'assouvissement.
On a allumé, dimanche, une flamme perpétuelle devant la tombe du soldat inconnu. Voilà un culte nouveau établi. On nous a pris la lampe du sanctuaire, la voilà laïcisée (13 nov. 1923).
8 octobre 1926. Notre époque peut se résumer ainsi : usines, banques, cinémas, dancings, palaces, enseignes lumineuses, réclames, automobiles, téléphonages, etc. C'est-à-dire matérialisme, argent, plaisir et tout le contraire de la simplicité et de la modestie.
Repris le petit catéchisme. Le mot à mot nuit certainement à l'intelligence des enfants. Quand ils savent par ceur, ils ne comprennent pas avec leur esprit. La mémoire qui prècède l'intelligence est une obstruction.
18 décembre 1917 Au point de vue social, j'ai vu, depuis que je suis prétre, toutes les manífestatíons de la haine : haine de la République, haine des curés et des congrégations, haine des juifs, haine de Dreyfus, haine des Allemands. Et jamais je n'ai entendu de grande voix s'élever au sein de l'Eglise pour éteindre ces feux.
Ce matin, il y a eu, par exception, une cérémonie de profession pour quatre religieuses qui vont partir au loin. Elles ont reçu voile noir, scapulaire, anneaux, crucifix, couronne blanche. Ces religieuses de Saint-Joseph de Cluny sont des missionnaires, c’est-à-dire qu’elles joignent à leurs vœux ordinaires les labeurs, les épreuves d’une vie lointaine et menacée. Voici 18 ans que je côtoie de près ces femmes héroïques, et je n’ai pas l’air de m’en douter. (11 novembre 1928) Rentré ici par la volonté d’un archevêque qui ne m’a pas laissé un bon souvenir, j’ai juxtaposé à mes devoirs professionnels des lectures, des relations, toute une existence tellement différente de celle qui se déroulait sous mes yeux ! Je n’ai su ni observer de près ces âmes de saintes femmes, ni m’attendrir sur elles. Et je n’ai eu qu’à me louer d’elles, tant leur bienveillance à mon égard a été aveugle !
(19 février 1917) : La religion n’est plus qu’un culte surmené, messes, communions, Saluts, prières, chapelets, Saint-Sacrement, Sacré-Cœur, Saint vierge. Comment démêler dans ce hallier sacré, les lignes simples, sobres et si pures de l’Évangile ? Ce Dieu dans une hostie, en permanence, sur les hôtels et qui laisse égorger ses enfants ! On nous plonge dans le mystère, on ne nous dit rien, on nous oblige à deviner, on nous met aux prises avec une nature diamétralement opposée aux lois écrites, et si nous doutons un instant, si nous confessons que l’obscurité est trop grande, nous voilà condamné éternellement aux flammes de l’au-delà ! Tout cela est sommaire et d’une férocité que rien n’égale.
(29 janvier 1911) : jamais prêtre ne mangea plus en ville que moi. Je dissipe mon âme à pleine assiette.
(10 avril 1902) je suis le prêtre des noces de Cana. Je ne suis pas celui du jeûne au désert.
(1er septembre 1896) Les hommes s’occupent plus de gouverner leur pays que de se gouverner eux-mêmes. Nous sommes plus patriotes que moraux.
Quelle vie que la mienne. En quelques jours, je fais un prône sur la Tentation, une conférence ecclésiastiques le panthéisme, une conférence historico-littéraire sur les salons de la Restauration, Le tout entremêlé d’instructions catéchistiques et de patronage. Dispersion absolue. Et tout cela presque bâclé ! Et les dîners en ville se succèdent, et les stations au confessionnal, et la correspondance suit son cours. On n’y tient plus.
Seules les cartes de la guerre intéressent. On y pique de petits drapeaux. Une guerre, occasion d'apprendre sa géographie ! Le malheur instruit.
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Cocteau mon voisin était triste. Il a une souffrance au coeur.
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Quelques amis, dit-elle (la Comtesse de Greffulhe), qu'on voit de temps en temps, tiennent plus de place dans votre vie que "celui qui ronfle près de vous".
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Hier, belle journée pour les élections. Les premiers résultats démontrent que nous sommes, de nouveau, battus par les brocards et les socialistes. Maurice Barrès est élu, à Paris. Les nationalistes ont du plomb dans l'aile. Et les catholiques qui croyaient que les coups de canne dans l'eau...bénite avaient remué le pays ! Et les dévôts qui croyaient qu'avec des communions et des chemins de croix ont transformais le suffrage universel.
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Forain a rappelé aussi ce mot d'un Espagnol : "Les cornes sont comme les dents ; quand elles poussent, elles font souffrir. Ensuite, on mange avec.
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La princesse E. de L. me disait aujourd'hui son ennui d'être dans son salon, alors qu'elle n'a rien choisi, ni acheté, ni arrangé ce qui s'y trouve. Elle m'a demandé aussi quels étaient les devoirs des enfants vis-à-vis des amants de leur mère.
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Huysmans occupe le premier étage. Sa chambre de travail et sa chambre à coucher feront l'envie de tous le visiteurs. Le vert foncé des portes se mêle au rouge vif de l'andrinople qui tapisse les murs et les reliures rouges de Saturne, vert mousse, potiron, violet d'évêque, etc., font merveille dans les bibliothèques. Avec de tels documents choisis, venus de toutes parts, rangés avec amour, évocateurs de l'art, de la mystique, de la liturgie, du satanisme, on peut vivre en province toute une éternité. Goncourt, Flaubert, Zola, Balzac, Verlaine, Barbey d'Aurevilly ne paraissent nullement surpris d'habiter la même chambre : ils finiront pas se sanctifier, en un tel voisinage de saints et de saintes.
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Toutes mes amours n'ont été que littéraires. Mes voeux m'ayant interdit la femme, tout mon coeur a passé dans mes livres. L'enthousiasme n'est au fond , qu'une déviation, qu'un déguisement de volupté. Chateaubriand, Sand, Lamartine, etc., ont pris la place que les jeunes filles, les femmes auraient nécessairement occupée, si ma vocation eût été celle de tout le monde. Combourg, Nohant, Saint-Point, La Chesnaie n'étaient que des voyages de noces.
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