Arthur Phillips est un écrivain connu aux Etats-Unis. Sa soeur jumelle, Dana, a baigné dans la littérature shakespearienne grâce au paternel. le paternel, lui, était faussaire et a connu de longues peines de prison pour son "travail". Quelque temps avant sa sortie de prison, il confie à son fils un exemplaire unique mais surtout intriguant d'une pièce du Barde inédite, le chargeant de tirer tous les bénéfices de sa certification par les professionnels et de sa publication. Mais le doute s'installe dans l'esprit d'Arthur : son père a-t-il pu aussi contrefaire cet objet qui vaut des millions ?
Bla bla bla, bla bla : bla ! Bla, bla bla blablabla (sa vie), bla bla bla... Bla bla blablabla (mais où donc veut-il en venir ??) bla bla blabla, bla bla. Bla.
Et puis, page 281, enfin : la délivrance. Il faut savoir que cette autobiographie est fictive, que c'est bien à un roman qu'on a affaire, et qu'il y a vraiment de quoi se poser des questions quant à la nature d'un tel livre.
Reprenons : certes, arrivés à la moitié de l'objet en question, on comprend la présence de cette énorme digression d'ouverture - quoiqu'elle aurait sans aucun doute pu être raccourcie - car ce qui intéresse le lecteur n'est pas la vie d'Arthur Phillips (fictive ou pas, désolée monsieur...) mais bien l'enjeu de la découverte d'une nouvelle pièce de Shakespeare, et ce que cela impliquerait. Et là, entre encore quelques "bla bla ma vie", commence à se dessiner une intrigue tout à fait passionnante sur l'authenticité d'une telle trouvaille. le lecteur se voit alors embarqué dans une course à la vérité, jallonnée d'obstacles nommés conscience et honnêteté, mené en bateau par un auteur plus que doué qui pousse le vice du doute jusque dans la rédaction d'un avant-propos signé par sa maison d'édition américaine, dans l'utilisation de grands noms réels de la linguistique et dans l'invention pure et simple d'un éminent universitaire pour appuyer l'étude. J'avoue sans complexe qu'il m'a fallu faire des recherches pour me rendre à l'évidence que tout ceci est faux, que nous sommes tout simplement face à un vrai talent.
Plusieurs sentiments m'ont traversée à la lecture, la fin me faisant apprécier l'ensemble qui me rebutait au départ. L'enjeu littéraire est intense, on sent dans les dernières pages l'auteur accoucher réellement de son travail puissant et sans doute inégalé.
Ce thriller mental surfe sur le doute de l'humain, sur le labyrinthe que peuvent créer la vérité et le mensonge, liant intimement les deux au point de nous faire nous perdre sciemment en cours de route.
Quant à la traduction, j'ai parfois été assez perturbée de me retrouver face à des erreurs étranges pour un traducteur qu'on dit du même acabit que Claro et Brice Matthieussent, comme traduire des Moon Boots par des "bottes lunaires" p26 ( ! Pourquoi traduire une marque par sa traduction littérale, depuis quand on fait ça ??), signer une lettre par "Vôtre sincèrement" qui n'est rien d'autre qu'un calque (une simple inversion des termes et ça passait en français), ou ne pas traduire "Stradford-upon-Avon" par "Stradford-sur-Avon" (qui se fait partout, et qui pour moi équivaut à ne pas traduire "London" par "Londres"...). Il y en a d'autres, mais celles-là m'ont le plus marquée. Comme quoi, personne n'est à l'abri des erreurs, même quand on est un "grand nom" de la traduction (ce qui, soit dit en passant, amène peut-être certaines maisons d'édition à ne pas relire...).
Brillant, ambitieux.
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