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Critiques de Bahiyyih Nakhjavani (41)
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Eux & Nous

Un livre de la rentrée littéraire automnale 2016.

De Bahiyyih Nakhjavani , écrivaine iranienne qui vit à Paris, je n'ai lu qu'un seul livre, "La sacoche". Un style assez labyrinthique, où l'on doit faire un effort pour ne pas se perdre dans les méandres de l'histoire, mais qui en vaut la peine. Eh bien, ici pareille. Dés le début, on est dérouté et faut s'y accrocher....jusqu'à ce qu'on comprenne la forme et qu'on s'y habitue.

Eux et Nous.....

Bibi, vieille femme tête de mule, veuve d'un général du régime du Shah, se rend avec sa domestique de Téhéran à Téhérangeles ( Los Angeles ainsi nommé par la forte communauté iranienne qui s'y est établie )pour célébrer le Norouz, le nouvel an chiite avec ses filles.......son gendre lui a procuré la carte verte pour qu'elle puisse y rester.....mais les choses ne sont pas ce qu'elle sont.....typiquement iranien......

L'auteur met face à face les iraniens qui vivent encore au pays, avec ceux de la diaspora disséminés à travers le monde, mais aussi ceux de la diaspora entre eux. Dépendant de qui raconte l'anecdote, celui-ci ou ceux-ci deviennent les "Nous", et l'autre partie ,les "Eux". L'histoire chronologique de Bibi et de sa famille alterne avec des anecdotes anonymes de "Nous" et "Eux" à travers le monde.



Une nostalgie profonde des gens de la diaspora pour le pays, se dégage de ces anecdotes ( comment ne pas regretter le thé sucré, brûlant servi au café sous les figuiers,quand on est confiné à boire au Starbucks,juchés sur des tabourets,un thé à la menthe, jamais assez chaud, jamais assez sucré, au goût de papier)......mais même définitivement écœurés par la religion, ils peinent à s'assimiler aux sociétés occidentales .



L'humour de Nakhjavani est trés particulier. Humour noir....un clin d'œil au détour d'une phrase, de surcroît hors-contexte, ou un crochet au comportement social de ses compatriotes, que la diaspora n'altère en rien ( comme cette famille en voyage, qui requiert faire une courte visite à des lointaines connaissances, et finissent par leur imposer, enfants et beau-parents, dîner et hospitalité pour la nuit, comportement trés oriental / la souffrance,attribut national chez les Iraniens...."dés qu'il s'agit de souffrir,elle fait ça exceptionnellement bien"/ la maladie de shopping des iraniennes/ les belle-filles / les mariages pompeux....). Elle n'y va pas par quatre chemins pour faire une satire féroce de ses compatriotes, de la diaspora ou du pays même , sans distinction, et du régime en place....terrible et truculent !



Un excellent livre où vous apprenez de première main beaucoup de choses intéressantes à tous les niveaux sur les Iraniens et l'Iran, avec en bonus une belle prose et de l'humour.
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La femme qui lisait trop

"La femme qui lisait trop" raconte l'histoire d'une poétesse, hérétique, qui vécut dans l'Iran du 19e siècle. On la trouve sous différents noms dont Tahirih (https://fr.wikipedia.org/wiki/Fatemeh).

Femme + cultivée + maîtrise des textes saints + débat = aucune chance de survie dans cet Iran du 19e (dans celui du 21e, pas mieux, elle est d'ailleurs ignorée dans son pays natal). Emprisonnée puis tuée....

Le livre est bien écrit (jolies tournures), l'héroïne est passionnante. Malheureusement, l'auteure a choisi de raconter son histoire de façon inutilement alambiquée, mettant au final son héroïne beaucoup trop au second plan....

.

Le livre se découpe en 4 parties, racontées par 4 narratrices différentes (la mère du Shah, l'épouse du maire de Téhéran, la soeur du Shah, la fille de la poétesse). Chacune de ces parties suit deux fils narratifs différents situés à deux temporalités différentes.... et franchement on s'y perd... 8 temporalités qui s'entrecroisent et se mêlent, et impossible si telle scène a lieu avant telle autre....

Au final on passe beaucoup de temps dans les arcanes du pouvoir du Shah, mais, à mon goût, pas assez auprès de cette femme si cultivée, si érudite.... dont la philosophie est passée trop sous silence (la religion Ba'hai).

Une pointe de regret....
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La femme qui lisait trop

Un beau roman inoubliable une fois la lecture achevée. Je ne dirais pas, toutefois, qu'il soit facile d'accès, l'autrice ayant choisi une narration chronologiquement déstructurée obligeant le lecteur à patiemment reconstituer un puzzle de dizaines de fragments.



Tahirih Qurratu'l-Ayn fut une poétesse persane du XIXème siècle qui eut l'audace de divorcer de son mari, mollah, et d'étudier et discourir à visage découvert avec d'autres érudits, tous hommes. Arrêtée et emprisonnée à Téhéran pendant trois ans, elle fut assassinée sur ordre du shah, ou de sa mère, régente tyrannique tapie dans le harem royal telle une araignée au fond de son trou.



Si la structure du roman peut surprendre et représenter une contrainte, la qualité de la langue et la grandeur du style compensent cet inconfort. Par la voix de quatre femmes de statut différent (mère, épouse, sœur, fille), l'histoire de Tahirih Qurratu'l-Ayn nous parvient tel un écho très contemporain, n'en finissant pas d'interroger sur la place de la femme dans l'Islam mais aussi, plus globalement, dans les sociétés.



Le choix même des quatre voix correspond aux quatre situations reconnues à la femme et en dehors desquelles elle n'est rien aux yeux des hommes, n'ayant acquis aucune légitimité puisque n'ayant aucun rôle qui lui soit profitable à lui.



"La femme qui lisait trop" m'a glacée par la violence omniprésente des mœurs et de la politique iraniennes. J'ai beaucoup appris sur les arcanes du pouvoir et sur le fonctionnement occulte de l'anderoun (le harem). Le roman est très coloré, bruyant, bruissant, parfumé, visuel.



Cette lecture fut un dépaysement total, une source instructive, édifiante autant qu'effrayante, sur l'histoire, la sociologie, les mentalités, la philosophie et la religion d'un pays qui nie encore aujourd'hui les libertés fondamentales de millions d'individus.





Challenge PLUMES FEMININES 2023

Challenge MULTI-DEFIS 2023
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La soeur du Soleil

Un superbe conte sur la lune et ses amours dans l'ombre du soleil.
Lien : http://latetedelart2.blogspo..
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Femme, Rêve, Liberté

Femme, rêve, liberté, titre faisant écho à Femme, vie, liberté, symbolisant le mouvement de révolte qui embrase l’Iran à la suite du décès de Mahasa Amini, morte sous les coups de la police des mœurs en septembre 2022.



Douze autrices iraniennes prennent la plume pour raconter, dénoncer, crier, faire prendre conscience de ce qu’est la vie en tant que femme en Iran.

Elles nous livrent l’angoisse des mères pour leurs filles, les étudiantes qu’ont empoisonnes pour faire taire les manifestants. Mais aussi ces femmes qu’on emprisonnent, qu’ont torturent, violent, assassinent sans aucun prétexte, …

Impossible de ne pas avoir le cœur serré en lisant ces textes, à la fois durs par les situations qu’ils dénoncent, mais aussi par les messages d’espoir de ces femmes courageuses qu’ils véhiculent.



On a beau savoir, être solidaire ici, nous ne sommes pas là-bas, et les gestes que nous posons ici n’auront jamais les mêmes conséquences que ceux dont elles ont le courage de poser là-bas. Je suis admirative de ces femmes qui ont le cran de s’insurger contre le régime iranien.



J’espère de tout cœur que ce recueil sera couronné de succès au vu de la cause qu’il défend.

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La femme qui lisait trop

J'ai bien failli ne pas ouvrir ce livre que j'ai découvert par hasard à la médiathèque.

Dès les premières lignes je me suis demandée où l'histoire menait. La construction en quatre parties m'intriguait. Mère, épouse, soeur, fille, une polyphonie de voix féminines raconte l'incroyable destin de Tahirih, poétesse iranienne du XIXe siècle.

Un roman très politique sur l'Iran du XIXe, les intrigues d'état, le pouvoir des religieux, les pressions sociales et protocolaires. Mais ce qui m'a fait aller jusqu'au bout ce sont les différents points de vue féminins. La vision de femmes écrasées par le domination masculine. Leur ténacité, leur besoin de liberté. Ce roman historique raconte des faits plus que jamais d'actualité sur la condition féminine face aux hommes, face aux dogmes. La liberté se gagne au prix des vies. Sans arrêt remise en question, la liberté n'est pas innée, elle s'acquiert au prix d'une lutte constante.
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La sacoche

Un groupe de pèlerins revient de la Mecque et traverse le désert en caravane. Sur le chemin, une troupe de brigands se tient en embuscade, prêt à dévaliser les voyageurs de leurs possessions matérielles (auxquelles ils semblent tenir beaucoup, malgré le côté spirituel de leur voyage). Avant cette rencontre fatidique, un des brigands vole la sacoche d’un voyageur isolé pendant sa prière. À l’encontre de tous les volés précédents, celui-ci continue paisiblement ses dévotions, indifférent à la perte de son bien.



La sacoche contient des parchemins richement calligraphiés, dans un langage très proche de celui du Coran. En une journée, elle va passer entre les mains d’une dizaine de personnes, et va changer à chaque fois le cours de leur vie. Chacune d’elle, en effet, cherche un sens à sa vie, ou joue tellement bien un rôle qu’elle en a fini par oublier qui elle était exactement ; la sacoche va lentement les dépouiller de toutes ces couches de mensonges, d’hypocrisie, d’aveuglement, et va les mettre devant le choix de leur vie : la bonne décision donnera un sens à leur existence, la mauvaise les laissera avec des regrets éternels et un sentiment d’opportunité gâchée qui les suivra jusqu’à leur mort.



Le récit est un genre de mille-feuilles, dans lequel on revit sans cesse les mêmes événements à travers d’autres yeux. Souvent d’ailleurs, on se fait une image très précise d’un des protagonistes à travers les yeux d’un autre, avant que l’auteure ne lui donne la parole : on découvre alors que nous sommes nous aussi aveuglés par les apparences, et prompts à juger quelqu’un sans chercher à comprendre ses motivations intimes.



L’auteure nous présente un véritable kaléidoscope de croyances (différents courants de l’islam, zoroastrisme, judaïsme, et d’autres postures philosophiques), dans la période de l’âge d’or de l’Islam. J’ai souvent eu l’impression que le récit allait basculer dans le fantastique, ce qui n’a jamais été le cas. Mais même si tous les événements décrits semblent terre-à-terre, une ambiance onirique reste toujours présente en filigrane.



Ce livre est complexe, et quinze jours après l’avoir terminé, il continue de me marquer par la richesse de son propos. Même s’il n’est pas forcément facile d’accès, je le conseillerais volontiers à toutes les personnes qui aiment se torturer l’esprit avec des questions existentielles.
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La femme qui lisait trop



Un livre qui nous plonge dans l'actualité et que je ne peux que chaudement vous recommander.

Un hommage à la poétesse Tahirih Qurratu’l-Ayn , première femme féministe de l’histoire de Perse voulant généraliser entre autres, l’alphabétisation féminine à travers le portrait de 4 femmes :



-Le livre de la mère : Son Altesse royale Mahd-i-Oldya , mère du Shah Nasir-ed-Din tenant les rênes de l’empire de Perse. On y lit toutes les intrigues politiques liées à la cour, assassinat, la peur et la haine que suscite la poétesse qui s’expose aux yeux du monde sans voile ,en femme libre , mais qui a conquis par son esprit et son aura de grandes cités , comme Bagdad et les montagnes d’Irak . Une rhétoricienne de talent s’élève contre les dogmes religieux et le pouvoir du royaume.



Le livre de l’épouse : épouse du maire de Téhéran, Mahmud Khan-i-Kalantar, chef suprême de la police qui écroue la poétesse entre ses murs, sa demeure étant la prison dans laquelle les hurlements dus aux tortures ne sont pas légendes. La captive étant considérée comme un djinn par cette épouse ne laisse pas le harem insensible et démontre que toutes sont conscientes de leur vie dans laquelle elles jouent « le jeu »d’être une épouse assujettie. Pourtant il suffit de peu pour que ces femmes se rallient à la cause de «l’hérétique ».



Le livre de la sœur : sœur du shah et épouse du grand vizir Amir Kabir. Partisane de la poétesse.



Le livre de la fille : une partie concernant la poétesse Tahirih Qurratu’l-Ayn et sa fille.



L’ordre chronologique des événements commence à voir le jour au travers du livre de la sœur, en effet, Nakhjavani opte pour la narration déstructurée, ce qui nous sollicite à nous centraliser afin de ne pas se perdre dans les sinuosités des lignes, chaque chapitre correspond à une pièce de puzzle à assembler au récit. (ce qui m’a valu quelques retours en arrière)



« Nous définissons aujourd’hui le voile comme un emblème d’identité culturelle, de foi religieuse. Elle n’y voyait que préjugés, littéralisme et uniformité. Nous en avons fait un symbole politique, un argument dans la négociation de la liberté d’expression, un symbole politique. Elle le rejetait précisément parce qu’il représentait l’oppression. Si l’Islam contemporain est déchiré par l’écart grandissant entre modérés et extrémistes, par le conflit entre chiites et sunnites, et si l’anarchie au Moyen Orient et la montée partout dans le monde du fondamentalisme et de la terreur qui en sont les conséquences ont commencé à menacer la texture même de nos démocraties, il peut être opportun pour le public occidental de redécouvrir l’histoire de cette Perse du XIXème siècle » B.N



Au-delà d’un hommage, Bahhiyih Nakhjavani soulève le voile et nous mène au travers de ses yeux dans ce royaume où l’anderoun ne ressemble pas au conte des mille et une nuits, Téhéran n’exalte pas ses effluves d’épices et de fleurs, mais la puanteur des famines et des maladies, les jardins paradisiaques sont les lieux de tortures et le vin coulant à flots n’est autre que le sang du peuple.



C’est un voyage au cœur de la Perse, sous une identité dévoilée au travers d’un joyau qui n’est pas des moindres: la liberté d’expression parée de superbes allégories, que Bahhiyih Nakhjavani signe ce bijou littéraire mettant en avant la condition féminine, la religion et les enjeux politiques.



Remarquable.



"Je suis la rivière de vin rouge

Dans la bouche de la vie et de la mort.

Le dit écarlate de mes paroles

Passe goutte à goutte dans ton souffle.



Je suis la rivière jaune

Qui nourrit et sustente la jeune intelligence

Mes pages safran offrent l’espoir à l’espèce humaine.



Je suis la rivière des mots verts comme le miel, pleins de vie.

Je tiens dans mes bras qui m’inspire et me fait confiance,

Les saisons et leur combat.



Je suis la rivière d’eau blanche

Par laquelle le cœur est lavé de la rouille.

Mes paroles d’unité ont soif de boire la poussière."
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La femme qui lisait trop

The Woman Who Read Too Much

Traduction : Christine Le Boeuf



"La Femme qui lisait trop", au titre à la fois provocateur et ironique, est de ces livres qui, une fois qu'on en a tourné la dernière page, laissent leur lecteur sur les plus hauts sommets de l'imagination, respirant un air si pur qu'on ne se résoud à s'en détourner qu'avec les plus vifs regrets.



Il est dédié à la mémoire de la poétesse persane Tahirih Qurratu'l-Ayn, dont le corps ne fut jamais retrouvé après son assassinat dans l'un des grands jardins situés au nord de Téhéran, durant ce que l'on appela "l'Eté des Massacres", ordonné par la mère du Shah, Mahd-i-Olya, en l'an de grâce 1852.



Fille d'un mollah chiite respecté, la jeune Tahirih fut autorisée par son père, qui l'adorait, à étudier autant que les garçons de la famille. D'une intelligence exceptionnelle, elle dépassa bientôt ses frères et ses cousins, s'attirant par là la haine de son oncle, Muhammad Taqi Baraghani. Bien des années plus tard, elle sera accusée, par le fils de celui-ci (qui était devenu entretemps son mari et dont elle avait divorcé), d'avoir assassiné son oncle et beau-père. Pourtant, un homme se dénoncera volontairement, affirmant qu'il avait assassiné le mollah parce que celui-ci avait manqué de respect à un autre dignitaire religieux, considéré comme un saint homme.



Pendant quelques années, Tahirih, connue également sous le nom de la Poétesse de Qazvîn, fuira de ville en ville, se cachant certes mais souvent invitée à prêcher car, en dépit du machisme de la religion islamique, cette femme, qui avait rejeté le voile et embrassé la Foi babie, finissait toujours par s'attirer le respect de tous. Cette nouvelle doctrine, qui plaidait pour l'amélioration du statut des femmes et des pauvres ainsi que pour l'éducation pour toutes et tous, avait été lancée, dans les années 1840, par un jeune marchand, Siyyid Ali Muhammad, qui avait pris le nom de "Bâb" qui, dans la langue arabe, signifie "Porte" ou "Ouverture."



Pour les mollahs chiites traditionnels - les plus nombreux, on s'en doute - le Bâb et ses partisans, qui voulaient s'attaquer à une tradition au demeurant pré-islamique, n'étaient que des hérétiques. La Poétesse de Qazvîn était donc tout à la fois une femme, une divorcée, une hérétique, et en plus, elle s'était mis en tête d'enseigner lecture et écriture aux femmes. Dans la Perse du XIXème siècle, et bien que, apparemment, le Shah lui-même, fasciné autant par sa beauté que par son intelligence, l'eût protégée aussi longtemps qu'il le put, Tahirih était, par cela même, promise à une mort tragique.



Sa vie et l'Histoire de son pays sont dépeintes ici par des points de vue strictement féminins. Le roman est en effet partagé en quatre "livres" : celui de la Mère, où Bahiyyih Nakhjavani expose le point de vue de la mère du Shah, femme de tête et de pouvoir, qui hait la Poétesse uniquement parce qu'elle risque, en fait, de lui voler sa puissance ; celui de l'Epouse, consacré aux rapports qui se tissent peu à peu entre l'épouse du maire de Téhéran, chez qui la Poétesse fut retenue quelque temps prisonnière, et Tahirih ; celui de la Soeur, où l'on fait un peu mieux connaissance avec la soeur du Shah, personnage extrêmement émouvant ; et enfin, le livre de la Fille, placé sous le patronnage de la fille de Tahirih - et de toutes ses autres "filles", ces femmes du monde entier qui ont lutté et luttent encore pour que leurs droits soient enfin reconnus.



L'une des forces de "La Femme Qui Lisait Trop", c'est que, malgré tout ce qui peut les séparer d'elle, toutes ces femmes finissent par se révéler extrêmement proches de la Poétesse de Qazvîn. Avec douceur mais fermeté, l'ombre de Tahirih Qurratu'l-Ayn, sur qui nous savons si peu de choses mais dont on ne peut que sentir l'incontestable charisme tout au long de ces pages, parvient à créer un sentiment d'extraordinaire solidarité. Féminine, évidemment mais sans le souci de revanche des féministes bon-teint.



Qui mieux est, Bahiyyih Nakhjavani part d'une situation précise, la condition de la Femme en terre d'islam, pour dépasser celle-ci et étendre son propos à l'Humanité tout entière. On ne s'en rend pleinement compte que lorsqu'on a terminé le roman - c'est peut-être d'ailleurs pour cette raison qu'on en demeure le coeur si haut - mais l'effet obtenu est impossible à raconter. Il faut le vivre pour le comprendre.



Tout cela en outre magnifiquement écrit, dans une langue à la fois poétique, souple et d'une grande richesse, avec un souffle unique et une saisissante humanité. L'un des plus grands livres que j'ai jamais lus - un livre que méritait amplement celle qui l'inspira et qui aima tant les mots. ;o)
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La sacoche

Ah … « La Sacoche »….par où commencer ?

Je suis allée marcher, de gîte en gîte, avec un sac à dos, en Corse. C’était le seul livre que j’avais emporté. Comme nous transportions tout sur notre dos, le superflu n’avait pas sa place et tout gramme était compté. Je l’ai lu lentement, je m’en suis imprégné, au rythme de nos haltes, peut-être au rythme chaloupé de la caravane.

Un livre étonnant- je n’en connais pas de comparable -, une écriture magnifique, envoutante.

Les premiers adjectifs qui me viennent à l’esprit pour décrire l’effet que j’ai ressenti sont « circulaire » « infini » et « magique ». Cette impression est probablement due pour partie au procédé utilisé, c'est-à-dire un même évènement raconté au travers des différents acteurs, passé au filtre de leurs vies et de leur vécu. Un prisme, un jeu de miroirs qui donne ce sentiment d’infini. J’ai aussi pensé aux trous noirs, décrits dans les sciences de l’univers, une sorte de spirale où mille mondes sont avalés pour se retrouver en seul point. Parallèle facile à faire si on se réfère par exemple, au chapitre sur le pèlerin, page 207 (de l’édition de poche), où il est écrit, lorsqu’il essaie de lire un des rouleaux contenus dans la sacoche : « Le soleil de midi tapait sur la page, qui flamboyait devant lui et l’aveugla momentanément. Il pouvait à peine la déchiffrer. Les mots étaient tracés comme en grande hâte, sans les points. Et pourtant cela ne semblait n’être qu’un seul point énigmatique. Les mots se fondaient l’un dans l’autre, équivoques. Ils lui disaient que le chemin est étroit, que la voie est mince, alors même qu’elle est plus spacieuse que les cieux et la terre et tout ce qui s’étend entre eux. Ils lui disaient que le point premier est le commencement et la fin, le centre et la circonférence des cieux et de la terre et de tout ce qui s’étend entre eux. II ne comprenait pas. ». Comment comprendre l’infini ? Notre cerveau humain n’éprouve-t-il pas une sorte de vertige face à l’infini ?

Un livre circulaire parce qu’il dit, au travers de l’histoire de chaque personnage, que les origines et la fin sont indissociables : le pèlerin, qui s’est mis en chemin pour sauver son pays car il a rêvé qu’il deviendrait un désert, apprivoise les tempêtes de sable, et disparaît plein allégresse, avalé par les sables mouvants. Ou encore, le religieux, qui a peur des femmes, de la mère, perdu entre sexualité et spiritualité, parti pour fuir la Parole d’une femme, le Livre Mère et qui brise les barrières et se laisse envahir par son amour pour la Falacha mourante. Il trouve à son tour dans la sacoche, une réponse à sa quête : « … les mots qu’il venait de lire l’emplissait d’un tel vertige, ces « paroles mères » si enceintes de sens, si pleines de signification.. ».

Et que dire du changeur, un menteur, caméléon de la parole, qui achève sa quête la langue coupée, au moment où il découvre la sacoche : « …Les paupières inondées de sueur et la bouche formant un O hideux (encore un cercle !), il attira le rouleau sur ses genoux et de mit à lire. »… ?

Ce ne sont que quelques exemples, ce livre est d’une telle richesse que je pourrais écrire des pages.

Un cercle aux entrées multiples.

J’ai un attachement particulier pour le dernier chapitre, celui du cadavre. Pour son humour, bien vivant, au sujet de sa puanteur (à ce propos, c’est incroyable la quantité de parfums qui se dégage de ce livre). Et pour l’idée de détachement pour rejoindre l’universel: « Nous vivons pensait le cadavre, comme si nous devions vivre à jamais. Et quand nous mourrons, nous imaginons que nous allons puer à jamais. Mais ni l’un ni l’autre n’est vrai : c’est une question de détachement. ».



Un livre magique aussi. Magique par son écriture, ciselée. Un ensemble de réflexions profondes, touchant à l’essentiel, dites avec légèreté. Magique, parce qu’il y a quelques chose d’incantatoire à revivre ce même évènement à travers les différents personnages. Magique, parce qu’il apporte au lecteur plus qu’une histoire, plus que l’histoire de chaque acteur. Il y a une telle tolérance qui se dégage de ses lignes. Chacun des personnages est tellement humain, accepté tant avec ses turpitudes qu’avec ses grandeurs. Le résultat fait que l’on s’aime mieux et que l’on aime mieux les autres. Un livre qui apporte de la sérénité, de la simplicité. Ainsi la première phrase calligraphiée tirée de la sacoche « Le jour de la Résurrection est un jour où le soleil se lève et se couche, de même que n’importe quel jour ».

Cette sacoche magique décoche ses flèches non seulement aux personnages du roman, mais aussi dans le cœur du lecteur : « Les oiseaux volaient de sa bouche comme des flèches, destinés à planter des semences dans tous les déserts du monde. »



Je n’ai malheureusement pas le talent de Bahiyyih Nakhjavani pour exprimer non seulement le plaisir, la jouissance que j’ai eu à lire ses lignes mais aussi tout ce que la lecture de ce livre m’a apporté à l’échelon spirituel.

Je ne relie que très rarement des livres. Je crois que cela ne sera pas le cas pour celui-ci. Comme un opéra, il déroule tellement de mélodies simultanées que l’on peut découvrir quelque chose de nouveau à chaque écoute, à chaque lecture.

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La femme qui lisait trop

Après lecture de la 4 de couv, je me faisais une joie de découvrir le destin de cette femme qui osa braver les interdits et la domination des mollahs.

Mais finalement, tout ce qu’il y avait à retenir est contenu dans les 5 pages que constituent la post-face et la chronologie présentée en fin d’ouvrage.



Je me suis terriblement ennuyée pendant cette lecture qui a été longue et pénible. La première chose qui m’ait perturbée est le fait qu’aucun des personnages n’est nommé par son nom. L’auteur utilise à la place des qualificatifs tels que « l’épouse du maire », « la fille de la poétesse », « la mère du shah », jamais ces personnes ne sont nommées directement. Heureusement qu’il y a la chronologie à la fin pour savoir de qui on parle exactement (tout le monde n’est pas forcément au point sur l’Histoire de l’Iran !). Parfois, je ne m’y retrouvais absolument plus, je ne savais plus de qui l’auteur parlait, j’étais obligée de revenir plusieurs lignes en arrière et de relire, parfois sans succès.

Je ne comprends pas du tout pourquoi l’auteur a procédé ainsi. En plus, elle utilise le discours indirect en abondance ou le discours direct libre mais il n’y a aucun dialogue clairement marqué. Tout ceci contribue à une lourdeur et à une sensation de manque de relief. Ce récit ne vit pas , aucune émotion n’est transmise.



La construction est elle aussi très étrange. Le roman se découpe en 4 parties, chacune consacrée à évoquer une même histoire mais du point de vue d’une femme différente. La première partie est consacrée à la vision de la mère du shah, la deuxième à celle de l’épouse du maire, la troisième à celle de la sœur du shah et la dernière à la fille de la poétesse (quoique …). Et dans chaque partie, on a droit à des flash-backs incessants, il faut vraiment être bien concentré pour suivre !



Je m’attendais donc à une biographie romancée de Tahiri Qurratu’l-Ayn mais finalement seule la dernière partie du roman lui est véritablement consacrée. Les trois autres ne font que relater les déboires de la famille du shah avec la présence de la poétesse en toile de fond.

Alors certes, on a une description de la vie en Iran au XIXème siècle mais uniquement du point de vue des femmes et surtout des femmes de haut rang. Finalement, le portrait que l’auteur fait de la Perse de l’époque est d’une incroyable noirceur. Il n’y a rien de positif, à l’en croire, l’Iran de l’époque des shahs n’est que violence, complots, intrigues, médisances, mesquineries, mariages forcés, tortures, massacres, famines, assassinats et émeutes. On est loin des Mille et Une nuits et de la magie orientale. Que je suis contente d’être née en France au XXème siècle !!



J’aurais tout de même appris des choses grâce à cette lecture et notamment un pan de l’Histoire de l’Iran au XIXème siècle et surtout l’existence de Tahiri Qurratu’l-Ayn, du courage de cette femme, figure du féminisme en Orient, elle qui a osé retirer son voile en public, elle qui s’est battue pour que les femmes aient accès à l’instruction, qu’elles apprennent à lire, à écrire et à être enfin reconnues comme des êtres pensants et capables de réflexion à égalité avec les hommes. C’était une femme remarquable et son souvenir subsiste encore au sein du peuple iranien bien que l’Histoire officielle l’ait « oubliée ». La question du statut de la femme étant toujours d’actualité dans certaines contrées, les problématiques de ce roman en font un plaidoyer très moderne.



Mais bien que l’objectif et l’intention de cette œuvre soient très louables, le traitement trop confus et décousu du sujet n’a pas été à la hauteur de mes espérances. Dommage …


Lien : http://booksandfruits.over-b..
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Eux & Nous

Depuis de nombreuses années je suis, de près ou de loin, les littératures migrantes et la littérature de la migration. Pour la première fois, je crois, je découvre une œuvre appartenant à la seconde qui utilise uniquement et absolument l'ironie pour parler d'une diaspora tout entière, non pour conter une histoire drôle de migration – ce qui est déjà rare. Il s'agit donc ici de la diaspora iranienne partout dans le monde, avec un regard particulier vers Paris et Los Angeles. Le genre du texte s'apparente au roman, dans la mesure où il y a une intrigue principale : Bibi, dame âgée, en mauvaise santé, veuve d'un général de l'époque du shah, quitte sa maison de Téhéran et son domestique véreux pour s'installer alternativement chez sa fille aînée établie aux États-Unis et chez sa cadette vivant en France ; accompagnée d'une parente-gouvernante fausse idiote, elle part à contrecœur car elle n'a pas perdu espoir de revoir son fils Ali, disparu depuis la guerre irakienne mais peut-être pas mort, et elle ne se plaît pas plus chez l'une que chez l'autre, d'autant que leur accueil n'est pas désintéressé. Cependant, autour de cette trame, narrée dans des chapitres relativement courts par de multiples narrateurs dont parfois un « nous » collectif qui semble incarner l'ensemble des Iraniens à l'étranger, se tissent de multiples autres récits ; on peut donc lire l'ensemble comme une succession de nouvelles, en relation étroite ou distendue avec l'histoire de cette famille, mettant toutes en évidence un trait caractéristique de l'identité perse dans le monde.

J'ai parlé d'ironie, mais on devrait la décliner dans tous les tons du sarcasme perfide, à la satire bienveillante, au rire jaune et triste, jusqu'à l'empathie nostalgique la plus émue – je pense surtout au dernier chapitre, « Eux », qui ne fait pas référence aux étrangers, aux non-Iraniens, mais aux morts en terre étrangère. Néanmoins, dans cette caractérisation toujours impressionnante de justesse et de précision, il n'est pas question d'ironiser seulement sur la communauté diasporique iranienne, toutes générations et conditions confondues, mais aussi de ridiculiser gentiment le matérialisme de l'Occident, en particulier le bling-bling californien et le « boboïsme » parisien (version Marais, relayé par les critiques d'art de la chaîne télévisée franco-allemande bien connue...), avec quelques détours en Australie, en Italie au Canada et ailleurs. La patrie quittée pour cause politique ou autre, avant ou depuis la Révolution, n'est pas épargnée de railleries, surtout sur sa tyrannie et sa corruption de tous âges et régimes.

Les membres de la famille en question, quant à eux, sont tous aussi antipathiques qu'émouvants, tour à tour : les mensonges, égoïsmes, tromperies, vacheries et faux-semblants perpétuels des uns et des autres dissimulent à peine les faiblesses de chacun.

Un très bon livre.
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La sacoche

Un bédouin vole une sacoche remplie de manuscrits à un riche marchand faisant ses ablutions,sur la route de la Mecque.La sacoche passera entre les mains de neufs différents personnages,et chaque chapitre est sur un des personnages ,et raconte le contexte du personnage et son parcours à la sacoche.Un livre intéressant,mais je pense qu'il faut un minimum de connaissance sur les zoroastriens,les parsis,les chiites et de la mentalité du moyen orient pour vraiment apprécier le livre.La fin est à mon avis est laissée à l'nterprétation du lecteur,C'est un conte sur la vie,les faiblesses des hommes,sur la religion...très riche et très agréable à lire.
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La femme qui lisait trop

Magnifique livre écrit dans une prose belle et raffinée.

Une histoire poétique d intrigues et de complots vue de plusieurs points de vue féminins à la cour du Shah dans l Iran du XIX ème siècle.

La lutte féminine pour son émancipation et son accès à l'éducation, imprègne chaque page de ce roman mais d'une façon délicate et posée, à mille lieux des tendances hystériques actuelles.

A nous, homme et femme, de continuer le travail de ceux et celle qui nous ont précédés : continuons à lire et de débattre avec raison et passion afin de nous élever, individuellement et collectivement.
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La sacoche

Un livre très original, qui donne la parole à tous les témoins du vol de la sacoche.
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La femme qui lisait trop

Bahiyyih Nakhjavani a écrit une « fiction historique ». Elle s'est inspirée de faits réels pour écrire ce roman, exhumant de l'obscurité dans laquelle elle se trouve encore aujourd'hui la vie de cette femme remarquable. Le récit est construit à travers quatre voix de femmes qui font évoluer la perception du lecteur sur la condition féminine et la liberté d'expression en Iran. Avec une formidable énergie narrative et une langue riche, elle rend hommage à une femme qui revendique sa liberté. Elle fournit par ailleurs une excellente analyse sur l'exercice du pouvoir, selon qu'il est exercé par les hommes ou par les femmes. Outre la précision et la grâce, la force de ce texte magnifique réside dans sa terrible actualité.
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La femme qui lisait trop

"nous sommes obsédés par le voile parcqu'il attire l'attention sur le corps qu'il dissimule. Tahirih le rejetait afin de prouver qu'elle avait une âme."



Récit de Tahirih une femme perse du XIX siècle, une femme lettrée, visionnaire (?), et rebelle... Une espèce d'Antigone perse en quête de Vérité...



J'ai eu du mal avec la structure du récit qui se baladait de chapitres en chapitres avec des points de vues différents, un temps chronologique différents etc... J'ai véritablement accroché au récit à la troisième et dernière partie du livre.
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La sacoche

Un roman astucieux, qui donne la parole à une multitude de personnages au gré des changements de propriétaire d'une mystérieuse sacoche, contenant un manuscrit tout aussi mystérieux. Le procédé pourrait lasser, mais la richesse des idées, et le style direct et sans fioriture, font que l'on suit l'histoire avec plaisir.
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La fleur du mandarin

Ce conte commence par un classique il était une fois, mais c'est un dialogue assez original entre un mandarin mélancolique et une lune philosophe. Le mandarin n'aura de repos qu'après avoir trouvé la fleur qui l'obsède et qui sublimera définitivement son jardin. Sa quête sera couronnée de succès mais à quel prix ! Les illustrations délicates et sensibles jouent sur la répétition des motifs et les corps en déséquilibre. Une belle harmonie entre le texte et l'image crée un climat magique propice au voyage. Cette osmose offre un magnifique moment d'évasion et de réflexion. Voici l'histoire d'une quête vaine , d'un aveuglement malheureux. Un album à lire pour apprendre à ouvrir les yeux et ne rien rater des bonheurs accessibles.

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La femme qui lisait trop

Livre sur la condition de la femme en Iran au XIXème à travers quatre portraits de femmes et sur le destin tragique de la poétesse de Qazvin qui préchait pour que ses consoeurs apprennnent à lire et à écrire. C'était une femme humble, sage et intelligente, en avance sur son temps et qui paya de sa vie la défense de ses convictions face à des hommes avides de conserver leur puissance et pouvoir sur les femmes comme sur les écrits.
Lien : http://poesiedesmots.over-bl..
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