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Citations de Barbara Demick (24)


Dans une certaine mesure, toutes les dictatures se ressemblent. De l'Union soviétique de Staline jusqu'à la Chine maoïste, de la Roumanie de Ceaucescu à l'Irak de Saddam Hussein, ces régimes affichent la même pompe : les statues à chaque carrefour, les portraits accrochés dans chaque bureau, les montres-bracelets à l'effigie du tyran. Kim Il-sung, néanmoins, hissa le culte de la personnalité à un stade nouveau. Ce qui le distingue dans la sinistre galerie des dictateurs du XXe siècle, c'est peut-être sa capacité à exploiter le pourvoir de la foi. Kim Il-sung comprenait indubitablement la puissance de la religion. ... Une fois au pouvoir, Kim Il-sung ferma les églises, bannit la Bible, déporta les fidèles dans l'arrière-pays et s'appropria l'imagerie et dogme chrétiens à des fins d'autopromotion.
[...]
La Corée du Nord invite à la parodie. On se moque des excès de la propagande et de la crédulité du peuple. Toutefois, quand on sait que l'endoctrinement commence dès l'enfance, pendant les quatorze heures passées dans les garderies des usines ; que pendant les cinquante années suivantes, chaque chanson, film, article et affiche sont uniquement conçus pour déifier Kim Il-sung ; et que le pays reste hermétiquement clos à tout ce qui pourrait jeter le doute sur la divinité de Kim Il-sung... Qui pourrait vraiment y résister ?
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Bientôt, le pays s'engagea dans un cercle vicieux. Sans pétrole ni matières premières à bas prix, impossible de faire tourner les usines et donc d'exporter. Sans exportation, pas de devises et sans devises, impossible d'importer du pétrole. Sans pétrole, pas de courant. Or les mines de charbon ne pouvaient fonctionner sans électricité parce qu'il fallait des pompes électriques pour siphonner l'eau. La pénurie de charbon aggrava la pénurie de courant qui, à son tour, eut un impact négatif sur la production agricole, car les fermes collectives avaient, elles aussi, besoin de courant. Comme il n'avait jamais été facile d'arracher aux terres misérables du Nord de quoi nourrir vingt-trois millions d'habitants, des techniques agricoles avaient été développées pour augmenter les rendements. Elles se fondaient sur des systèmes d'irrigation électrique et sur des engrais et des pesticides de synthèse, conçus dans les usines désormais fermées en raison de la pénurie de pétrole et de matière premières. La Corée du Nord se mit à manquer de nourriture. Les habitants mal nourris n'avaient plus la force de travailler. La production s'écroula d'autant. L'économie du pays était en chute libre.
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« Lors de ses fréquentes visites à la gare Ferroviaire de Chongjin, Mme Song croisa sans doute un garçon portant l’uniforme indigo des ouvriers ; un bleu de chauffe si grand que l’entre- jambe lui tombait sous les genoux. Ses cheveux crasseux grouillaient de poux. A la place de chaussures , il avait enveloppé ses pieds dans des sacs en vinyle. Difficile de lui donner un âge : à quatorze ans , il faisait à peine la taille d’un petit Américain de Huit ans .... »
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Les étudiants et intellectuels nord-coréens ne se risquent pas à s'organiser en opposition comme le firent leurs homologues des autres pays communistes. Pas de printemps de Prague ou de place Tian'anmen. Le niveau de répression est tel, en Corée du Nord, qu'aucune résistance n'a jamais germé. Toute activité dirigée contre le gouvernement entraîne des conséquences sinistres à l'encontre du protestataire, mais aussi de sa famille plus ou moins proche. Dans un régime qui cherche à purger le sang impur sur trois générations, la punition s'étend aux parents, grands-parents, frères, sœurs, nièces, neveux et cousins. "Beaucoup de gens pensent que, quitte à se sacrifier, autant donner sa vie pour chasser ce régime totalitaire. Mais vous n'êtes pas le seul puni. Et votre famille vivra un enfer", m'a confié un transfuge.
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Dans la maison de Mme Song, comme dans toutes les maisons du pays, des portraits du "cher dirigeant" sont accrochés aux murs à l'exclusion de toute autre décoration, car il est strictement interdit d'y suspendre autre chose, y compris des photographies de famille. Kim Il-sung incarnait la seule famille dont les Nord- Coréens avaient besoin, jusque dans les années quatre-vingt, lorsque les portraits de Kim Jong-Il, nouveau secrétaire du parti, l'y rejoignirent. Ensuite arriva le troisième cliché officiel : le père et le fils réunis. Les quotidiens aiment à raconter des faits divers dans lesquels des citoyens héroïques perdent la vie en sauvant ces fameuses images des flots ou des flammes. Le Parti du Travail les distribue gratuitement. Derrière le cadre se cache une petit boîte dans laquelle se trouve le tissu blanc qui servira à épousseter et uniquement à l'épousseter. Ce qui devient crucial lors de la saison des pluies pour éviter que la moisissure s'infiltre sous le verre car, une fois par mois environ, des agents de la Police des normes publiques peuvent s'inviter à l'improviste afin de vérifier leur propreté.
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(Dr Kim a fui la Corée du Nord en traversant le fleuve Tumen, qui sépare son pays de la Chine)
Elle repéra un chemin de terre qui menait aux premières fermes. La plupart étaient entourées de hauts murs, closes par un portail métallique. Elle en essaya un qui se révéla ouvert. Elle le poussa et glissa la tête pour jeter un œil à l'intérieur. Par terre, elle vit une gamelle en fer remplie de nourriture. Elle regarda de plus près. Du riz. Du riz blanc, avec des morceaux de viande. Elle ne se rappelait plus la dernière fois qu'elle en avait vu. Que faisait un bol de riz par terre ? Elle le compris à l'instant même où le chien se mit à aboyer.
Jusqu'à ce moment-là, une partie d'elle-même aurait souhaité que la Chine fût aussi pauvre que la Corée du Nord. Elle voulait toujours croire que sa patrie était le plus beau pays du monde. Les croyances qu'elle avait entretenues sa vie entière seraient justifiées. Mais elle ne pouvait plus nier ce qu'elle voyait de ses propres yeux : les chiens chinois étaient mieux traités que des médecins coréens.
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En 1991, au moment où la Corée du Sud devenait le plus grand exportateur de téléphones portables, très peu de Nord-Coréens avaient un jour touché un combiné fixe. Il fallait se déplacer à la poste pour passer un coup de fil. Mais on devait aussi s'armer de patience pour envoyer une lettre. Le papier restait une denrée rare. On écrivait généralement sur du papier journal, dans la marge. Les feuilles qu'on trouvait dans les magasins d’État étaient faites à partir de l'enveloppe du maïs et avaient tendance à se déchirer très facilement. [...] Enfin, pour faire les quatre cents kilomètres qui séparaient Pyongyang et Chongjin, une missive mettait parfois un bon mois.
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Les transfuges nord-coréens ont souvent du mal à se fixer. Difficile en effet pour un rescapé d'un pays totalitaire de vivre dans le monde libre. Les réfugiés doivent se redécouvrir dans un espace offrant des possibilités infinies. Choisir l'endroit où l'on vit, que faire, ou même quels vêtements enfiler le matin, demeure parfois ardu pour quelqu'un d'habitué à des choix imposés. Ces dilemmes sont capables de paralyser ceux dont les décisions ont été prises toute leur vie durant par un gouvernement.
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"Kim Jong-il se fiche de mettre à genoux le reste du pays. Il estime que les missiles et les armes nucléaires sont le seul moyen de conserver le pouvoir", m'a expliqqué Kim Dok-hong, un important transfuge de Pyongang, dans un entretien à Séoul en 2006.
Pourtant, le moment était vraiment très mal choisi. Kim Jong-il voyait que la guerre froide touchait à sa fin, mais il ne parut pas comprendre que ses anciens protecteurs communistes s'intéresseraient désormais davantage à l'argent qu'au financement d'une dictature anachronique cultivant des ambitions nucléaires. L'économie de l'ennemi héréditaire, la Corée du Sud, faisait la course en tête depuis le milieu des années soixante-dix ; la décennie suivante, la Corée du Nord mordait la poussière. Peu importe la solidarité communiste, Chine et Union soviétique voulaient commercer avec Hyundai ou Samsung, pas avec les monopoles publics du Nord qui ne payaient pas leurs factures rubis sur l'ongle. En 1990, un an avant sa chute, l'Union soviétique établit des relations diplomatiques avec la Corée du Sud, une formidable gifle administrée à Pyongyang. La Chine allait suivre deux ans plus tard.
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Kim Il-sung a crée la société la plus anticonsumériste du XXe siècle. Partout ailleurs en Asie, les marchés abondent où grouillent chalands et marchandises. Pas en Corée du Nord. Les boutiques les plus célèbres du pays se trouvent à Pyongyang et portent l'appellation riante "Grand Magasin n°1" et "Grand Magasin n°2". Les marchandises qu'ils proposent sont aussi affriolantes que leur nom. Lorsque je les ai visités en 2005, au cours d'un séjour à Pyongyang, j'ai vu des bicyclettes chinoises au rez-de-chaussée, mais je n'ai pas réussi à savoir si elles étaient à vendre ou bien seulement en exposition pour impressionner les étrangers. Dans les années quatre-vingt-dix, des visiteurs ont remarqué des fruits et des légumes en plastique, exhibés sans doute pour épater les "touristes", spécialistes du lèche-vitrine.
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Lorsqu'on observe des photographies de l'Extrême-Orient prises de nuit, on remarque une vaste zone curieusement dépourvue de toute lumière. Cet espace obscur, c'est la République populaire démocratique de Corée. [...] C'est au début des années quatre-vingt-dix qu'elle a disparu dans la nuit. Après la chute de l'Union soviétique, qui jusqu'alors fournissait ses alliés communistes en pétrole à bon marché, l’économie vieillotte et peu performante de la Corée du Nord s'est effondrée. Les centrales se sont mises à rouiller et à tomber en ruine. Les lumières se sont éteintes. Des Nord-Coréens affamés ont escaladé les poteaux électriques afin de chaparder du cuivre qu'ils échangeraient contre de la nourriture. Lorsque le soleil se couche, l'horizon devient gris et, bientôt, la nuit engloutit les petites maisons trapues. [...]
Lorsque des étrangers contemplent ce néant qu'est devenue la Corée du Nord de nos jours, ils songent à des villages reculés d'Afrique ou d'Asie du Sud-Est que l'électricité n'a pas encore atteints. Mais la Corée du Nord n'est pas un pays sous-industrialisé. C'est un pays qui s'est détaché du monde industrialisé.
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Dans les manuels de mathématiques de classe primaire, on trouve par exemple ce genre de questions :
Trois soldats de l'Armée populaire de Corée tuent trente soldats américains. Combien de soldats américains ont-ils été tués par chacun d'eux, s'ils en ont tués un nombre égal ?"

Un livre pour jeune lecteur de classe primaire, publié en 2003, propose le poème suivant intitulé "Où allons-nous?" :
Où sommes-nous allés ?
Nous sommes allés dans la forêt.
Où allons-nous ?
Nous allons sur les collines.
Qu'allons-nous faire ?
Nous allons tuer des soldats japonais.
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« En 1998, entre six cent mille et deux millions de personnes étaient mortes de faim en Corée du Nord ...soit pour l'estimation haute, prés de dix pour cent de la population..

Les chiffres exacts ne seront jamais connus, car les hôpitaux nord- coréens n’enregistrent pas l’inanition comme une cause de mort...

Lors des famines, on ne meurt pas nécessairement d’inanition...
Les infections sont tout aussi redoutables.

La malnutrition chronique diminue les capacités de l’organisme à combattre la maladie .
Le corps affamé demeure trop faible pour métaboliser le moindre antibiotique ....même s’ils sont disponibles et une infection bénigne devient fatale .Les personnes dénutries se trouvent beaucoup plus sensibles à la tuberculose et à la typhoïde. ... »
La faim est un tueur sournois .
« La Corée du Nord est une sorte de néant .... »
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« La machine de propagande nord- coréenne s’emballa et échafauda des histoires encore plus fabuleuses : peut- être KIM II-Sung n’était - il pas vraiment mort?

Peu aprés son décès, le gouvernement se mit à ériger trois mille deux cents obélisques à travers le pays, les « Tours de La Vie Eternelle » .

KIM II-Sung resterait le président en titre.
Un film de propagande affirma qu’il reviendrait à la vie si les citoyens pleuraient suffisamment :

Lorsque le Grand Maréchal s’éteignit, des milliers de grues descendirent des cieux pour venir le chercher...
Les oiseaux ne purent l’emmener car ils virent les Nord- Coréens pleurer et gémir et se battre la poitrine , s’arracher les cheveux et frapper le sol.... »
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Ils ne communiquaient plus que par e-mail ou par texto. L'assouvissement instantané du plaisir d'échanger que procure la communication moderne tuait la magie qui avait existé entre eux. Leur relation est de celles qui s'épanouissent dans l'adversité ; dans l'adversité qui prévalait en Corée du Nord. Les émotions paraissent plus fortes lorsqu'elles sont transmises griffonnées sur un précieux petit bout de papier avant d'être convoyées dans des trains asthmatiques à court de diesel.
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C'est un phénomène nord-coréen noté par de nombreux observateurs. Puisqu'il n'y a plus de chaises ou de bancs, les habitants restent accroupis pendant des heures, le long des routes, dans les parcs, au marché. Ils regardent droit devant eux comme s'ils attendaient quelque chose : un tramway, peut-être ou une voiture ? Un ami ou un parent ? Peut-être n'attendent-ils plus rien en particulier. Ou seulement l'espoir d'un changement.
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La fin d'une époque n'arrive pas tout d'un coup.
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On connaît la citation: "Un mort, c'est une tragédie; un million, c'est une statistique." Mi-Ran ressentait la même chose. Afin de survivre aux années quatre-vingt-dix, il fallait réprimer sa prédisposition au partage. Pour éviter de devenir fou, il fallait refouler sa compassion. Mi-Ran avait fini par apprendre à contourner un cadavre dans la rue sans y prêter attention. Elle pouvait passer devant un garçonnet de 5 ans qui agonisait sans se sentir obligée de l'aider.
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