Booktrailer de Comme il faut
Sur le chemin du retour, tout le bus dort. Je ne sais pas comment ils y parviennent. Le voyage est si bruyant avec un coup de klaxon toutes les quinze secondes – une moyenne de quatre cent quatre-vingts en deux heures de trajet –, des coups de freins, une vache rumine sur l’autoroute. Le volant du bus est limé là où le chauffeur klaxonne, sous l’œil du mini autel de Ganesh, leur saint Christophe. En ville, le clignotant est remplacé par le jeune à côté du chauffeur qui agite la moitié de son corps. Incredible India !
Les plus petits me souhaitent un joyeux anniversaire et m’écrivent des petits mots en français et en hindi « Janmadib mubarak Sir Benjamin ! ». Je les collerai contre mon armoire pour les avoir sous les yeux. Je ne suis pas propriétaire d’un apparte-ment, je n’ai jamais eu de CDI, je vais divorcer, mais j’ai la chance d’avoir reçu ces adorables marques d’affection. À la fin de ma vie, je ne vais pas me rappeler mes combats, mes conquêtes ou mes fiertés. Je me souviendrai du jour où j’ai trouvé un cèpe mangé par « une riri » qui fit sauter de joie ma mère, de l’odeur des crêpes de ma grand-mère qui embaumait l’escalier, ou encore de ces petits messages affectueux.
Donner à un élève l'envie de croire en lui, c'est le travail d'un enseignant.
Dans le train de nuit, je n'ai pas envie de rentrer au Mayo College. L'Inde est un pays passionnant, sauf pour y travailler. Le tourisme n'y est pas si difficile, pour un voyageur chevronné et anglophone. Ce pays était le dernier sur ma liste. Désormais, il est dans ma catégorie : "Ne meurs pas idiot, fais-le une fois. Peut-être tu ne l'aimeras pas, mais visite-le !"
Ce n’est pas que je souhaite qu’il meure, c’est juste que je ne veux plus qu’il vive.
J'ai quand même 93 élèves, tous indiens, sans trombinoscope, sans photo, sans badge, sans présentoir. Avec des prénoms imprononçables et impossibles à retenir, tels que "JAYNISHANJ, DYVYANSH, LAKSHYA, SHIVANK, RUDRAPRATAP, HRITVITZ, PRIJHVIRAJ, SHAURYARITYA et HARSHVARDHAN". Heureusement, ils utilisent des diminutifs, "Harry", ou j'en inventerai, "Rudra".
"La vérité, même s’il l’ignorait, comme bien des vérités, était que François avait toujours considéré sa sœur comme une subalterne, un complément de vie, une personne supplémentaire, avec laquelle il ne devait pas s’épuiser dans des simagrées pour paraitre sympathique"
Je ne suis pas l’aventurier sympathique avec les Indiens dès le pied posé sur le tarmac, capable de manger de la nourriture des échoppes de rue sans jamais être malade et montrant son dos sur Instagram en train de faire du yoga au lever de soleil. Ne me jugez pas si vite, je ne suis pas non plus terré dans ma chambre, cherchant le premier vol pour rentrer. J’évolue à mon rythme, pas à pas. Ce pays semble être comme un grand ouragan qui me projette comme une meule de paille, loin de ma personnalité, de mes certitudes et de ma volonté.
"Marianne l’embrassa sur la bouche et emprunta le couloir. Elle ressentit une puissante vague d’amour grâce aux petites attentions que Jean lui prodiguait au quotidien, comme si elle était la reine du village. Jean l’observait parfois, un discret sourire aux lèvres, et revenait avec l’objet idoine : du sucre, un paracétamol, une tasse de thé, un stylo, une glace, des pantoufles, du citron…."
J’ai lu ce livre d’une traite. Je suis tout de suite rentrée dans l’histoire qui est très bien racontée. Le narrateur nous fait part de ses mésaventures mais sans nous ennuyer au contraire il nous donne une leçon de courage et de résilience.