Benny Barbash -
La vie en cinquante minutes .
Benny Barbash vous présente son ouvrage "
La vie en cinquante minutes " aux éditions Zulma. Retrouvez le livre : http://www.mollat.com/livres/barbash-benny-vie-cinquante-minutes-9782843047367.html Note de musique : Murmur by Chamomille - Vimeo Music Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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Étendue sur le dos, elle se sentait exposée, sans défense et au lieu de se concentrer sur les raisons mêmes qui l’avaient poussée à consulter un analyste, elle s’égarait dans des considérations secondaires : pourquoi faut-il être étendu sur le dos ? En quoi cette position favorise-t-elle la thérapie ? Pourquoi le divan est-il si dur ? Pour empêcher les patients de s’endormir ? Était-ce la raison pour laquelle la psychanalyse ressemblait aux autres religions ?Dans les églises, les synagogues et les mosquées aussi, on proposait aux patients des bancs raides qui cassaient le dos ou des paillasses poussiéreuses qui meurtrissaient les genoux.
-Tu crois que Dieu existe ? lui avait demandé l’écrivain.
-Peu importe ce que je pense. Mes pensées n’ont aucun effet sur l’existence ou la non-existence d’un moustique, à plus forte raison sur celle de Dieu.
Papa ne nous emmenait pas chez lui, nous tournions en ville comme des nomades ou allions faire du trampoline dans le Parc Yarkon où se rendent tous les pères divorcés qui ne savent pas quoi faire de leurs enfants, les mères divorcées y vont également de temps en temps, pas parce qu'elles n'ont pas de maison, mais, comme nous l'expliqua Ido, l'ami de Shaoul, pour trouver un divorcé, ça s'entend à la tonalité même des mots di-vor-cé, di-vor-cé-e, un célibataire ne prendrait jamais de la vie une divorcée, parce qu'elle a déjà servi, tandis qu' un divorcé qui est déjà habitué à ce qui a servi n'y voit aucune objection.
Au même moment, la physicienne qui était en train d'en enfourner une grosse bouchée lui avait demandé : Qu'est-ce qui n'est pas cachère dans le hoummous ? Zahava l'avait regardée, interloquée, puis s’était tournée vers ses deux autres amies qui paraissaient en plein accord avec la physicienne.
Vous êtes des ignorantes ou vous ne savez vraiment pas ? avait demandé Zahava. Et elle avait énuméré les diverses raisons pour lesquelles ce plat populaire pouvait être frappé d'interdit alimentaire. A commencer par la pita elle-même qui pouvait être un aliment souillé : avait-on prélevé la dîme sur les champs des pois chiches? Les avait-on laisses en jachère tous les sept ans? Avec quels ustensiles et dans quelle cuisine avait-on préparé le hoummous? Sans compter que dans cette taverne, on servait du porc, vous imaginez un peu ! Et qui donc vérifiait que le persil n'avait pas été en contact avec des insectes? Et que les plats n'avaient pas été cuisinés pendant le shabbat que les Arméniens, propriétaires des lieux, ne sont nullement tenus de respecter ? Toutes ces raisons et d'autres encore étaient suffisantes pour précipiter les copines dans le cinquième cercle des géhennes, auprès des épicuriens et autres hérétiques et impies qui be croient pas à la résurrection des morts.
- [...] Quand avez-vous découvert cette boite ?
- Aujourd'hui, répondit Zahava, avec l'impression d'avoir vécu toute une vie depuis le matin.
- Et qu’espérez-vous y trouver ?
- Je ne sais pas. Peut-être un secret.
- Un secret qui vous appartient ?
- Non, un secret de mon mari.
- Avant de découvrir le coffret, vous pouviez vivre sans ce secret ?
- Je ne savais pas qu'il existait.
- A présent non plus vous ne savez pas. Et si vous me demandez mon avis pourquoi le découvrir ?
- Pour connaitre celui avec lequel je vis. Pour savoir s'il me cache quelque chose.
- Depuis combien de temps êtes-vous ensemble ?
- Trente-deux ans, répondit Zahava, embarrassée.
- Madame, lui dit l'Arménien, si vous devez encore ouvrir des boîtes après trente-deux ans de mariage, aucune boîte ne vous aidera à comprendre ce que vous n'avez pas pu apprendre durant tout ce temps.
Jusqu’à cet instant-là, elle n’avait pas dit un mot, craignant que si elle exprimait clairement le sentiment confus qu’elle éprouvait à l’égard de son mari, accusé d’avoir raté leur mariage, de l’avoir trompée et lui avoir gâché la vie, son monde s’écroulerait. Ressentir confusément ces choses-là et, comme nous tous, continuer à vivre en faisant semblant, soit ; mais oser penser ces idées fuyantes, les formuler avec des mots clairs prononcés à voix haute devant un étranger, fût-il un thérapeute, était une action d’éclat qui risquait de bouleverser sa vie, d’ébranler les fondements mêmes de son existence, voire de la détruire.
Papa glissa lourdement de la table et se dirigea vers la fenêtre pour regarder dehors, tel Moïse contemplant tristement, depuis le mont Nébo, la terre promise à laquelle il ne parviendrait jamais. Il y avait cependant une énorme différence entre eux : Moïse était alors déjà un vieillard, sur le point de mourir de toute façon. Qu’avait-il à perdre ? Une terre balayée par le hamsin et couverte de trombidions, avec deux cent millions d’Arabes autour et un peuple qui, au mieux, l’aurait élu pour prendre la tête de l’opposition. En fin de compte, Moïse s’y retrouvait entre ce qu’il y avait à perdre et à gagner. (p. 94-95)
« Le cheveu ne lui laissait pas de répit. Il enflait, s'allongeait et grossissait comme un énorme ver solitaire, se nourrissait grassement de ses angoisses et se régalait de ses soupçons, s'insinuait dans les méandres de son cerveau, s'enroulait avec son corps souillé et gluant autour de ses pensées, surgissait au bord de sa conscience aux moments les plus inattendus, lançait ses tentacules dans les moindres interstices de son existence, s'accrochait aux miettes de sa vie éparpillés aux quatre coins et s'emparait totalement de sa personne. »
Amalia ne se contentait pas de grossir puis de maigrir, trois ou quatre fois par an. Elle se mariait et divorçait également beaucoup et sa couleur de cheveux changeait en fonction des saisons, passant du noir corbeau aux mèches, puis au blond et au roux, et tantôt ses cheveux étaient tressés à l'africaine, pour être permanentés l'instant d'après, puis bouclés, puis crépus, et soudain, ils raccourcissaient, puisque va savoir quelle coiffure son âme soeur allait préférer, laquelle existait certainement quelque part, elle ne l'avait simplement pas encore rencontrée, et on n'avait pas le droit de désespérer et il fallait continuer à chercher sans relâche, parceque sur les deux milliards d'hommes, ou Dieu sait combien il y en a, qui peuplent la surface de la terre, et qui partent en guerre et gagnent de l'argent et sont artistes et font des découvertes, il y en a bien un qui lui correspond. Elle n'avait qu'à être au bon moment au bon endroit, et avoir l'apparence qu'il faut. Attendre à l'un des carrefours animés, dans lesquels, comme dit papa, elle tend ses pièges et ses embuscades, et un jour, son promis finira bien par croiser son chemin (...)
» Grand-père se tut, absorbé dans ses pensées, et nous comprîmes qu’il n’était pas vraiment là, avec nous, mais dans sa maison en Pologne, en train d’écouter ses parents se disputer, et je pensais à part moi, comme c’est bizarre, même les gens âgés comme Grand-père parlent de leur père et de leur mère comme s’ils étaient eux-mêmes encore des enfants, le père et la mère de Grand-père avaient certainement eux aussi un père et une mère, qui racontaient peut-être, eux aussi, des histoires au sujet de leurs propres parents, et ainsi de suite, et si tout le monde prenait la peine d’écrire sur une feuille de papier le nom de ses parents et de transmettre cette feuille à ses enfants, on pourrait peut-être arriver jusqu’au premier homme et se rendre compte que nous sommes tous une seule et même famille, (…) »