Benoît Coste

Welcome to the Jungle, we've got fun and games"
Guns'n Roses

Ah ! Cette territorialité qui nous habite, qui nous conditionne depuis nos premiers pas d'hommes, qui nous fragilise aussi par les règles et la moralité que nous-mêmes nous plaçons au-dessus de nos têtes. De cette invitation perverse et maligne qui vous conduit vers une route à ne pas prendre, vers la promesse de plaisirs exquis et insoupçonnés et vous laisse en rade dans un enfer encore plus grand.
La Jungle, elle est partout, elle n'est pas délimitée par la frontière d'un quartier tel que le Bronx où la violence, la décrépitude et la surenchère règnent, ni par le contraste entre urbanité, modernité et archaïsme. On la retrouve dans une réunion officielle lorsque vous pénétrez dans une salle aseptisée au sein de laquelle les plus influents DG vous attendent impatiemment, prêts à vous écorcher vif et vous repaître de votre faiblesse après vous avoir, bien entendu, défoncé très profondément lors de votre présentation - et je n'emploie pas ce mot que dans un sens littéral. Elle peut aussi distiller son insondable parfum entre réunion de crise entre services de votre société - marketing, financier, data-in, input, communication et média - au sein de laquelle la prise de parole devient une guérilla de visibilité interne, de propositions vaines de projets restés en stand-by, de sueur rance et d'animosité maladive. Une gigantesque partie d'échec se joue entre les participants, dissimulation, avancement, projection de vendettas plus personnelles, corporatisme et intégrité sont les pions que chacun avance dans le drame humain et opérationnel des entreprises.
Dans son Léviathan, Thomas Hobbes écrit : "L'homme est un loup pour l'homme". Je pense que les dédales de couloirs des grandes entreprises internationales, les recoins les plus sombres -entre interstices réunionites, territorialité de l'open-space et positionnement suprême marqué de la société à laquelle chaque employé appartient, marqué au fer rouge dans son cerveau rougi de cendres - jusqu'à l'intimité d'un couple dans leur foyer qu'ils ont bâti à la sueur de leur front, deviennent les dividendes abstraites de cette territorialité, la vision absconde d'une géopolitique grandeur nature.
We've got fun and games : une gigantesque tromperie de la place de l'homme dans l'arène géante de l'existence, au sein de laquelle du pain et des jeux sont distribués aux participants pour étancher leur faim d'une destruction dévorante mais aussi pour dissimuler leur propre déchéance dans un simulacre d'images, de mensonges et de plaisirs inutiles mais créés spécialement pour ce cher consommateur qu'est l'homme. Vous ai-je déjà parlé de la troublante mais déchirée Natacha, une fille venue assouvir les pires caprices et désirs des plus puissants cadres et amis, gravitant dans les hautes sphères de la finance, et qui nous a fait passer une folle nuit, à mon copain Henning Syles et à moi, nous engageant au-delà des frontières inattendues et que nous ne souhaitions pas forcement franchir ? Une nuit mémorable comme tant d'autres mais avec cette fascinante illustration des conséquences de ce cocktail Domination/ Possession et Territorialité dans une géopolitique des sens, de la perversité et de la violence. Un cocktail délicieux, parfois amer et troublant lorsque son liquide vous brûle la gorge et vous déchire l'âme. Un peu comme cette fille Natacha qui nous invita à la suivre dans la Jungle.

Monsieur Styx, reprit-elle, me regardant froidement, la pupille d'un mélange de déception, de haine irascible et d'une dose légère d'excitation inconsidérée, ou du moins si c'est votre vrai nom, je ne m'attendais pas à un personnage tel que vous. Les médias vous ont dépeint comme une espèce de libérateur de la conscience américaine à travers vos révélations coups de poings des rouages corrompus et usés de notre système. C'est cet homme que je voulais voir ce soir, et non un dragueur invétéré qui se cache derrière le succès de votre livre, à l'image d'un repoussant et odieux Charles Bukowski, pour satisfaire son propre plaisir. J'avais raison depuis le départ que vous n'étiez qu'un manipulateur, un faussaire qui saupoudre son roman, sa vie, enfin toute ce qui vous environne, d'une dose de sexe comme pour assoir votre potentiel animal et destructeur. Un primate dégénéré qui se moque des autres, à commencer par vous-même. Votre livre n'est qu'une excuse pseudo politique et dénonciatrice de notre système ; ce qui vous intéresse c'est la mise en page de vos propres fantasmes, inassouvis - je ne me trompe ? -, une succession de scènes orgiaques à l'intérieur des buildings de nos plus grandes sociétés américaines, fondement de notre bien-être quotidien et marqueurs de notre Morale, de notre civilité et de notre réussite...

Tout le monde le savait. L'examen pratique visait à identifier les gens qui pourraient devenir accros à Internet, c'est-à-dire presque tout le monde. Pour réussir, il fallait donc se montrer capable d'avoir une utilisation responsable et raisonnée du réseau.

L'essentiel du savoir avait disparu avec la grande panne.
Tout le savoir des hommes avait été placé dans les machines qu'on appelait ordinateurs et ces machines étaient devenues muettes d'un seul coup avant de s'entasser dans des décharges.

- Éveiller les enfants à l'art, c'est une noble tâche. Mais les temps ont changé, malheureusement... Nous ne pouvons plus nous payer ce luxe. Nous devons désormais préparer ces enfants à vivre dans un monde dur, un monde sans pitié. L'éducation sert à ça. Une fois grands, aux travaux, ils n'auront plus le temps de se distraire. Tu crois que savoir dessiner leur servira le jour où il faudra réparer le toit des écuries ? Tu crois vraiment que jouer la comédie les aidera la prochaine fois que nos récoltes seront gâchées par un mauvais printemps ou canicule ?